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À La Une - Cannes

Mikati à l’ouverture de la WPC : Une explosion au M-O n’épargnera pas l’Europe

La notion de mondialisation est depuis plusieurs années au centre des préoccupations des dirigeants politiques et des experts internationaux. À la lumière de cette nouvelle donne politico-économique, et face aux profonds bouleversements dont le monde est le théâtre, en termes de crises existentielles et de conflits armés – notamment au Moyen-Orient –, ou des secousses financières qui déstabilisent nombre de pays occidentaux, sans compter les nombreux défis auxquels est confrontée l’humanité (changement climatique ; besoins en eau, en énergie et même en nourriture ; impératifs d’un développement équilibré ; gestion des ressources naturelles...), les États sont amenés à devoir collaborer pour affronter, dans un effort collectif, l’ensemble de ces crises et défis.


Cette coopération paraît désormais d’autant plus incontournable que de plus en plus, tout développement qui se produit dans un pays ou une région du globe se répercute directement sur d’autres régions, conformément à ce qu’Edward Lorenz a qualifié d’« effet papillon ». D’où la nécessité, qui se fait ressentir de plus en plus, d’une « gouvernance mondiale », une notion dont nombre de Libanais ne sont pas encore suffisamment familiers, ou dont ils ne saisissent pas totalement la véritable dimension et la réelle portée. Du fait de l’effort par essence transnational qu’elle nécessite, cette gouvernance mondiale implique non seulement les gouvernements, mais également les institutions internationales, ainsi que les ONG et les « think tanks ». Tel est précisément l’objectif que s’est fixé la « World Policy Conference » (WPC), lancée à la fin de 2007 à l’initiative de l’Institut français des relations internationales (l’IFRI), et plus particulièrement de son président, Thierry de Montbrial.


La WPC est un forum international qui rassemble chaque année un large éventail de décideurs et d’experts politiques et économiques (dirigeants et hauts responsables officiels, chefs d’entreprise, professeurs d’université, penseurs, diplomates, journalistes, etc.) dans le but de stimuler une réflexion de haut niveau afin d’améliorer la gouvernance mondiale. La WPC a tenu ses premières assises en octobre 2008 à Évian. La cinquième édition de la WPC a ouvert ses travaux samedi dernier à Cannes, dans le cadre enchanteur de la Côte d’Azur française, dans le prestigieux hôtel Martinez, situé en bordure de la Croisette. Elle a regroupé non moins de 400 personnalités de renommée internationale d’horizons très divers.


La conférence a poursuivi ses réunions et débats toute la journée et la soirée d’hier et clôturera ses travaux aujourd’hui, lundi, par une réunion de synthèse et un débat général. La séance inaugurale, samedi en début de matinée, a été marquée essentiellement par un discours du président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, et par la lecture des allocutions politiques du président François Hollande, du prince Albert II de Monaco, du Premier ministre Nagib Mikati et du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui n’ont pu assister à l’ouverture des travaux. M. Mikati, notamment, était présent à Monaco et s’apprêtait à se rendre à Cannes pour participer à la conférence, mais il a été contraint de rentrer à Beyrouth en raison de la situation à Tripoli.


Dans son discours, dont le texte a été lu par Thierry de Montbrial, le président François Hollande a évoqué succinctement les principaux thèmes de cette cinquième édition de la WPC (la gouvernance économique internationale, l’avenir de l’UE, l’avenir du Moyen-Orient et la situation en Afrique), soulignant notamment que les réponses aux défis qui se posent au monde dans le contexte présent ne peuvent être que collectives. Concernant le M-O, le président Hollande a une nouvelle fois vivement condamné « le régime syrien sanguinaire qui assassine son propre peuple », affirmant que « seul le départ de Bachar el-Assad permettra de mettre un terme à cette tragédie » syrienne. Il a d’autre part appelé à nouveau l’Iran à « abandonner ses ambitions nucléaires ». Abordant la situation en Afrique, il a souligné que la présence au nord du Mali de « groupes mus par des idéologies extrémistes constitue un défi pour la conscience internationale ».


De son côté, le président ivoirien a dressé un tableau de l’évolution politique et économique de l’Afrique, mettant l’accent sur le fort taux de croissance enregistré depuis plus d’une décennie dans les principaux pays africains (près de 8 pour cent), ce qui a eu pour conséquence une augmentation substantielle des investissements étrangers dans le continent africain. Le président Ouattara a relevé sur ce plan que la Chine est en train de dépasser les États-Unis en termes d’échanges commerciaux avec les pays africains.


De son côté, le prince Albert II de Monaco a axé son discours – transmis par vidéoconférence – sur les problèmes du développement durable, qui constitue, a-t-il relevé, « une priorité pour la gouvernance mondiale », ainsi que sur le dossier délicat de l’environnement et de la préservation des ressources naturelles. Il a dénoncé dans ce contexte la pollution des réserves en eau, l’urbanisation sauvage, les menaces que font peser la pêche démesurée et le transport maritime excessif sur la situation des océans. « Il ne saurait y avoir d’amélioration du niveau de vie sans la sauvegarde des océans », a souligné le prince Albert II qui a précisé qu’il avait incité son gouvernement à initier une politique énergétique rationnelle « pour assurer un avenir empreint de confiance ». Le prince de Monaco a invité dans ce cadre l’Union européenne à jouer un rôle actif au niveau de la gouvernance mondiale.

La contribution de Mikati
 Le discours du Premier ministre Nagib Mikati a été lu par le nouvel ambassadeur du Liban à Berlin, Moustapha Adib. Le chef du gouvernement a notamment tiré la sonnette d’alarme concernant la situation présente au Moyen-Orient, soulignant notamment que « les périodes de grands changements sont aussi les périodes d’importants conflits ». « Malheureusement, les bruits de bottes se font insistants, mais dans notre région cette fois-ci, a relevé M. Mikati. La poudrière du Moyen-Orient a pris la place de la poudrière des Balkans du début du vingtième siècle. À cet égard, les chiffres de l’indice global de militarisation sont alarmants : parmi les dix pays ayant le plus fort taux de militarisation au monde, six se trouvent au Proche-Orient. »


Et M. Mikati d’ajouter : « Ne nous voilons pas la face, la tension a atteint un seuil critique et il suffirait d’une étincelle pour que toute l’aire géopolitique Asie de l’Ouest-Moyen-Orient s’embrase dans un incendie qui n’épargnerait probablement pas l’Europe (...). Il est de l’intérêt de l’Occident que prévale la stabilité dans cette région, car, à l’heure des nouvelles technologies, l’effet papillon de Lorentz prend tout son sens. Le battement d’une aile de papillon à Téhéran ou au Caire risque de déclencher une tornade en Asie ou en Afrique. »
Dans un tel contexte, M. Mikati a souligné que dans le but de « préserver les acquis des révoltes dans le monde arabe, pour éviter que les sociétés civiles ne sombrent dans l’intégrisme et l’extrémisme, et pour les conduire, plutôt, à s’engager sur le chemin de la bonne gouvernance, il faudra mettre rapidement en place un plan visant à augmenter le niveau d’éducation et à créer des emplois » (...). « En effet, une société éduquée et qui crée des emplois pour ses citoyens est une société tolérante ; c’est le meilleur remède contre l’extrémisme », a affirmé M. Mikati qui a ajouté à cet égard : « Notre région regorge de jeunes avides de connaissance et de changement. Mais il s’agit d’être vigilant car aucune démocratie ne peut perdurer si la société n’améliore pas son niveau d’éducation et de développement économique. »


Et le Premier ministre de relever que « par sa tradition de liberté individuelle dans une société multiculturelle et tolérante, le Liban pourrait constituer un modèle pour des nations arabes qui cherchent encore leur devenir ».
Quant au président et fondateur de la WPC, Thierry de Montbrial, il a souligné que la gouvernance mondiale repose sur des institutions telles que les Nations unies, la Ligue arabe ou le Fonds monétaire international, mais elle nécessite aussi, pour la développer, la mise en place d’une société civile mondiale, qui prendrait la forme de « think tank », dont la World Policy Conference est l’une des expressions. M. de Montbrial a mis l’accent dans ce cadre sur l’importance de la communication directe entre les leaders mondiaux, soulignant, à titre d’exemple, que le président Bachar el-Assad était « prisonnier d’un appareil qui vivait en vase clos ».
Pour sa part, l’archevêque de Constantinople et patriarche œcuménique, S.S. Bartholomée I, a déclaré que la gouvernance mondiale paraît une nécessité face à l’échec de la capacité autorégulatrice du système capitaliste. « Les alliances passées semblent s’affaiblir, et l’Union européenne et les États-Unis paraissent suivre des orientations différentes », a-t-il affirmé.
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a déclaré – dans un discours retransmis sur grand écran – que « la confiance dans l’avenir de la zone euro est grande ». Il s’est déclaré confiant, à ce sujet, dans l’appui populaire à l’UE.

Les séances plénières
 La séance inaugurale a été suivie durant toute la journée de samedi par des séances plénières qui ont porté sur « la gouvernance économique internationale », « la démocratie en Europe », « l’avenir de l’Europe », « la bonne gouvernance et la réussite économique », ainsi qu’un débat portant sur la possibilité d’un G2, à savoir une hypothétique coopération bilatérale – calquée sur le G20 – entre la Chine et les États-Unis. Dirigé par l’ancien ministre des Affaires étrangères de la République de Corée, Han Sung-joo, le débat a opposé un expert américain en relations internationales, Robert Blackwill, et un universitaire chinois, Wang Jisi, doyen de l’École des études internationales et directeur du Centre des études stratégiques et internationales de l’université de Pékin. Les deux experts américain et chinois ont mis en évidence les intérêts et objectifs communs qui lient les deux puissances ainsi que les nombreux sujets de divergence, pour conclure qu’un éventuelle G2 entre les États-Unis et la Chine ne paraît pas réaliste et réalisable dans le contexte présent.

La notion de mondialisation est depuis plusieurs années au centre des préoccupations des dirigeants politiques et des experts internationaux. À la lumière de cette nouvelle donne politico-économique, et face aux profonds bouleversements dont le monde est le théâtre, en termes de crises existentielles et de conflits armés – notamment au Moyen-Orient –, ou des secousses...

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