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Culture

Cavale sous l’ombrelle du printemps arabe

Il n’aura pas attendu d’être en lice du Goncourt pour révéler son talent de romancier. Aujourd’hui, Mathias Énard, avec « Rue des voleurs » (Actes Sud, 252 pages), explore, grâce à un antihéros, l’impact et la portée du printemps arabe sur une jeunesse en dérive.*

Énard et son printemps arabe qui s’invite au Goncourt/Choix de l’Orient.

Son premier opus édité chez Actes Sud, Zone, avec une seule phrase de 500 pages, a piqué la curiosité de la presse et des lecteurs... Mathias Énard a sans nul doute tous les tours de prestidigitation pour écrire, mais cela suffit-il pour autant d’attacher un public?
Certainement que non, car cet auteur de quarante ans, formé aux langues arabe et persane, enseignant à Barcelone, ancien pensionnaire de la villa Médicis (2005-2006), sait faire feu de tout bois. Et pour son dernier roman, parcours d’un combattant sans cause, il ne craint pas de faire un amalgame de toutes ses amours (intellectuelles et culturelles) pour une plongée dans le monde arabe.
Plongée peu ébouriffante à travers une jeunesse, paumée et sans repères, dans les dédales et les turbulences du printemps arabe pourtant prometteur et source d’un certain renouveau sociétal ardemment attendu...
L’étincelle vient de Tanger où un jeune Marocain de vingt ans, Lakhdar, passionné de polars français et de poésie arabe (alter ego de l’auteur ?), mais aussi porté jusqu’à l’addiction vers le sexe, est en quête de lui-même ainsi que des sensations pour oublier sa réalité. Une réalité faite de marasme économique, d’agitation contemporaine, de diktats religieux, d’excès de violence post-révolutionnaire, de manque d’espoir pour un avenir, si ce n’est sûr, du
moins meilleur...
Dans cette confusion d’existence et de sentiments, le destin a toutes les allures de malheureux jours aux lendemains plus incertains les uns que les autres. C’est une sorte de fatalité et de malheur de vivre dans la déchéance qui ont irrévocablement dit leur dernier mot.
Après avoir péché avec sa cousine Meryem, voilà le fauteur banni de sa famille. Errance et regards vers l’étranger. C’est Barcelone et une Judit, guettée par le spleen et la maladie, qui vont l’accueillir pour de nouvelles déceptions.
Un malaise contemporain qui se prolonge. Jusque sur toutes les rives de la Méditerranée. Cavale désespérée d’un enfant du siècle arabe, dérouté par les choix que lui imposent la vie et la société, perdu entre Orient et Occident où ni petits boulots (se frottant à l’écriture et à la mort!) ni frivolité du sexe n’assurent stabilité et ne pallient au sens profond d’une traversée humaine.
C’est dans cette noirceur, ce pessimisme sans répit, rejoignant un peu la sinistrose d’Olivier Adam chez les banlieusards, qu’avance ce récit chaotique aux embranchements multiples.
Il ne suffit pas d’une citation d’Ibn Batouta, du sens de la formule poétique, de quelques mots d’arabe et des considérations sur les Frères musulmans pour étoffer un roman pourtant au style vibrant, oscillant entre densité et fluidité. Bien partie pour un voyage entre misère et sensualité au soleil, la fiction pourtant perd peu à peu de son pouvoir de conviction, de sa force narrative, de sa valeur persuasive...
Le salut serait-il au creux de la littérature et de l’art, comme semble le suggérer l’auteur? Une fois de plus, on se rapproche de l’acte de foi du dernier livre d’Olivier Adam... Paroles d’une génération désabusée, désenchantée? Après tout le livre, ami de toujours et grand consolateur des âmes en peine, est une notion qui ne date pas d’aujourd’hui... George Sand, dans la fièvre romantique, pour ne citer qu’elle, a eu déjà des déclarations bien réconfortantes en ce sens.

*Une rencontre aura lieu aujourd’hui avec l’auteur, à 18h, à l’Agora.
Son premier opus édité chez Actes Sud, Zone, avec une seule phrase de 500 pages, a piqué la curiosité de la presse et des lecteurs... Mathias Énard a sans nul doute tous les tours de prestidigitation pour écrire, mais cela suffit-il pour autant d’attacher un public? Certainement que non, car cet auteur de quarante ans, formé aux langues arabe et persane, enseignant à...

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