Mais le jeu continue, avec le risque de voir s’envoler l’illusion qu’entretiennent hypocritement nos hommes politiques. Et nous sommes là, à brûler nos derniers neurones devant le déclin désormais entamé d’une patrie qui se délite. Notre existence facultative ne serait-elle pas plus digne si l’on avait au moins la décence de nous abonner à un magazine littéraire ? Mais l’époque est aux lâches ; c’est la course à qui paraîtra le plus sulfureux sans se fâcher avec personne, un coup par-ci, un coup par-là. Seuls les miroirs nous font la gueule et on peut se coucher avec la conscience presque tranquille tout en se répétant : non, je ne suis pas un imbécile, je vis avec mon temps. La politique n’est-elle pas née le jour où le premier mythomane a rencontré le premier naïf ?
Je rame à coups de sarcasmes, mais la réalité est bien triste. En effet, il ne tenait qu’à vous, chers dirigeants, de nous assurer un nouveau départ plutôt que de prolonger cette situation dans les pires conditions. À croire que nous vivons dans un État en perpétuelle prorogation. Toutes les institutions censées préserver un régime qui n’a désormais plus de démocratique que le nom se retrouvent bloquées, comme si elles avaient capitulé face a un chaos qui se généralise. Cette accumulation de « pannes » démocratiques finit d’achever la « dé-démocratisation » du Liban et des institutions libanaises.
Le régime libanais est une sorte de IVe République mais avec des parties confessionnelles. Quand un parti décide de faire tomber un gouvernement, ce sont des religions et des communautés entières qui s’inquiètent. La guerre n’est pas pour nous un lointain souvenir. On est loin d’une petite crise gouvernementale à la sauce radicale. Pourtant, on retrouve les poisons et délices des régimes d’Assemblées instables : on ne sait pas vraiment qui a gagné et qui a perdu.
Le pays se retrouve alors otage de son propre peuple. À se demander si cette diversité culturelle, dont nous sommes si fiers et que nous nous acharnons à promouvoir dans le monde entier, ne serait pas en fait un cadeau empoisonné qui scelle notre destin à une éternelle instabilité.