Les relations commerciales du Liban ont fait l’objet de plusieurs articles fort intéressants parus récemment dans la presse libanaise. Tout ou presque y a été dit sur les échanges de biens qu’entretient le Liban avec ses principaux partenaires commerciaux, notamment avec les États-Unis et la Chine. Le tableau gagnerait toutefois à être complété par un aperçu sur les relations commerciales du Liban avec l’Union européenne (UE) en tant que telle. Cela permettrait, en particulier, de comparer les échanges commerciaux entre le Liban et des entités politiques qui ont des puissances économiques comparables. Le tableau peut également être complété par une comparaison entre les échanges commerciaux du Liban avec les trois entités mentionnées ci-dessus et ses échanges avec les pays arabes considérés dans leur globalité plutôt qu’individuellement. Outre l’intérêt de telles comparaisons pour comprendre les interactions du Liban avec ses différents voisinages ainsi qu’avec les grandes puissances économiques de la planète, il s’avère qu’elles réservent également quelques surprises.
Effectivement, remontons quelques années en arrière et regardons l’évolution des échanges du Liban avec l’ensemble des 28 pays qui constituent l’UE depuis l’adhésion de la Croatie le 1er juillet 2013. En 2005, d’après les douanes libanaises, les importations en provenance de l’UE représentaient 44,6 % du total des importations du Liban. À titre d’exemple, l’Italie fournissait à elle seule, cette année-là, près de 11 % du total des biens achetés par le Liban à l’étranger. Pour ce qui est du volume des échanges, c’est-à-dire de la somme des importations et des exportations, l’UE était, cette année-là, le premier partenaire commercial du Liban avec une part de 39,3 % du volume total de son commerce extérieur. Toujours à titre d’exemple, le volume des échanges commerciaux avec l’Italie représentait à lui seul 9,2 % du total du commerce extérieur du Liban, ce qui en faisait le premier partenaire commercial du Liban, loin devant la France (7,6 %), la Chine (7,1 %), l’Allemagne (6,3 %) et les États-Unis (5,1 %).
La forte hausse du cours de l’euro par rapport au dollar qui commence en 2005, année au cours de laquelle un euro vaut en moyenne 1,24 dollar, et qui culmine en 2008 avec un cours moyen de l’euro par rapport au dollar de 1,47 USD/EUR va affecter la part de l’UE dans les importations du Liban de même que sa part dans le volume total de son commerce extérieur. Cette dernière va reculer de 39,3 % en 2005 à 34,2 % en 2008 et la baisse va se poursuivre malgré l’entrée en vigueur, en 2008, du démantèlement du tarif douanier libanais prévu par l’accord d’association signé en 2003 entre le Liban et l’UE : au cours des années 2010 et 2011, cette part se situera aux alentours de 33,8 %. Elle remontera fortement en 2012 pour atteindre 37,2 % en raison des importations par le Liban de dérivés pétroliers de l’UE à destination de la Syrie.
Tous les chiffres montrent que malgré la baisse continue de la part de l’UE dans le volume total du commerce extérieur du Liban entre 2005 et 2011, et malgré la part croissante des États-Unis et de la Chine, l’UE n’a jamais cessé d’être, et de très loin, le premier partenaire commercial du Liban. Même lorsque sa part était au plus bas, en 2011, elle était encore de 33,9 % du volume total du commerce extérieur du Liban contre seulement 8,9 % pour les États-Unis et 7,2 % pour la Chine. En 2012, elle était de 37,1 % contre 10,9 % pour les États-Unis et 7,6 % pour la Chine.
Quant aux échanges commerciaux entre le Liban et ses partenaires au sein de la Ligue arabe, si leur marché constitue la première destination des exportations libanaises (ils ont absorbé, en effet, au cours des années 2007-2012, entre 50 et 60 % du total des exportations libanaises), le volume du commerce du Liban avec ces pays-là n’a pas dépassé 21 % du volume total de son commerce extérieur au cours de cette période en raison de la faiblesse des importations du Liban en provenance de ces pays. Cela les met loin derrière l’UE comme partenaires commerciaux du Liban, mais également loin devant les États-Unis et la Chine.
On voit donc, à travers ces chiffres, l’importance et la solidité des liens commerciaux qui lient le Liban à ses voisins immédiats, en particulier aux pays de l’UE, premier partenaire commercial du Liban. La proximité géographique et culturelle en est un facteur essentiel. Elle explique l’existence de nombreuses associations regroupant des hommes d’affaires du Liban et d’États membres de l’UE, associations qui, à leur tour, contribuent à renforcer les liens commerciaux. Elle explique aussi que, sur 28 États membres de l’UE, 24 ont des ambassades au Liban, et qu’au moins 16 d’entre eux y ont développé des activités commerciales très avancées.
Si le Liban n’a jamais hésité à développer ses relations commerciales avec ses voisins comme avec des partenaires plus lointains, il lui reste toutefois à mettre en place le cadre institutionnel et légal qui lui permettra de rejoindre l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Une telle adhésion lui permettrait de participer à la construction du système des relations économiques internationales de demain, mais surtout de créer davantage d’opportunités de développement à ses producteurs de biens et services grâce aux nouveaux marchés qui s’ouvriraient à eux. Ces producteurs bénéficieraient, en outre, pour faire face aux difficultés qu’ils pourraient rencontrer sur les marchés d’exportation, de l’appui de l’organisme de règlement des litiges qui existe au sein de l’OMC.
Toutefois, il semble nécessaire de rappeler que le « processus même d’adhésion », la mise en place d’un cadre institutionnel et légal plus moderne, serait déjà de nature à faire disparaître des obstacles sérieux au développement de l’économie libanaise. Il contribuerait, en particulier, à attirer davantage d’investissements puisque les détenteurs de capitaux seraient rassurés sur le fonctionnement des institutions libanaises. Il serait donc, en soi, de nature à augmenter le bien-être de la population, à condition toutefois que les gouvernements mettent simultanément les politiques de l’emploi, les politiques sociales et les politiques de lutte contre la pauvreté au cœur de leur action. La collaboration entre l’UE et les gouvernements libanais successifs s’est déroulée de manière très satisfaisante dans tous ces domaines. Malheureusement, il n’a pas été possible d’avancer suffisamment sur la voie de l’élaboration d’un plan d’action commun qui comprenne toutes les actions requises pour instituer le libre-échange entre le Liban et l’UE, développer une société inclusive et engager le Liban sur le chemin d’une véritable prospérité. Espérons que le prochain gouvernement prendra ces causes à cœur et avancera avec tous ses partenaires, notamment avec l’UE et les pays arabes, sur la voie de l’élaboration d’un agenda économique et social autour duquel la majorité de celles et ceux qui vivent sur ce beau territoire libanais pourront se rassembler.
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