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À La Une - Trois questions à…

Antoine Sfeir à « L’OLJ » : Le Parlement a le droit de légiférer, même si le gouvernement est démissionnaire

Antoine Sfeir, avocat praticien et professeur de droit international.

Antoine Sfeir, avocat praticien et professeur de droit international

Les développements qui se sont accélérés ces derniers jours sur la scène politique locale dans le sillage de la démission du Premier ministre Nagib Mikati, et dont les prémices se manifestaient déjà bien avant cette démission, ont donné lieu à diverses problématiques constitutionnelles et juridiques, compte tenu des échéances qui pointent à l’horizon dans le pays. Me Antoine Sfeir, avocat praticien et professeur de droit international, expose, dans une interview express à L’Orient-Le Jour, le contexte législatif et politique dans lequel se trouve aujourd’hui le Parlement, notamment en ce qui concerne ses possibilités d’action à l’ombre d’un gouvernement démissionnaire.

Question – Quels sont les effets juridiques de la démission du gouvernement ?
Réponse – Les dispositions de la Constitution libanaise sont claires à ce sujet. Les cas de démission du gouvernement sont édictés d’une façon exhaustive, et dans le cas présent, le gouvernement est d’office démissionnaire du fait de la démission de son chef. Cette démission s’avère définitive une fois acceptée par le président de la République qui a le pouvoir d’accepter la démission, de demander au gouvernement de continuer à gérer les affaires courantes et de désigner un Premier ministre.
Cette gérance est un état juridique à caractère exceptionnel dans lequel le gouvernement peut toujours passer des actes à portée administrative régulière, sans pouvoir prendre de nouvelles mesures décisionnelles, et il est toujours tenu par les engagements pris au préalable aux niveaux international et local.
Le gouvernement, même démissionnaire, constitue toujours le pouvoir exécutif en fonctions jusqu’à la formation d’un nouveau cabinet, et même si un nouveau Premier ministre est désigné par le président de la République, le gouvernement sortant conserve ses pouvoirs constitutionnels.
Dans ce cadre, le gouvernement qui, par principe, ne peut plus se réunir serait dans l’obligation de tenir une réunion dans des cas graves et exceptionnels, tels que l’état de guerre, les catastrophes « naturelles » ou la nécessité d’éviter le blocage du processus démocratique des institutions constitutionnelles, comme dans le cas de l’application d’une loi électorale et l’organisation des élections législatives.

 


Le Parlement pourra-t-il se réunir et légiférer en présence d’un gouvernement démissionnaire ?
Si on arrivait à disséquer les éléments de notre système constitutionnel et politique, on pourrait le qualifier de régime semi-parlementaire. Conformément à l’article 16 de la Constitution, le Parlement a exclusivement le pouvoir de légiférer sans partenaire quelconque. Mais il faut bien indiquer que le gouvernement joue un rôle central dans notre régime. Cela nous amène à déduire que le pouvoir de législation dont jouit le Parlement ne peut pas être sans plafond, sinon l’équilibre promu par l’esprit et les textes constitutionnels, entre le législatif et l’exécutif, serait rompu.
Ceci nous amène aussi à préciser que la période marquée par la présence d’un gouvernement démissionnaire doit être très limitée, vu qu’il s’agit d’un état exceptionnel qui ne devrait pas durer longtemps et qui devrait toujours être limité dans le temps et dans l’espace, afin de ne pas paralyser le pays et bloquer l’action des institutions constitutionnelles, avec tous les effets néfastes qu’une telle situation entraîne.
De ce fait, on ne peut en aucun cas se prévaloir de la démission de gouvernement afin de reporter les élections législatives. Le Parlement peut toujours promulguer une nouvelle loi électorale, et le gouvernement, même démissionnaire, doit se réunir afin de publier les décrets d’application et veiller à l’organisation des élections.

 


Le Parlement est-il en mesure de reporter les élections et de prolonger son mandat ?
Le mécanisme du report des élections pourrait être exécuté par le biais d’un décret qui abrogerait le décret pris au préalable et dans lequel le pouvoir exécutif a fait appel au corps électoral. Mais ce décret doit être fondé sur une loi promulguée au Parlement dans ce sens.
Techniquement, le mandat du Parlement fixé à quatre ans est, à mon avis, un mandat « consensuel », à l’instar du mandat présidentiel, et le principe de prorogation est catégoriquement réfuté, vu qu’il sape le processus démocratique et viole le principe de l’alternance au niveau du pouvoir.
Il en ressort que le report des élections ne pourrait en aucun cas se fonder sur une volonté politique quelconque, même si le Parlement a le pouvoir de le faire. Les députés ne sont que les mandataires du peuple, et la prorogation constitue une violation des droits consacrés aux mandants. Le Parlement pourrait reporter les élections dans des cas de force majeure. Dans le cas contraire, on serait devant le fait accompli d’un Parlement à la légitimité incomplète et un gouvernement démissionnaire incompétent pour tenir toutes les rênes du pouvoir politique dans le pays.
Propos recueillis


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