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L’homosexualité féminine, « un choix » aux prises avec une société faussement émancipée

Entre tradition et modernité, « des codes comportementaux brouillés »

L’homosexualité féminine en tant que « phénomène en développement et de plus en plus affiché » au Liban serait-elle une marque d’une société plus moderne ?
L’ancienne chef de département de sociologie de l’Université Saint-Joseph, Annie Tabet, manie cette question avec prudence. Il faudrait comprendre d’abord qu’ « aucun effort n’a été fait pour moderniser le pays d’une manière générale : depuis 1975, nous vivons dans le conjoncturel, et non dans une évolution stable et permanente ». Elle précise néanmoins que « les seuls efforts se situent au niveau des ONG, qui tentent par exemple d’améliorer le statut de la femme. Toujours faut-il que ces efforts puissent avoir un rayonnement conséquent ». La place de la femme dans cette société ne saurait donc être réduite à un cadre normatif fixe. « Compte tenu de cette situation d’instabilité, mais aussi des composantes sociales et culturelles du pays, l’on ne peut évoquer d’une manière générale la vie féminine, mais isoler des facteurs qui peuvent affecter ou non certains aspects de cette vie », précise la sociologue. Elle fait remarquer par exemple que « l’éducation et l’insertion professionnelle, valorisantes pour la femme, ont permis son émancipation dans certains aspects ». Il ne faudrait toutefois pas se précipiter sur des conclusions hâtives puisque, « au fond, lorsqu’il s’agit de questions graves, la femme reprend son statut inférieur, s’effaçant devant les affaires qui sont traditionnellement celles des hommes ». Mais dans la traditionnelle « oscillation entre modernité et tradition » caractéristique de la société libanaise, un élément nouveau a pu être observé, susceptible de paver la voie à une émancipation intellectuelle de la femme. « Les Libanaises étaient beaucoup plus éduquées au mariage, fait remarquer Annie Tabet. À partir d’un certain moment, que je ne saurais situer précisément – peut-être la guerre –, l’éducation des mères à leurs filles n’a plus consisté à leur transmettre des savoir-faire et attributs féminins, mais à les inciter à plus d’éducation et à l’épanouissement à l’extérieur de la maison. » Mais la société est encore loin d’offrir un terrain propice à l’épanouissement de l’être, indépendamment de son sexe, et de ses orientations. Notre société serait à un stade de « brouillage des codes comportementaux qui, greffés à d’autres facteurs, psychologiques notamment, ont fait paraître au grand jour le phénomène de l’homosexualité féminine ».
La sociologue tend à réduire les facteurs susceptibles d’expliquer le lesbianisme. Deux analyses seraient susceptibles d’en élucider les raisons. D’abord, en fonction des milieux sociaux, « sans toutefois généraliser », les classes aisées, « plus réceptrices de valeurs globales et libérées des contraintes sociales », seraient propices au développement de l’homosexualité féminine.
Au niveau des classes moyennes, les causes pourraient différer. Annie Tabet évoque notamment une possible « réaction à un système patriarcal très contraignant et ses dérapages (comme les violences physiques ou sexuelles ». Elle relève dans ce cadre que l’homosexualité féminine « se développe beaucoup plus en ville, et plus particulièrement à Beyrouth, où l’anonymat permet à l’individu d’échapper aux contraintes sociales quel que soit son milieu ». Elle préfère sur ce point l’expression de « révolte » à celle de « provocation ». Il reste que deux femmes vivant en colocation n’eveillent pas de suspicion (« l’honneur est sauf »), contrairement au cas de deux hommes. Notons sur ce point que l’homosexualité masculine reste synonyme de mutilation de l’homme dans l’inconscient collectif.
L’homosexualité féminine en tant que « phénomène en développement et de plus en plus affiché » au Liban serait-elle une marque d’une société plus moderne ? L’ancienne chef de département de sociologie de l’Université Saint-Joseph, Annie Tabet, manie cette question avec prudence. Il faudrait comprendre d’abord qu’ « aucun effort n’a été fait pour moderniser le pays...