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Nos Lecteurs ont la Parole

Khouloud et Nidal attendent la mise en application de leurs droits

Par Abdallah SALAM

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
En attente sur votre bureau, se trouve un contrat de mariage civil signé au Liban par deux citoyens libanais. La question qui se présente à vous est d’une importance capitale pour notre pays et au-delà même de ses frontières.
Je vous exhorte à accepter la demande d’enregistrement de ce contrat dans les registres d’état civil, « sijill an-noufous ».
Les époux, Khouloud Succaria et Nidal Darwiche, ont respecté les procédures légales libanaises de mariage comme la publication de leur intention de mariage et l’obtention des documents requis du notaire et du « moukhtar ». Ils ont également supprimé la référence à toute appartenance confessionnelle des registres administratifs de l’État.
L’article 10 de l’arrêté n° 60 L.R. (1936) est très clair dans ses deux versions officielles arabe et française : c’est le code du statut personnel « civil » et non pas un code religieux, qui s’applique aux citoyens sans appartenance confessionnelle dans les registres de l’État. Le mariage civil fait donc partie de la loi libanaise qui s’applique aux citoyens sans appartenance confessionnelle dans les registres de l’État, et cela depuis la promulgation de l’arrêté n° 60 L.R. en 1936.
Ce qui se présente à vous est bel et bien un cas où deux citoyens ont choisi d’exercer leurs droits selon la loi libanaise. Je vous prie donc de mettre simplement en application leurs droits.
Je ne m’arrêterai pas davantage sur la légalité de ce contrat de mariage. La documentation juridique et les preuves nécessaires ont déjà été mises à votre disposition. De surcroît, un mémorandum approfondi vous a été soumis par un intellectuel reconnu, Talal el-Husseini, et une opinion fortement favorable émise par Me Ibrahim Fadlallah, professeur de droit de renommée internationale.
Monsieur le Ministre,
Nous nous trouvons à un moment critique de l’histoire de notre pays et de la région. Ce n’est un secret pour personne que le fondamentalisme religieux est en ascension, et que l’appréhension et l’animosité confessionnelles au Liban n’ont jamais été aussi fortes depuis la fin de la guerre civile. En effet, les flambées de violence dans plusieurs régions du pays sont de terribles rappels de ces dangers.
En tant que ministre de l’Intérieur, vous avez déployé des efforts pour mettre en échec ces actes de violence. Vous avez aussi répété avec insistance que ces éruptions sont le résultat de problèmes plus profonds qui doivent impérativement être résolus si nous voulons connaître un jour paix et stabilité dans notre pays.
Avec ce contrat de mariage civil sur votre bureau, vous avez l’opportunité de résoudre un problème qui est au cœur de notre tragédie sociopolitique. Les effroyables murs institutionnels qui nous séparent, nous Libanais, les uns des autres, qui nous encagent et nous empêchent de nous retrouver comme un seul peuple, peuvent être à présent soulevés en matière de statut personnel.
Avant de rayer la référence à une appartenance confessionnelle des registres d’état civil, Khouloud et Nidal étaient enregistrés comme « sunnite » et « chiite ». En ces temps de graves tensions entre ces deux communautés, le message positif qui serait envoyé au Liban et à la région par la reconnaissance de leur mariage civil « made in Lebanon » ne peut être sous-estimé.
Vous avez aussi l’opportunité de mettre fin à cette mascarade continue qui veut que les Libanais qui souhaitent contracter un mariage civil sont dans l’obligation de le faire à l’étranger, ne pouvant l’enregistrer au Liban qu’ultérieurement.
Ce statu quo fait en sorte que ces Libanais sont traités comme des citoyens de seconde catégorie. Eux – et seulement eux – sont dans l’obligation de choisir entre quitter le Liban afin de contracter un mariage en concordance avec leurs valeurs ou se marier dans leur propre pays aux dépens de leurs convictions.
Ce statu quo est aussi celui d’un État libanais abandonnant une partie de sa souveraineté. Il reconnaît un contrat de mariage civil signé par deux de ses citoyens si – et seulement si – le contrat est conclu sur un territoire étranger et selon une juridiction étrangère.
Monsieur le Ministre,
En acceptant la demande d’enregistrement de ce contrat dans les registres d’état civil (« sijill an-noufous »), on se souviendra de vous comme un responsable politique qui a appliqué la loi dans un pays où la loi est si rarement appliquée, comme un défenseur des libertés individuelles et des droits de l’homme, et comme un homme d’État qui par un trait a contribué à réaliser la souveraineté de l’État et à éteindre les flammes du conflit confessionnel.
De plus, l’enregistrement de ce contrat serait la traduction de la position courageuse exprimée par le président de la République Michel Sleiman sur son compte Twitter : « Nous devons œuvrer à la légalisation du contrat de mariage civil comme une des étapes de l’abolition du confessionnalisme et de la consolidation du vivre en commun. »
Nombreux sont ceux de ma génération, la génération de l’après-guerre, qui aspirent à un Liban véritablement pluriel, démocratique et gouverné par la loi. Un Liban où tous les droits, ceux des individus et ceux des communautés, sont reconnus et appliqués.
Monsieur le Ministre, ne manquez pas à votre obligation de mettre en application les droits légaux de Khouloud et Nidal. L’histoire vous jugera en conséquence.

 

Abdallah SALAM

* Abdallah Salam est doctorant et maître assistant à l’Université d’Oxford. Ses recherches portent sur la philosophie juridique et morale. Il est, en outre, détenteur d’une licence en économie de l’Université de Harvard. asalam@post.harvard.edu

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,En attente sur votre bureau, se trouve un contrat de mariage civil signé au Liban par deux citoyens libanais. La question qui se présente à vous est d’une importance capitale pour notre pays et au-delà même de ses frontières.Je vous exhorte à accepter la demande d’enregistrement de ce contrat dans les registres d’état civil, « sijill...

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