Depuis l’annonce de la Fed, la monnaie turque a chuté de 10 %. La livre a entraîné dans sa dégringolade la Bourse d’Istanbul (BIST) dont l’indice principal, après un recul de 3,46 % la veille, a enregistré hier une nouvelle perte de 2,02 % en fin de séance.
Pour répondre aux turbulences qui affectent les économies émergentes, la Banque centrale turque a décidé mardi d’augmenter une nouvelle fois l’un de ses taux directeurs, celui du prêt au jour le jour, de 7,25 % à 7,75 %. Elle l’avait déjà relevé, en juillet, de 6,50 % à 7,25 %. Elle a également prévu d’injecter au moins 100 millions de dollars chaque jour sur les marchés pour tenter de stabiliser la monnaie. Ce montant pourrait être plus conséquent si nécessaire, a précisé hier la Banque centrale, annonçant des injections de plusieurs centaines de millions de dollars sur le marché.
Après l’Inde et le Brésil, la Turquie voit ainsi, malgré ces mesures d’urgence, la chute de sa devise s’accélérer, victime de sorties de capitaux massives. Les investisseurs s’inquiètent du déficit de sa balance courante, supérieur à 5 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui la rend très dépendante des financements étrangers. Sa balance des paiements est déficitaire de 55 milliards de dollars (41 milliards d’euros) par an.
La Turquie a également été victime de la récession en Europe, son principal partenaire commercial, à laquelle elle vend une très grande partie de sa production, notamment d’automobiles.
Depuis début juin, les autorités monétaires turques ont vendu 6,6 milliards de dollars pour soutenir la monnaie locale. Mais ces interventions ont eu jusque-là des effets très limités. Les taux se sont également envolés : sur le marché obligataire, le taux des emprunts à 10 ans de la Turquie est monté à 10,01 % hier, contre 9,53 % mercredi.
Les analystes jugent les mesures insuffisantes et trop complexes, et estiment que la Banque centrale pourrait relever jusqu’à 9 % d’ici à la fin de l’année son taux du prêt au jour le jour. « À notre avis, plutôt que de s’engager dans une politique compliquée de gestion des liquidités, un ajustement suffisamment fort et au bon moment sur le front des taux d’intérêt aurait été plus efficace pour enrayer la chute de la livre », a commenté hier Gökçe Celik, économiste à la Finansbank.
Mis à mal par la chute de sa monnaie, le gouvernement turc a à nouveau critiqué hier la Fed en lui reprochant de créer des incertitudes sur le marché global, mais rejeté tout scénario de crise pour les pays émergents. « L’avenir ne réside pas en Europe ni aux États-Unis. L’avenir, ce sont les pays en développement, c’est-à-dire le Brésil, la Turquie, l’Inde, la Chine et la Russie », a affirmé le ministre des Finances, Mehmet Simsek, dans des déclarations télévisées. M. Simsek a assuré que son pays était paré « à tout scénario » et que son économie retrouverait ses couleurs lorsque le marché global aura été affecté.
Le Premier ministre islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis plus de dix ans, a fait de la Turquie un modèle de bonne santé économique parmi les pays émergents, mais des nuages sont apparus ces derniers mois.
La Turquie entrera en 2014 dans une période électorale avec des municipales en mars et une première présidentielle au suffrage universel en août, des scrutins où sa santé économique constituera un enjeu important. Après des pics impressionnants de 9,2 % en 2010 et de 8,5 % en 2011, la croissance s’est nettement essoufflée avec une envolée des prix et de ce fait des chiffres d’inflation. Ankara espérait 4 % en 2013, mais cette prévision va sans doute être révisée, comme celle pour l’inflation qui s’établissait à 8,8 % en juillet en glissement annuel.
Le gouverneur de la Banque centrale, Erdem Basci, a indiqué mercredi que les mesures de resserrement monétaire seraient reconduites chaque jour jusqu’à nouvel ordre. Après avoir vendu 200 millions de dollars mercredi, la Banque a encore écoulé hier 350 millions de dollars par adjudication de devises.
(Source : AFP)