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À La Une - Turquie

« Taksim, résiste, les travailleurs arrivent ! »

Les syndicats se joignent à la contestation ; Ankara réplique vertement à Washington.

Les syndicats ont fortement mobilisé la population hier, se mêlant aux manifestants de la place Taksim à Istanbul. Adem Altan/AFP

Des dizaines de milliers de personnes ont grossi hier, à l’appel de deux syndicats, les rangs des manifestants qui réclament depuis six jours la démission du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Au sixième jour de la contestation, la Confédération des syndicats du secteur public (KESK) et la Confédération syndicale des ouvriers révolutionnaires (DISK), toutes deux marquées à gauche, ont organisé des défilés dans plusieurs grandes villes du pays. À Istanbul, leurs deux cortèges se sont fondus dans l’après-midi sur la place Taksim, au cœur de la fronde qui agite la Turquie depuis vendredi, en scandant « Taksim, résiste, les travailleurs arrivent » ou encore « Tayyip, les pilleurs sont là ! » Mêmes scènes dans la capitale Ankara, où plus de 10 000 manifestants ont marché aux cris de « Dégagez la route, les révolutionnaires arrivent! » ou « Taksim est partout ! » en agitant des drapeaux turcs.


Comme les jours précédents, des affrontements ont à nouveau éclaté à Ankara hier en fin de journée. Les forces de l’ordre ont dispersé à grand renfort de gaz lacrymogène et de canons à eau plusieurs milliers de manifestants. Deux personnes sont mortes et plus de 2 800 ont été blessées dans les seules villes d’Istanbul, d’Ankara et d’Izmir depuis les premiers affrontements de vendredi, selon les ONG de défense des droits de l’homme turques et internationales. Ces chiffres n’ont pas été confirmés par les autorités, dont le plus récent bilan mardi faisait état de « plus de 300 » blessés, en majorité des policiers. Tôt hier matin, au moins 25 personnes ont été interpellées à Izmir pour avoir répandu sur le réseau social Twitter des « informations trompeuses et diffamatoires », a rapporté l’agence de presse Anatolie. Ali Engin, un responsable local du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), a déclaré que les suspects étaient détenus pour avoir « appelé les gens à manifester ». Dimanche, M. Erdogan avait pesté publiquement contre Twitter et les réseaux sociaux, les qualifiant de « faiseurs de problèmes ».

 

(Reportage : La « femme en rouge », nouvelle icône des manifestantes d’Istanbul)


Dans l’attente du retour demain en Turquie de M. Erdogan, en visite officielle au Maghreb, les contestataires restent déterminés, malgré les « excuses » présentées par le vice-Premier ministre, Bülent Arinç, aux victimes de brutalités policières. « Avant, les gens redoutaient d’exprimer leur peur publiquement. Même les tweets étaient un problème. Maintenant, ils n’ont plus peur », s’est réjouie, au milieu des manifestants stambouliotes, Tansu Tahincioglu, qui dirige une société sur Internet. « Erdogan doit présenter des excuses, démissionner et être traduit en justice pour le recours excessif à la force (par la police) et tout ce qu’il a fait aux médias », a-t-elle ajouté. À l’issue d’une rencontre avec M. Arinç à la mi-journée à Ankara, des représentants de la contestation ont exigé du gouvernement le renvoi des chefs de la police de plusieurs grandes villes, dont Istanbul et Ankara. Ils ont aussi exigé pêle-mêle la remise en liberté des personnes interpellées, l’abandon du projet d’aménagement de la place Taksim à l’origine de la révolte, l’interdiction du gaz lacrymogène et un meilleur respect de la liberté d’expression dans le pays. « Les décisions du gouvernement détermineront l’issue du mouvement », a déclaré un de leurs porte-parole, Eyup Mumcu, de la Chambre des architectes d’Istanbul.

Cyberattaques
Piqué au vif par les critiques de plusieurs pays dénonçant le recours « excessif » à la force par la police turque, le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a assuré mardi soir à son homologue américain John Kerry que son pays n’était pas « une démocratie de seconde zone », selon un diplomate turc. Dans un entretien téléphonique, M. Davutoglu a également assuré qu’une enquête officielle était en cours sur les agissements de certains policiers. Toutefois, l’écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, a dénoncé l’attitude « répressive » du gouvernement et rendu hommage aux manifestants, dans un texte publié par le quotidien Hürriyet. Orhan Pamuk, 60 ans, est l’un des rares intellectuels turcs à avoir publiquement reconnu, en 2005, le génocide des Arméniens. Il a été plusieurs fois poursuivi par la justice de son pays. Il s’est aussi élevé contre le traitement par Ankara de la minorité kurde.

 

 

(Reportage : L’alcool, symbole du défi lancé par les manifestants au gouvernement turc)

 


En outre, des militants du collectif de cyberpirates Anonymous ont dit avoir attaqué des sites du gouvernement turc et obtenu des détails confidentiels sur des membres des services du Premier ministre. Ces cyberattaques ont été menées en soutien aux manifestations antigouvernementales. De source ministérielle, on a confirmé que des adresses électroniques de l’équipe du Premier ministre ont été piratées, précisant que les adresses concernées ont été depuis retirées du réseau. Les membres d’Anonymous Turquie disent dans un communiqué publié sur Twitter qu’ils n’ont pas divulgué de numéros de téléphone portable et qu’ils ne diffuseraient que les mots de passe d’adresses électroniques en lien avec des affaires non classées.

 

 

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