Le chef par intérim de l'opposition syrienne, George Sabra, a affirmé lundi à Istanbul que la participation du Hezbollah libanais aux combats dans la province centrale de Homs était "une déclaration de guerre contre le peuple syrien".
"Ce qui se passe à Homs est une déclaration de guerre contre le peuple syrien et la Ligue arabe se doit de considérer l'affaire comme telle", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. "Le président et le gouvernement libanais doivent prendre conscience du danger que cela représente pour la vie des Syriens et les relations futures entres les deux peuples et les deux pays", a-t-il poursuivi.
"Le gouvernement libanais doit se pencher avec le sérieux nécessaire sur la question de l'occupation du territoire syrien et du meurtre de Syriens (...) Nous espérons que le peuple frère libanais élevera la voix contre le meurtre de Syriens libres", a ajouté M. Sabra. "Nous appelons en particulier nos frères chiites libanais à empêcher leurs fils d'aller tuer des Syriens et à devenir eux aussi des victimes de ce conflit", a-t-il martelé.
(Portrait : George Sabra, un dur à la tête de l'opposition syrienne)
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des combattants d'élite du Hezbollah, allié indéfectible du régime syrien, mènent la bataille contre les rebelles dans la zone de Qousseir, frontalière du Liban.
"C'est le Hezbollah qui mène la bataille de Qousseir, avec ses forces d'élite", a indiqué à l'AFP le directeur de l'Observatoire, Rami Abdel Rahmane. "Ce ne sont pas nécessairement des combattants venus du Liban. Il s'agit de combattants du Hezbollah venus des villages chiites du côté syrien, qui sont habités par des Libanais", a-t-il précisé.
Le régime de Bachar el-Assad veut contrôler à tout prix toute la région de Qousseir, sur la route reliant Damas au littoral.
Samedi et dimanche, l'armée syrienne, épaulée par les membres du Hezbollah, a pu reprendre le contrôle de plusieurs villages stratégiques aux alentours de Qousseir, dans la province centrale de Homs, faisant craindre aux militants la prise de cette place forte de la rébellion depuis plus d'un an.
Les combattants du Hezbollah "avancent sur le terrain, tandis que l’armée leur assure une couverture aérienne", a expliqué à l’AFP Hadi al-Abdallah, un militant antirégime basé à Qousseir.
Les combats se poursuivent aujourd'hui entre rebelles d'un côté et combattants du Hezbollah et troupes syriennes de l'autre dans la même région, tuant deux rebelles, selon l'OSDH.
(Lire aussi : L’ONU condamne les agissements du régime syrien aux frontières libanaises)
Dimanche, l'opposition syrienne a sommé le Hezbollah de "retirer immédiatement ses forces du territoire syrien", soutenant que l'implication du parti chiite "pourrait entraîner le Liban et la région dans un conflit ouvert aux conséquences destructrices".
Des opposants syriens brûlant des portraits du président Bachar el-Assad
et du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Photo tirée de la page Facebook "Syrian Revolution 2011".
Kaouk à Nabatiyeh
Mais au Liban, le vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, cheikh Nabil Kaouk, a souligné lundi le droit de son parti à défendre les "citoyens libanais des villages frontaliers" contre les agressions.
"Tout Libanais qui tombe en martyr en défendant ses concitoyens est un martyr de tout le Liban et de toute la nation", a déclaré cheikh Kaouk, lors d’une cérémonie à Nabatiyeh, au Liban-Sud. Il a fustigé "l’incapacité dangereuse de l’Etat dans ce domaine qui ne fait rien pour protéger ses citoyens et ne s'enquiert même pas de leur situation".
"Ce que fait le Hezbollah est un devoir national et moral pour défendre les Libanais dans les villages limitrophes", a encore souligné cheikh Kaouk, appelant les forces du 14 Mars à cesser toute critique des martyrs "qui sont les martyrs de tout le pays". "Nous est-il demandé de laisser nos concitoyens des villages frontaliers être la cible de meurtres, d’enlèvements et de tentatives visant à les contraindre de quitter leurs terres ?", a-t-il demandé.
Pour sa part, le cheikh salafiste sunnite Ahmad el-Assir a annoncé lundi soir la création des "Brigades de la résistance libre" à Saïda, au Liban-Sud. L'imam de la mosquée Bilal ben Rabah a également émis une fatwa appelant au jihad à Qousseir. Cheikh Assir a par ailleurs appelé toute personne qui se sent menacée par le Hezbollah "de former une cellule pour se défendre".
(Pour mémoire : Sleiman : La Ligue arabe et l’ONU doivent protéger le Liban)
L'implication du Hezbollah selon les opposants provoque des débordements à la frontière libanaise.
Dimanche, pas moins de sept nouveaux obus lancés depuis la Syrie se sont abattus dans la région du Hermel, bastion du Hezbollah, sans faire de victimes. L’un de ces obus est pourtant tombé près d’un orphelinat dans lequel se trouvaient 450 écoliers, mais n’a fait que des dégâts matériels.
Depuis une semaine, les rebelles tirent en direction du Hermel, une région chiite à 15 km de la frontière, affirmant riposter à la participation du Hezbollah au combat aux côtés du régime syrien. Samedi, des obus avaient atteint pour la première fois la ville même de Hermel, semant la panique parmi les habitants.
L'ONG Human Rights Watch a appelé lundi régime et rebelles à cesser leurs "attaques sans discernement à travers la frontière avec le Liban".
Israël surveille la Syrie
Dans ce contexte tendu, le ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon a répété lundi que son pays ne permettrait pas que des "armes sophistiquées" en Syrie tombent aux mains "du Hezbollah ou d'autres éléments hostiles", confirmant implicitement un raid israélien en janvier près de Damas.
"Lorsqu'ils ont franchi cette ligne rouge, nous avons agi", a-t-il dit dans une conférence de presse conjointe à Tel-Aviv avec le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel. Il faisait apparemment allusion au raid qui a visé selon des sources militaires américaines, un convoi de missiles sol-air ainsi que des bâtiments soupçonnés d'abriter des armes chimiques, le 30 janvier dernier.
Le 3 février, son prédécesseur Ehud Barak avait déjà admis à demi-mot ce raid. "Ce qui s'est passé il y a quelques jours montre que quand nous disons quelque chose, nous nous y tenons", avait-il dit en rappelant les mises en garde d'Israël contre le "transfert de systèmes d'armes perfectionnés au Liban".
Selon M. Yaalon, le transfert d'armes chimiques syriennes à des groupes, qui constituerait également une ligne rouge, n'a pas "encore été franchie".
Dans une interview à la BBC diffusée jeudi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est dit "inquiet que des armes qui pourraient changer l'équilibre des forces au Moyen-Orient tombent aux mains de ces terroristes", citant le Hezbollah, ainsi que les groupes jihadistes et el-Qaëda dans les rangs de la rébellion. "Nous nous réservons le droit d'empêcher cela de se produire", a ajouté M. Netanyahu. "Armer les rebelles pose la question de quels rebelles et quelles armes".
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Allons donc !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 57, le 23 avril 2013