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Moyen Orient et Monde - Proche-Orient

Le Hamas désormais au cœur du chamboulement régional

Ce n’est pas tant le rapprochement interpalestinien qui rend sceptique, mais bien plus son inscription dans la durée, après des décennies de guerres intestines.

Le chef du Fateh Mahmoud Abbas et la délégation palestinienne applaudissant à l’annonce de l’obtention du statut d’État non membre observateur à l’ONU, le 29 novembre. Stan Honda/AFP

Dans son article du 28 novembre 2012 dans The International Herald Tribune, Neil MacFarquhar considère que la trêve instaurant un cessez-le-feu au cours de la dernière guerre israélienne contre Gaza du 14 au 23 novembre a mis en relief la nature instable des alliances moyen-orientales, notamment depuis le début des révoltes arabes de 2011. Il a évoqué la résurgence du schisme sunnito-chiite, relevant que le résultat de l’opération « Pilier de défense » a accentué le poids de la nouvelle coalition sunnite dans la région et permis au Hamas « d’acquérir un meilleur “standing” politique et la promesse d’aides bien plus généreuses ».
Il faut dire que l’idée d’un rôle régional à venir prépondérant pour le Hamas, au-delà de toutes ses espérances, fait son petit bout de chemin depuis quelques semaines. Les révoltes populaires ayant secoué certains pays de la région ont en effet fortement contribué – et même défini – la future ligne de conduite des principaux mouvements palestiniens, en l’occurrence le Hamas de Khaled Mechaal et le Fateh de Mahmoud Abbas, que ce soit par rapport aux liens interpalestiniens organiques ou concernant les relations avec les États de la région. D’autant que ce sont les islamistes que les mouvements populaires ont porté au pouvoir, notamment en Égypte.
Dans quelle mesure cela sert-il les intérêts du Hamas ?
Selon Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), et professeur à l’école de commerce Novancia à Paris, cette montée en puissance des Frères musulmans égyptiens « peut renforcer la puissance régionale du Hamas, et celle des partis islamiques proches de la confrérie, pas seulement en Égypte, mais aussi en Tunisie, par exemple ». À long terme, ces similitudes idéologiques constitueront un appui solide au Hamas, d’autant qu’une nouvelle sorte de « sensibilité » islamique est en pleine émergence dans la région. Neil MacFarquhar a d’ailleurs rappelé, à juste titre, que le « croissant chiite » (Iran-Syrie-Hezbollah libanais) évoqué pour la première fois au début des années 2000 par le roi Abdallah II de Jordanie, fait désormais face à un nouvel « axe » sunnite composé essentiellement de la Turquie, du Qatar, de l’Arabie saoudite, et surtout de l’Égypte, dont le but principal serait plus de « calme » au Moyen et Proche-Orient.

Le cas Téhéran
Il va sans dire que la crise syrienne est à placer au cœur même de ces luttes intestines palestiniennes – l’affaiblissement de Damas, qui a tenu la région d’une poigne de fer durant plusieurs décennies, signifiant obligatoirement celui de ses alliés. En soutenant la révolte populaire contre le gouvernement de Bachar el-Assad, « trahissant », selon les termes de Damas, la « résistance au profit du pouvoir », Khaled Mechaal, et donc le Hamas, s’est sensiblement rapproché des pays sunnites, et principalement de l’Égypte gouvernée par les Frères musulmans, dont il est issu. Ce copinage idéologique et politique pourrait offrir, selon certains analystes, la possibilité de voir moins de confrontation et plus de stabilité régionale. Pour M. Coville, « il est peut-être bon pour tous ces partis islamiques de goûter au pouvoir après avoir été réprimés durant des décennies ».
Parallèlement, l’influence de la Turquie et du Qatar, qui quelques jours à peine avant l’opération « Pilier de défense » à Gaza, promettait d’injecter des millions de dollars d’aides dans l’enclave palestinienne, monte en flèche – un nouveau jeu d’alliances qui fait contrepoids à la mainmise de l’axe syro-iranien dans la région, pourtant allié de choix dans la lutte contre Israël. Se pose alors une question essentielle : l’Iran continue-t-il de jouer un rôle majeur dans le conflit israélo-palestinien ? « Il est vrai que depuis le début des soulèvements populaires arabes, il y a des visions différentes sur l’impact iranien dans la région. Il serait facile d’affirmer que l’Iran est affaibli par la situation en Syrie. Toutefois, des liens diplomatiques ont été renoués entre Téhéran et Le Caire », rappelle Thierry Coville, précisant que les Iraniens, ou du moins une partie d’entre eux, pourraient se retrouver dans ces révoltes, puisqu’ils en ont vécu une en 1979. En outre, nuance le chercheur, l’habitude iranienne est de justement « jouer sur tous les tableaux » afin de maintenir sa suprématie régionale : Téhéran a bien entendu réfléchi à un scénario d’après-Assad, et donc à une éventuelle politique d’adaptation. Le soutien iranien au Hamas face à Israël reste donc intact, selon le spécialiste. Rappelons au passage que des Fajr 5 iraniens ont été utilisés à Gaza contre l’État hébreu en novembre, et que Khaled Mechaal a publiquement remercié la République islamique pour son aide à la résistance palestinienne.

Frères ennemis
Sur le plan interne, la réconciliation interpalestinienne est revenue sur le devant de la scène, jumelée cette fois (renforcée par ?...) au succès de la demande de Mahmoud Abbas pour l’accession au statut d’État observateur à l’ONU quelques jours après l’opération israélienne à Gaza (et quelques semaines avant les législatives israéliennes...). Entre la nouvelle conjoncture régionale et les interventions répétées de l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Qatar et surtout la Turquie, dont le système de « démocratie islamique » a d’ailleurs servi de modèle à certains pays ayant connu un printemps arabe, un rapprochement entre les deux frères ennemis du Hamas et du Fateh semble plus possible que jamais, sinon certain.
« Le “worst case scenario” serait que le Hamas paraisse comme le seul poids palestinien », le seul interlocuteur possible, estime Thierry Coville, jugeant que « la demande à l’ONU est une bonne chose pour les relations interpalestiniennes, et par conséquent régionales (...) Tout comme l’Arabie saoudite, la Turquie reste incontournable sur ce plan », d’autant plus qu’Ankara a voté en faveur de la demande palestinienne à l’ONU. Khaled Mechaal s’est lui-même dit « optimiste » au sujet de la réconciliation interpalestinienne, au lendemain du succès onusien qu’il a cautionné de Mahmoud Abbas, réalisant visiblement que la tactique du « divide and conquer » ne semble pas aboutir. « La division n’est pas le fait des Palestiniens, mais nous a été imposée. La division politique est naturelle, mais ce qui ne l’est pas, c’est la division du régime politique en deux entités géographiques séparées », avait ainsi affirmé le chef du Hamas lors de sa toute première visite dans la bande de Gaza début décembre. « Nous sommes une seule autorité et notre référence est l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont nous voulons l’unité », avait-il ajouté, en référence à l’organisation dirigée par M. Abbas – dont le Hamas ne fait pas partie –, signataire en 1993 des accords d’Oslo avec Israël.
Néanmoins, ce n’est pas tant ce rapprochement interpalestinien qui rend sceptique, mais bien plus son inscription dans la durée, après des décennies de guerres intestines, de divisions et d’accusations mutuelles concernant l’échec des négociations entre les différentes factions palestiniennes. Mais force est de constater qu’avec la résurgence d’une synergie sunnite toute en pressions (Riyad-Ankara-Le Caire-Doha) et l’inéluctabilité de la chute de la maison Assad en Syrie, le Hamas se retrouve au cœur d’un new deal qui pourrait bien se concrétiser dès 2013. Le tout à l’aune, naturellement, des résultats des législatives israéliennes de janvier prochain...
Dans son article du 28 novembre 2012 dans The International Herald Tribune, Neil MacFarquhar considère que la trêve instaurant un cessez-le-feu au cours de la dernière guerre israélienne contre Gaza du 14 au 23 novembre a mis en relief la nature instable des alliances moyen-orientales, notamment depuis le début des révoltes arabes de 2011. Il a évoqué la résurgence du schisme...

commentaires (2)

Les HAMASIENS, autre que de manger trop de 7immos, ils ont commencé à user de leur boite cérébrale... A leur crédit !

SAKR LEBNAN

07 h 10, le 17 décembre 2012

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Commentaires (2)

  • Les HAMASIENS, autre que de manger trop de 7immos, ils ont commencé à user de leur boite cérébrale... A leur crédit !

    SAKR LEBNAN

    07 h 10, le 17 décembre 2012

  • Qu'est ce que c'était bon de lire cet article de Samia Medawar, comme si je l'avais écrit moi même, mais en moins bien évidemment. Depuis 3 ou 4 ans que j'interviens sur ce forum, je disais que le problème palestinien reviendra éternellement sur le plateau, quand certains internautes, et ils se reconnaîtront, disaient que ce problème était résolu, vu que Mahmoud Abbas avait conclu je ne sais quoi avec le régime raciste et xénophobe.Ces fossoyeurs de la cause palestinienne pourront comprendre que devant tout le tintamarre de ce qui boulverse la région, sunnites, chiites, chrétiens druzes etc... n'ont en tête que la résolution de ce conflit, par sentiment "religieux", peut être, mais par intérêt sûrement. Nous avons ces damnés de la terre sous nos yeux, nous sommes responsables quelque part et un retour chez EUX en PALESTINE récupérée les soulageraient autant que nous et notre conscience.Votre conclusion Samia n'a finalement aucune importance, puisque quelque soit le résultat des élections pour un nouveau régime raciste, le problème se reposera tant que les palestiniens continueront à crier leur souffrance et à nous de vouloir les entendre..

    Jaber Kamel

    04 h 36, le 17 décembre 2012

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