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Doha : attente interminable pour un résultat prévisible

« Loss and Damage », le concept qui a créé la surprise au sommet de Doha

Certains pays ne peuvent même plus s’adapter aux changements climatiques actuels, et à plus forte raison à ceux du futur. Il leur faut une aide d’une autre nature.
Dans le processus de lutte contre le changement climatique, deux grands concepts sont généralement mis en avant : la réduction des émissions de gaz à effet de serre – principalement le CO2 – responsables du réchauffement de l’atmosphère et l’adaptation aux changements climatiques. Un concept actif et l’autre passif. Mais aucun des deux ne prend en compte les sinistrés du climat, ceux qui perdent tout en raison des catastrophes naturelles, comme la disparition de leur île par exemple ou l’émigration forcée de populations.
C’est ce dernier cas de figure qu’englobe un concept nouveau dans le jargon lié au changement climatique, appelé « Loss and Damage », ou « pertes et dommages » en français.
« Il y a des gens qui ne peuvent simplement plus s’adapter aux changements et il faut les aider urgemment », explique à L’Orient-Le Jour Koko Warner, chercheur, chef de section à l’Université des Nations unies à Bonn, en Allemagne.
Mme Warner et son équipe ont effectué des recherches auprès de populations rurales dans plusieurs pays qui ressentent déjà les effets du changement climatique, à l’instar des cultivateurs de riz au Bengladesh qui ont subi des pertes économiques très sévères ces dernières années, des agriculteurs chassés de chez eux par les longues périodes de sécheresse en Gambie, etc. Le rapport qui résulte de cette étude explore les schémas de migration de ces populations touchées et leurs efforts plus ou moins réussis pour garder la tête hors de l’eau.
L’introduction de ce concept de « Loss and Damage » consiste donc à tenir compte de ceux qui sont confrontés à la véritable impasse climatique. « Le concept a énormément intéressé les médias, ce qui a contribué à la sensibilisation publique autour de cette idée, nous affirme Koko Warner durant le dernier jour des négociations au sommet de Doha. Au niveau politique, en revanche, nous aimerions qu’il y ait un résultat plus probant que celui qui se profile à l’horizon. »

 Un mécanisme international ?
La polémique politique dont parle Koko Warner peut être résumée ainsi : introduire l’idée des pertes et dommages au sein des négociations internationales sur le climat implique de mettre plus d’argent sur la table ou consacrer une part de budgets existants pour l’aide aux sinistrés, sous une forme ou une autre. Le cadre institutionnel dans lequel ce concept serait introduit pose également problème. « En gros, il y a deux propositions sur la table, explique la chercheuse. L’une d’elles consiste à créer un nouveau mécanisme international pour porter cette idée, et l’autre de l’intégrer dans des structures existantes sur l’adaptation. La première proposition est mise en avant par les pays en développement, la secponde par les pays industrialisés qui ne voient pas l’intérêt d’une nouvelle structure. »
Cette opposition a donné lieu à un étrange compromis. « Il a été décidé de prendre un peu plus de temps pour mieux étudier le concept et faire des recherches supplémentaires, explique Mme Warner. Je suis moi-même chercheuse et je comprends l’intérêt de nouvelles recherches. Mais si nous allons multiplier les recherches sans les mettre en application, cela n’aboutira à rien. » Ce délai annoncé est vu comme un revers pour les pays en développement, particulièrement les pays insulaires qui forment une alliance au sein des négociations mondiales et qui risquent d’être les plus sévèrement touchés par la hausse du niveau de la mer, une des conséquences prévues et déjà observables de la fonte des glaciers due au réchauffement planétaire.
Au centre du débat sur les « Loss and Damage », comme pour tout ce qui touche aux négociations sur le climat, on trouve la question du financement : qui va payer quoi à qui ? Koko Warner nous explique que la principale idée mise en avant dans le cas des pertes et dommages est celle de l’assurance climatique. « L’assurance, dans ce cas-là, n’est pas considérée comme une simple question de dédommagement, mais une aide préalable pour des besoins d’adaptation, explique-t-elle. L’argent ne suffit pas à régler les problèmes immenses qui résultent de la perte des biens et des sources de subsistance, l’assurance doit servir à aider les populations sinistrées à se remettre sur pied. L’idée d’une assurance climatique a été lancée pour la première fois par les nations insulaires en 1992, lorsque l’UNFCCC a été fondée. Elle pourrait aussi tranquilliser les pays industrialisés parce qu’elle implique une préparation à l’avance des montants à prévoir en cas de catastrophe. »
Quoi qu’il en soit, après avoir été débattu comme concept indépendant par les négociateurs puis par les ministres, le « Loss and Damage » a fini par faire l’objet d’un texte qui en consacre l’importance mais invite à l’examiner davantage d’ici au COP prochain.

 S. B.
Dans le processus de lutte contre le changement climatique, deux grands concepts sont généralement mis en avant : la réduction des émissions de gaz à effet de serre – principalement le CO2 – responsables du réchauffement de l’atmosphère et l’adaptation aux changements climatiques. Un concept actif et l’autre passif. Mais aucun des deux ne prend en compte les sinistrés du...