La détente qui a suivie la désignation de Tammam Salam pour former le nouveau gouvernement et qui été rapidement perceptible au niveau des citoyens, mais aussi dans les régions qui s’étaient illustrées récemment par des incidents divers, est en train de s’évaporer. En dépit de l’annonce régulière de « progrès » dans les négociations gouvernementales, la situation générale devient de plus en plus complexe. Le gouvernement tarde à être formé et la naissance d’une nouvelle loi électorale ne semble pas imminente, d’autant que la sous-commission parlementaire a suspendu ses travaux. Il ne reste donc plus que près de deux semaines pour d’ultimes tractations avant que le président de la Chambre Nabih Berry ne convoque la séance plénière de la dernière chance le 15 mai. Soit les députés s’entendent sur la loi électorale, soit ils s’entendent pour proroger leur mandat qui expire le 19 juin, soit ils restent divisés et le 19 mai, date d’expiration de la suspension des délais électoraux, le pays s’engage dans un bras de fer entre le 14 Mars et ses alliés qui veulent la tenue des élections sur la base de la loi de 1960 et le 8 Mars et alliés qui rejettent totalement cette loi. Avec, toujours, la possibilité pour le président de la Chambre de soumettre le projet dit orthodoxe au vote, au risque de mettre le courant du Futur et Walid Joumblatt au pied du mur...
Comme par hasard, c’est dans ce contexte que le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati a rappelé qu’un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes peut – et doit – organiser des élections car il s’agit d’un acte administratif exigé par la Constitution. En même temps, il a annoncé six mois difficiles pour le Liban.
C’est dire que l’étau se resserre et la marge de manœuvre se réduit sur le plan politique. Mais sur le terrain, les deux parties jouent désormais à cartes ouvertes. Le Hezbollah ne craint plus de dévoiler son implication dans les combats en Syrie, toujours dans le cadre de la protection des quelque 30 000 Libanais résidant dans ce pays, dans les villages limitrophes du Liban. Cheikh Nabil Kaouk a d’ailleurs été jusqu’à qualifier la défense des Libanais de Syrie de « devoir moral et national ». En même temps, la photo d’une rencontre récente entre l’ayatollah Khamenei et le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a été publiée d’abord par l’Iran et ensuite au Liban. On y voit le guide Khamenei posant debout aux côtés du numéro un du parti chiite. Ce qui, selon les experts, constitue une première, le guide suprême de la République islamique posant généralement assis avec ses visiteurs. Par cette photo – et sa publication –, les Iraniens ont voulu montrer l’importance que revêt pour eux Hassan Nasrallah, qu’ils considèrent désormais comme un partenaire régional à part entière, dans le fameux axe qui relie Téhéran au Jihad islamique à Gaza (maintenant que le Hamas penche plus vers le Qatar) et passe par le Liban et la Syrie. En devenant officiellement un élément important de cet axe, le Hezbollah n’a donc plus de problèmes à afficher son appui au régime syrien.
De son côté, cheikh Salem Rafeï a appelé, à partir de Tripoli, au « jihad en Syrie », alors que cheikh Ahmad el-Assir a annoncé à Saïda la formation des « brigades de la résistance libre », chargées de combattre contre le régime en Syrie et contre l’Iran et ses alliés. On peut polémiquer longtemps sur la partie qui a commencé à entraîner le Liban dans le conflit syrien, ce qui compte c’est que désormais le pays est en train de franchir un pas de plus dans ce sens, au risque de mettre sa stabilité en danger, surtout avec l’afflux de déplacés syriens sur son territoire qui, aux dires du Haut-Commissariat de secours de l’ONU, seraient plus de 400 000 enregistrés.
Toujours dans ce cadre, la visite lundi d’une délégation de 56 personnalités libanaises à Damas pour rencontrer le président syrien et les réactions qu’elle a suscitées constituent un élément de plus de l’interdépendance des dossiers libanais et syrien. Même si la délégation ne s’est pas rendue en un seul convoi à Damas, assurer la sécurité de son déplacement par voie terrestre est un indice du contrôle par le régime de la capitale et de ses environs. Sur le plan politique, les propos rapportés par les membres de la délégation montrent que le président syrien continue à suivre de près les développements au Liban, donnant son avis sur tout. Poudre aux yeux ou influence réelle, la question n’est plus primordiale. Ce qui compte, c’est que le piège syrien se referme de plus en plus sur le Liban.
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19 h 25, le 24 avril 2013