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Culture - Exposition

Papier journal et grand art

On le jette à la poubelle, on essuie les vitres avec... Mais quand il passe par des mains d’artiste, le papier journal devient digne des cimaises de musée.

Des piles de quotidiens (par Mario Merz) datés de la veille de l’invasion de l’Irak (2003).

S’il ne voyait pas son nom dans les nécrologies, Paul Léautaud «allait se recoucher, sans lire le journal». Les artistes dans leur studio entretenaient, pour leur part, une relation obsessionnelle et tactile avec le papier journal et son contenu. La lecture qu’ils en ont, on la trouve sur les cimaises de la National Gallery of Art qui donne à voir une exposition intitulée «Shock of the News» (Le choc des nouvelles). Ou le phénomène du quatrième pouvoir, réédité par 60 artistes américains et européens, de 1909 à 2009. De Pablo Picasso à Robert Rauschenberg, le journal a servi de médium aux peintres et aux sculpteurs à travers un processus de chiffonnage, de découpage, de copiage ou de réécriture du texte.
L’exposition s’ouvre sur le célèbre «Manifeste du futurisme», tel qu’il avait été publié le 20 février 1909 dans Le Figaro, sous la plume de l’écrivain italien Tommaso Marinetti, qui y donnait les nouvelles normes du «beau», ne pouvant que créer la polémique. Trois ans plus tard, Pablo Picasso montre pour la première fois la manière d’incorporer le journal dans une œuvre d’art moderne en élaborant, en 1912, un collage intitulé «Guitare, feuille de musique et verre». Beaucoup plus tard, Salvador Dali a créé un prétendu journal, puisque consacré à sa propre personne; l’artiste américaine Laurie Anderson a réalisé un tissage avec des bandes découpées dans un journal, alors que l’Allemand Dieter Roth a confectionné un «Saucisson littéraire», toujours à l’aide de journaux, mélangés à de l’eau et de la gélatine.

Un nouveau support
Ce nouveau support, émaillé d’écriture et d’imageries, a été adopté par des tenants du mouvement cubiste dadaïste, déployant diverses inspirations: des photomontages, des installations et des compositions en tout genre. Souvent, l’utilisation du papier journal (dans sa totalité, intégré ou morcelé) était un vecteur de critique politique et sociale de l’environnement où ils évoluaient. L’artiste John Heartfield a utilisé des coupures d’un texte officiel du Parti social-démocrate et le support d’un tabloïd pour s’adresser au parti et à la presse par cette phrase: «Qui lit les journaux bourgeois devient sourd et aveugle.» Courant suivi par Hans Richer et Jean Dubuffet, aussi bien qu’Emory Douglas avec son «Tout le pouvoir au peuple», peignant un jeune garçon vendant le journal des Panthères noires. Un partisan italien de l’art pauvre, Mario Merz, s’inspire de cette phrase de Mallarmé: «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard», pour une installation multimédia. Il a aligné sur sept mètres de long des piles de quotidiens italiens et arabes datés de mars 2003, lorsque Georges W. Bush avait lancé un ultimatum avant l’invasion de l’Irak.

L’esthétique du pouvoir du mot
Partout dans ces œuvres, c’est le pouvoir du mot qui domine et détermine sa projection esthétique. Ainsi, Andy Warhol semble avoir tiré à bout portant sur la «une» d’un journal annonçant la mort de J. F. Kennedy, qu’il éclabousse d’un éclat argenté. «Le choc des nouvelles», c’est aussi, plus proche de nous, une page du quotidien jordanien al-Arab al-Yaoum, revisité par Jim Hodges: il l’a travaillé à la feuille d’or, en en faisant un objet somptueux mais illisible. Comme pour élever le vulgaire papier journal au rang de grand art.
S’il ne voyait pas son nom dans les nécrologies, Paul Léautaud «allait se recoucher, sans lire le journal». Les artistes dans leur studio entretenaient, pour leur part, une relation obsessionnelle et tactile avec le papier journal et son contenu. La lecture qu’ils en ont, on la trouve sur les cimaises de la National Gallery of Art qui donne à voir une exposition intitulée...

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