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À La Une - Liban - Électricité

Nouveaux remous dans l’affaire de la centrale de Deir Ammar 2

Après l’annulation du premier appel d’offres en décembre dernier et les menaces de recours à un tribunal international de la part de la société espagnole lésée, ce sont des accusations de fraude de la part de la nouvelle société ayant remporté l’adjudication qui embarrassent l’État libanais.

Le projet de la construction de la centrale de Deir Ammar 2 fait partie du plan proposé par le ministère de l’Énergie et de l’Eau pour augmenter la capacité de production du pays de 700 MW.

Une nouvelle zone d’ombre vient s’ajouter au dossier de la centrale de Deir Ammar. La décision du Conseil des ministres d’annuler le premier appel d’offres en décembre dernier avait permis d’écarter les sociétés espagnole et libanaise en joint-venture, Abener-Butec, et de déclarer gagnante la société grecque Avax, une filiale de la société chypriote J&P.


Mais depuis l’annonce des résultats du nouvel appel d’offres lancé par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, les accusations de falsifications de documents envers Avax s’enchaînent. Selon une source proche du dossier, « la société grecque a volontairement trompé les autorités libanaises pour pouvoir correspondre aux normes exigées dans le cahier des charges ». En effet, celui-ci exige que les sociétés candidates aient déjà à leur compte au moins deux projets de 250 mégawatts (MW) chacun et qu’elles les aient réalisés seules ou en joint-venture.
« Les projets que Avax-J&P a mis en avant pour remporter l’appel d’offres sont en réalité deux phases d’un même projet, d’une valeur d’environ 230 MW, soit en dessous de la valeur stipulée dans le cahier des charge », explique à L’Orient-Le Jour la source proche du dossier. « De plus, J&P est une société de génie civil, qui a réalisé ces projets en consortium avec Hitachi et General Electrics, alors qu’elle prétend les avoir réalisés seule », ajoute la source.

Le flou autour du coût de la centrale
En novembre dernier, le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil, expliquait à la presse que « le budget disponible pour la construction de la centrale de Deir Ammar 2 est de 502 millions de dollars et Abener-Butec réclament 662 millions de dollars ». Le Conseil des ministres avait alors approuvé la décision de lancer un nouvel appel d’offres pour réduire au maximum les coûts. « Le devis que propose Avax-J&P est trompeur, estime la source proche du dossier, car il prévoit une réduction du volume des travaux, qu’il faudra refaire plus tard de toute façon. » « Les pièces de rechange ont été supprimées, l’alimentation en fuel aussi et la cheminée a été réduite de 160 mètres à 60 mètres, ce qui ne correspond pas aux normes environnementales en vigueur », explique la source.
Selon elle, tout ce qui a été supprimé ou modifié coûtait 97 millions de dollars dans l’offre d’Abener-Butec. « L’économie qu’Avax-J&P propose en tenant compte de toutes les suppressions est de 87 millions de dollars, soit une différence de 10 millions de dollars avec l’offre initiale complète d’Abener-Butec, continue la source, sans compter qu’il faudra par la suite construire ou remettre aux normes les éléments supprimés et modifiés. ».

L’image du Liban fortement détériorée
Pour l’instant, le ministre de l’Énergie et de l’Eau n’a pas souhaité répondre aux accusations de fraude qui accablent la société grecque. Ces nouvelles révélations concernant la société Avax ne bénéficient certainement pas au projet de Deir Ammar en particulier, et plus généralement au plan de la loi 181 votée par le Parlement en octobre 2011, prévoyant une augmentation de la capacité de production électrique de 700 MW.
Par ailleurs, l’affaire concernant le premier scandale de Deir Ammar 2, à savoir l’annulation de l’appel d’offres remporté par Abener-Butec, n’a pas fini de créer des remous.


Du côté du partenaire libanais, Butec, le message est très clair : « Notre société n’acceptera plus aucun projet au Liban », a indiqué à L’Orient-Le Jour le président du conseil d’administration de Butec, Nizar Younès. « Tout compte fait, nous sommes très heureux que le projet nous ait été retiré. Le comportement de l’administration libanaise est inadmissible et n’encourage nullement les investisseurs à travailler dans le pays », a-t-il ajouté. Butec a lancé une demande auprès du Conseil d’État pour que la décision du Conseil des ministres de recourir à un nouvel appel d’offres soit invalidée, sans pour autant réclamer des dommages et intérêts.


Du côté du partenaire espagnol, Abener, c’est la colère et l’incompréhension qui prédominent. Contactées il y a deux mois, les autorités espagnoles avaient exprimé leur optimisme de voir ce conflit se régler à l’amiable. « Si Abener a répondu aux adjudications publiques et engagé une trentaine d’experts et d’ingénieurs pendant trois mois pour préparer le dossier et proposer une offre, c’est que la société souhaite fortement investir au Liban », avait souligné une source à l’ambassade d’Espagne au Liban. Aujourd’hui le ton est tout autre. « Nous sommes profondément déçus du déroulement de l’affaire », a confié Milagros Hernando Echeverria, l’ambassadrice d’Espagne, à L’Orient-Le Jour. « L’affaire ira à un tribunal international qui dépend des Nations unies et l’Espagne va demander un dédommagement au Liban pour abus de pouvoir, en vertu du traité établi en 1996 entre l’Espagne et le Liban qui protège les investissements des deux pays », a indiqué la source proche du dossier. Les chiffres sur le prix que le Liban devra payer varient selon les sources, certains parlent de centaines de millions de dollars... Une chose est pourtant sûre, cette affaire aura fortement contribué à écorner l’image du pays envers les investisseurs étrangers, mais aussi locaux, élément dont le Liban n’a certainement pas besoin en ces temps de crise.

 

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