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Nos Lecteurs ont la Parole

Soyons des hommes !

Par Georges TYAN
Chaque goutte de sang humain sauvagement répandue est dans mon entendement une action hautement condamnable. Les gens ne sont pas des mouches qu’on tue impunément, ou encore un banc de poissons que l’on pêche à la dynamite.
Que dire du sang de personnes que j’aurais un jour ou l’autre côtoyées, frôlées, entraperçues de-ci, de-là, ou celui de parfaits inconnus, de parents vaquant à leur occupations, tenant tendrement leurs enfants par la main, les faisant traverser une rue, et qui d’un coup de tonnerre, aveugle, stupide, inhumain, disparaissent ?
Un lien fort m’unit à toutes ces personnes que la rage de nuire, calmement étudiée, savamment planifiée, a rayé de la carte des vivants : celui de l’appartenance à mon petit pays, le Liban, qui une fois de plus fait face à son destin.
Dans quelques jours, il y a trente et un an, Béchir Gemayel était élu président de la République, son furtif passage allait réconcilier les Libanais entre eux et mettre un terme à l’immixtion destructrice des étrangers dans nos affaires internes. Le Liban, patrie de rechange, a fait long feu. Ils s’en iront par bateaux entiers, pour revenir quelques mois plus tard, Béchir étant parti emportant avec lui notre rêve.
Entre-temps, le pays se débattra de plus belle dans ses nouvelles contradictions, jusqu’à l’avènement de la République de Taëf qui, avec la bénédiction de notre oncle d’Amérique, l’a jeté dans le giron syrien. La tragique disparition du grand bâtisseur que fut le président Rafic Hariri nous en libérera.
Une fois de plus, c’est avec liesse et une joie incommensurable que nous assistions au départ des forces d’occupation syriennes par camions entiers. Mais le mal, comme Caïn de sa tombe, regardait l’avenir d’un œil goguenard.
Le Libanais, du moins la génération de politiciens actuels issue de Taëf, quoique ayant chanté tous les étés la liberté, la souveraineté et l’indépendance, n’a pas su apprécier à leur juste valeur ces mots, pierre d’achoppement de la vie de tout pays. Au bout d’un court moment, ils commençaient à sonner faux, pour finir par sonner creux.
Ce comportement semble présent dans nos gènes ; nous naissons avec, comme le péché originel, une réminiscence du passé de notre pays qui, depuis des âges a connu toutes sortes de colonisateurs, allant des Égyptiens aux Grecs, aux Romains, aux Turcs pour arriver à notre chère mère la France.
Nous cherchons protection ailleurs, en dehors de nos frontières, de nos lois. Nous avons cet étrange besoin de recevoir des ordres, des instructions, fais ceci, non pas ça, attention ! Comme les enfants qui ont peur de lâcher la jupe de leur mère. Après les Syriens, nous voilà empêtrés dans les tchadors iraniens, les tenues qataries et les abayas saoudiennes. Les burquas à l’afghane pointent déjà le bout de leurs masques.
Que du beau monde ! À défaut d’en pleurer, mieux vaudrait en rire. Or, même du rire nous sommes privés. Les larmes se sont asséchées au désopilant spectacle qui s’offre à nous.
Les mères s’invectivent, s’insultent, se menacent, sans pourtant passer au crêpage de chignons. Ce sont les enfants, ces mauvais garnements, qu’elles lâchent et qui, à leur tour et sans retenue, se lâchent. On leur a fourni de quoi guerroyer, les ingrédients de la haine – race, religion, couleur de la peau – et de la mort – argent, armes, logistique, médias.
Pensez-vous qu’il soit facile d’empêcher un petit voyou de saccager et sa maison et celles des voisins, dans un quartier où il se sent fier comme Artaban, que par la terreur il s’est approprié et plié à ses caprices, encouragé par sa mégère de mère, sous le regard consterné d’un père, dépassé par les événements, qui tente de limiter les dégâts en prêchant la bonne parole à des sourds, attendant que la bourrasque se passe ?
Trop, c’est trop ! Déjà en 1860, au lieu que les parents ne prennent fait et cause chacun pour son rejeton, ils auraient dû leur administrer la bonne paire de claques qu’ils méritaient, nous évitant d’être marqués à jamais par les stigmates de ces querelles puériles, prétexte aux ingérences étrangères, pour soi-disant ramener la paix civile dans nos montagnes.
Regrettables, toutes ces suppositions. Avec des si on mettrait Paris en bouteille, mais nous n’en sommes plus là. Les faits sont tangibles, immuables, ils sautent aux yeux.
Une frange de nos concitoyens veut aller en guerre partout où ça lui chante, sachant que cette aventure, même en la portant sur le territoire des autres et pour le compte des autres, n’est pas une promenade de santé. La logique veut que la partie lésée retourne la politesse, en cadeaux tonitruants, semant la terreur et la mort sans discernement de race, de couleur, ou de religion.
Eh bien non ! Le Liban n’est pas un amalgame hétéroclite d’intérêts ; nulle communauté ne peut faire cavalier seul ; ce n’est pas un ramassis de mercenaires qu’on envoie à la mort pour je ne sais trop quelle cause, au risque de détruire sur ma tête et a fortiori sur la sienne l’édifice national.
Il est temps de récuser l’inacceptable, l’hérésie des mandats à rallonge, la loi du plus fort, lui baiser la main en priant qu’elle se casse, biaiser, louvoyer, en attendant qu’un miracle se produise.
Bouchons-nous les oreilles, fermons nos portes et nos fenêtres à tous ces étrangers qui ne nous veulent que du bien, au lieu de mourir à petit feu, au gré de leurs désirs contradictoires, prenons nos affaires en main et soyons des hommes.
Chaque goutte de sang humain sauvagement répandue est dans mon entendement une action hautement condamnable. Les gens ne sont pas des mouches qu’on tue impunément, ou encore un banc de poissons que l’on pêche à la dynamite.Que dire du sang de personnes que j’aurais un jour ou l’autre côtoyées, frôlées, entraperçues de-ci, de-là, ou celui de parfaits inconnus, de parents vaquant...
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