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Moyen Orient et Monde - Reportage

Sous les bombes, le quotidien bouleversé des Syriens

« L’hiver est glacial et il n’y a quasiment plus de fioul. Les familles doivent désosser leurs meubles pour en faire du bois de chauffage ».

A Alep, un jeune Syrien a réussi à acheter du pain. Derrière lui, la longue file d'attente devant une boulangerie. REUTERS/Ahmed Jadallah/Files

La vie en Syrie est devenue au fil des 22 mois de guerre un combat quotidien pour survivre à une pénurie généralisée obligeant les habitants à trouver des solutions ingénieuses pour satisfaire autant que faire se peut leurs besoins immédiats. Sortir pour « acheter du pain ou recueillir l’eau de pluie pour pouvoir boire est potentiellement mortel », assure Abou Hicham, un jeune habitant d’Alep, principale ville du Nord. Mais, raconte-t-il via Skype, si « tout le monde paniquait quand les avions ont commencé à bombarder Alep (durant l’été), maintenant, les gens sont habitués, quasiment plus personne ne réagit ».

 

Avant que n’éclate en mars 2011 une révolte hostile au régime de Bachar el-Assad, il était étudiant à Damas. Il a tout quitté pour revenir dans sa ville d’origine quand il a appris qu’il était recherché par les redoutables services du renseignement. Une fois rentré à Alep, Abou Hicham est devenu journaliste-citoyen, filmant inlassablement l’ancienne capitale économique désormais en grande partie détruite par six mois de guérilla urbaine. « Avant, quand le courant était coupé, tout s’arrêtait, mais maintenant, nous faisons la fête quand par chance nous avons de l’électricité durant deux heures », dit-il encore. « L’hiver est glacial et il n’y a quasiment plus de fioul. Les familles doivent désosser leurs meubles pour en faire du bois de chauffage », ajoute-t-il.


Et les premiers à en souffrir sont les familles nombreuses, comme celle d’Oum Alaa, qui élève ses sept enfants à Alep. « Avant j’achetais de grandes quantités de nourriture pour que cela me coûte moins cher, mais avec les coupures d’électricité notre frigo est devenu inutilisable », dit-elle. Également à Alep, Oum Rami, 50 ans, n’a plus d’électricité « depuis six semaines » dit-elle, ce qui la prive de réfrigérateur et de télévision, source précieuse d’informations.


À Daraya, localité de la périphérie de Damas qui comptait 200 000 habitants avant d’être gagnée par la guerre, Abou Kinan affirme que seule la solidarité permet aux rares habitants qui n’ont pas fui de survivre. Ce jeune homme qui, avant le conflit, rêvait d’amour et de mariage, a désormais d’autres priorités. Il assure comme les autres « des tours de lessive pour laver les vêtements de tout le monde », dit-il également via Internet. Plutôt que de compter sur les femmes pour assurer les corvées, « cette crise nous a appris, à nous les jeunes, à faire les choses nous-mêmes. Un de mes amis est devenu le “chef” de Daraya parce qu’il arrive à créer de bons plats avec le peu de nourriture que nous avons ». Les Syriens ont dû apprendre à composer leurs repas sans produits frais ni viande, les aliments secs et en conserve devenant la base de leur alimentation.


Et pour affronter la dure réalité d’un conflit qui a fait, selon l’ONU, plus de 60 000 morts, « nous plaisantons tout le temps, c’est une façon de faire face », dit Abou Kinan, car, selon lui, « le jour où nous réaliserons tout ce que nous avons vu et vécu, nous allons pleurer des rivières de larmes ». Quand les combats empêchent Abou Kinan d’apporter le nécessaire à son père, ce sont les voisins qui s’en chargent. « C’est un sentiment extraordinaire, la violence a rassemblé les gens », dit-il.


La situation est pire encore à Homs, où plus de six mois de siège imposés par l’armée ont fait de plusieurs quartiers une prison à ciel ouvert où sont piégées des centaines de personnes, dont des femmes et des enfants. « Tous les jours, il y a des disputes, la plupart du temps, c’est à cause des cigarettes », rapporte Abou Bilal, un militant de la Vieille Ville joint via Internet. « En général ces disputes s’arrêtent quand un chef rebelle arrive et distribue des cigarettes. Nous sommes en état de siège, donc bien sûr, les gens sont très tendus. » Mais même dans ces conditions inhumaines, un semblant de vie normale émerge parfois. « Il y a quelques semaines nous avons réussi à faire entrer un narguilé. On a passé une longue soirée ensemble et on a bien rigolé », se rappelle Abou Bilal.

La vie en Syrie est devenue au fil des 22 mois de guerre un combat quotidien pour survivre à une pénurie généralisée obligeant les habitants à trouver des solutions ingénieuses pour satisfaire autant que faire se peut leurs besoins immédiats. Sortir pour « acheter du pain ou recueillir l’eau de pluie pour pouvoir boire est potentiellement mortel », assure Abou Hicham, un...

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