Qu’est-ce qui fait qu’une vie soit une vie : le travail, l’accumulation (ou les problèmes) d’argent, les rencontres, l’amour, le mariage, la routine, les enfants, les deuils, les échecs, les disputes, les divorces, les rêves, les souffrances, les désillusions... Et aussi ces moments éphémères de bonheur avec celle qu’on aime, avec les enfants, dans la solitude des souvenirs et des rêves, ces moments de bonheur qu’on ne peut pas oublier. Et aussi l’ennui, l’indécence de se plaindre de l’ennui quand on a le privilège de pouvoir penser à la vie, à ce qu’ont veut vraiment, (et surtout) à ce qu’on ne veut plus, au-delà du tumulte, au-delà du bruit, dans le silence, seul, dans la hantise du temps écoulé, et du temps qui nous reste...
Et puis soudain, une déflagration, les derniers cris de ceux qui vont partir, les pleurs de ceux qui sont restés et la mort qui surgit. Celui qui était et qui n’est plus.
Je me dis que tout est dérisoire, tous nos soucis sont dérisoires, tous nos problèmes sont dérisoires, de toute façon le temps nous tue mais les monstres tuent le temps et abrègent la vie.
Je me demande comment font les gens quand la terreur a toujours été à l’arrière-plan de leur vie. Comment font les gens pour vivre parmi les monstres, ceux qui massacrent, ceux qui manient les explosifs, ceux qui assassinent, ceux qui frappent leurs femmes jusqu’à ce que mort s’ensuive, ceux qui mutilent et castrent les hommes et tous ceux qui les protègent. Ceux qui ont tout confisqué, tout saccagé, tout pillé.
La vie est dure, la vie des gens est dangereuse mais ils ne veulent pas le savoir ni y penser. C’est ce que me disent leurs visages, c’est ce que reflètent leurs yeux.
Ils ont surtout envie de se déconnecter, définitivement, de tout arrêter, de tout laisser tomber, de partir. Ils ont suffisamment de soucis, de problèmes avec la crise économique et sociale et voilà que la hantise des attentats-suicide se greffe sur leur vie. Ils ont l’impression de rouler sur des mines prêtes à exploser à tout moment. Ils sont déjà passés par là, ils ont déjà dubi leur guerre, ils ont eu leur dose, mais voilà que cela revient. Les choses immobiles, les esprits destructeurs ne disparaissent jamais. Beyrouth est en train de redevenir Beyrouth. Beyrouth n’a jamais cessé d’être Beyrouth, malgré les paillettes, malgré les artifices.
Les gens ne veulent plus vivre en se cognant à des fantômes, ils ne veulent plus être à la merci d’un monstre, ce monstre qui rôde, ce monstre qui est partout. La mort partout. C’est en pensant à eux que j’ai écrit ce texte mais en le relisant je vois bien qu’il parle surtout de quelqu’un d’autre. Il parle de moi.
VOUS NE PARLEZ PAS DE VIE... VOUS PARLEZ DE HASARD ET D'ANATHÈME... LA VIE C'EST L'AMOUR DE DIEU, CELUI DE LA PATRIE, DE LA FAMILLE, DE LA LIBERTÉ, DE LA CONCORDE, DE LA PAIX, DU PROCHAIN ET SURTOUT DE COMPRENDRE QUE SES DROITS FINISSENT LÀ Où COMMENCENT LES DROITS DES AUTRES !
15 h 08, le 21 août 2013