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Liban

On ne respecte même plus les morts !

« C’est l’État libanais qui est assassiné par ce crime. » Ces paroles prononcées hier par un président éploré devant le cercueil de Wissam el-Hassan devaient malheureusement s’avérer prémonitoires. Quelques heures plus tard, la situation explosive sur le terrain allait lui donner tristement raison.


Dans le feu de l’action, on en avait presque oublié la plaie béante causée aux proches de Wissam el-Hassan qui n’ont même pas eu droit à un enterrement digne de leur héros. On a surtout ignoré avec effronterie le souhait même du défunt qui aurait sans aucun doute désapprouvé cette manière de lui faire des adieux.


À quelques mètres de son cercueil, l’orage avait éclaté sous l’impulsion d’un discours prononcé, non point par de vulgaires meneurs de rues, mais bel et bien par un intellectuel-journaliste engagé. L’intervention populiste du mufti du Akkar, Oussama Rifaï, suivie de l’allocution, politiquement corsée, de l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, ont achevé d’aiguiser une foule assez chauffée au départ.

 

(Pour mémoire : Après les funérailles, la colère contre le Sérail)


Celle-ci devait oublier l’époque où M. Siniora s’était lui-même farouchement opposé à ceux qui tentaient de le déloger de ce même Sérail que les services sécuritaires s’acharnaient alors à préserver.
Une fois de plus, c’est aux institutions que s’en prenaient dimanche ceux-là mêmes qui ressassent matin et soir les théories de la souveraineté et du respect de l’État, et qui se prévalent d’une démocratie dont ils avaient oublié les règles les plus élémentaires.


Ceux qui clament haut et fort le monopole des armes par l’État venaient d’ouvrir une immense brèche devant les milices de toutes sortes, de tout calibre, les invitant à s’y engouffrer à n’importe quel prix et prendre d’assaut « ce qui leur appartenait », le Sérail, comme l’avait clairement exprimé un sympathisant du courant du Futur.
En détruisant les dernières fortifications de la nation, en assaillant les propres hommes de Wissam el-Hassan qui s’évertuaient à défendre religieusement les symboles de l’État, comment continuer de croire que l’opposition, qui invite aujourd’hui le gouvernement à rendre son tablier, sera effectivement capable de prendre la relève et de redonner du sens à l’action politique dans toute sa dimension ?


Est-elle véritablement à même de redonner de l’espoir aux victimes d’Achrafieh qu’aucun de leurs représentants n’a daigné visiter dans leur lit d’hôpital ? Pourra-t-elle surtout parvenir à arrêter le cycle infernal de la mort et réussir là où un homme du calibre de Wissam el-Hassan a malheureusement échoué ?


Il est une évidence que nul ne peut réfuter : la révolte contre la barbarie du régime syrien – quelque légitime qu’elle soit – ne passe certainement pas par une autre forme de barbarie comme celle qui consiste à choisir des cibles humaines de dix ans, à l’instar de ce qui s’est passé à Tripoli, ou de se déchaîner contre cette malheureuse armée libanaise, seul rempart restant de cet État en décrépitude continue.


Soyons clairs. Il ne s’agit pas de minimiser les mille et une motivations on ne peut plus légitimes qui animent les forces du 14 Mars. Avec à leur tête, leur ras-le-bol face au cortège de martyrs que les criminels prennent un plaisir horriblement sadique à allonger au fil des jours. Ou encore les revendications incessantes du monopole des armes par l’État de manière à ne plus permettre à une communauté de se prévaloir d’un arsenal qu’elle se tolère de brandir face à ses partenaires dans la nation. Des armes qui, de l’avis du 14 Mars, continuent d’ailleurs de protéger les assassins présumés de Rafic Hariri et de justifier une alliance stratégique avec un régime qui, de manière flagrante, a signé il y a quelques jours l’arrêt de mort d’un géant comme Wissam el-Hassan.
Il s’agit encore moins de défendre l’exécutif en place et ses innombrables dysfonctionnements ou de faire l’apologie d’un Premier ministre de plus en plus honni par sa propre communauté, laquelle se disloque sous ses yeux dans sa ville natale.

 

(Lire aussi : Joumblatt exhorte le 14 Mars à ne pas tomber dans « le piège tendu par le régime syrien »)


Ne l’oublions point : l’homme politique n’a de l’importance que dans la mesure où il sert la raison d’État et non l’inverse.


Mais, tout homme sage en conviendrait : ce n’est pas en armant l’ensemble des citoyens, comme le proposait hier un député de la nation, que l’on pourra remédier à l’hégémonie de l’axe syro-iranien au Liban, ou faire justice à ceux qui sont morts, pour et au nom d’un Liban uni.


À tous ceux qui prétendent avoir une juste cause, il est tout simplement demandé de s’arrêter quelques instants et de revoir le spectacle de désolation qui se déroule depuis deux jours devant leurs yeux.
Force est tout simplement de constater que les Libanais viennent de servir sur un plateau d’argent un plat gargantuesque à leurs pires ennemis, avec à leur tête le régime baassiste : la scène d’un pays qui s’entre-déchire pour et au nom de la course au pouvoir.


On ne peut encourager à mettre le feu aux poudres puis se rétracter une fois le mal fait, se repliant sur des formules creuses de désobéissance civile, là même où les adversaires politiques des souverainistes avaient échoué il y a quelques années en occupant le centre-ville plusieurs mois durant, achevant de saigner l’économie du pays.
En mettant le pays à feu et à sang, ou du moins en pavant la voie à cette situation de chaos, ceux qui ont encouragé la subversion n’ont fait que perdre le riche crédit de la légitimité de départ. De quoi apporter de l’eau au moulin de Nagib Mikati qui s’est dépêché d’affirmer en substance que les débordements qui ont eu lieu hier prouvent qu’il s’était trompé sur l’idée même de démissionner.


Que ceux qui veulent se substituer aux décideurs actuels en prétendant vouloir mettre fin au cycle infernal des assassinats commencent par mettre un terme aux assassinats des civils innocents qui ont tout autant droit à la vie que nos grands hommes politiques assassinés. On ne substitue pas une idéologie funèbre par une autre.
Que l’on commence d’abord par respecter le deuil de ceux qui n’ont même pas eu le temps de pleurer leurs morts.

 

Lire aussi

Trop-plein de videl'édito de Issa Goraïeb

 

D’un ras-le-bol à l’autrela perspective de Michel Touma

 

Pour mémoire

Place Sassine, un massacre pour tuer Wissam el-Hassan

« C’est l’État libanais qui est assassiné par ce crime. » Ces paroles prononcées hier par un président éploré devant le cercueil de Wissam el-Hassan devaient malheureusement s’avérer prémonitoires. Quelques heures plus tard, la situation explosive sur le terrain allait lui donner tristement raison.
Dans le feu de l’action, on en avait presque oublié la plaie béante causée...
commentaires (5)

Quelques centaines de personnes désoeuvrées s'en allant crier des slogans à destination d'un zaim, voilà ce qu'a offert le fameux raz de marée que demandait ce zaim en mal du pays. Allez rentre au Liban petit joueur et ne joue pas le grand coeur à demander le calme à tes exités, de toute façon le Liban ne te suis plus, ne crois plus en toi, le chasseur perd sa place en allant à la chasse en terre bredouille.

Jaber Kamel

09 h 39, le 23 octobre 2012

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Commentaires (5)

  • Quelques centaines de personnes désoeuvrées s'en allant crier des slogans à destination d'un zaim, voilà ce qu'a offert le fameux raz de marée que demandait ce zaim en mal du pays. Allez rentre au Liban petit joueur et ne joue pas le grand coeur à demander le calme à tes exités, de toute façon le Liban ne te suis plus, ne crois plus en toi, le chasseur perd sa place en allant à la chasse en terre bredouille.

    Jaber Kamel

    09 h 39, le 23 octobre 2012

  • Non Madame, le pays n'a pas été mis a feu et a sang. quelques jeunes ont hurles des slogans et brandis des drapeaux face au siège du gouvernement. il n'y eu ni feu ni sang. même pas de coups de bâtons d'ailleurs. le feu et le sang étaient a la place Sassine, allumé et répandu par ceux-la même que vous ne condamnez pas.

    Lebinlon

    05 h 12, le 23 octobre 2012

  • Tous ceux qui avaient lancé des menaces contre le général Wissam Al Hassan devraient être arrêtés et jugés. Il n'y a pas des menaces à caractère politiques. LES MENACES SONT DES MENACES ! S'il y a des INSTITUTIONS qui se respectent dans ce pays, elles devraient jouer leur rôle comme il faut. A commencer par CELUI qui avait dit que W.H. ne devrait pas rester vivant et devrait être réduit en CHARBON... MENACE CLAIRE... et tous les autres MACABRES TÉNORS !

    SAKR LEBNAN

    02 h 40, le 23 octobre 2012

  • Il faut être juste. L'ancien chef du gouvernement Fouad Siniora a prononcé un petit discours radical d'opposition, mais dans le cadre des institutions, soit, d'opposition au sein du Parlement et selon les règles démocratiques et parlementaires. Il ne pouvait que faire ressortir la responsabilité dans l'attentat d'un gouvernement fantoche du régime syrien et du Hezbollah, mais il a évité de mentionner le fait que "probablement l'assassin siège en Conseil des ministres", ce que les médias, y compris l'OLJ, ont évoqué hier. Il faut que l'on comprenne que le peuple libanais en a vraiment ras-le-bol, par dessus la tête même, du mensonge libanais. Peut-on ignorer les menaces claires lancées par des sauvages de la jungle politique libanaise contre le général Wissam el-Hassan ? S'il y avait une justice dans ce pays, elle aurait arrêté ces individus à la première heure de l'attentat. Oui, l'assassin fait partie du gouvernement et il faut le dire. Assez de mentir et de se mentir ! Cela dit, oui, les organisateurs de la cérémonie ont commis une grande erreur de laisser échapper le discours populiste inopportun du mufti du Akkar et l'exaltation du journaliste du courant du Futur invitant le public à l'assaut du Sérail. Ce sont ces deux faits qui ont tout gâché.

    Halim Abou Chacra

    22 h 37, le 22 octobre 2012

  • Pure théorie et pur parti pris ! Écrire : "Force est de constater que les Libanais viennent de servir sur un plateau d’argent un plat à leurs pires ennemis : la scène d’un pays qui s’entre-déchire pour et au nom de la course au pouvoir." ; est tout simplement impropre ! Car le pays s'entre-déchire en effet, mais entre d'une part des souverainistes et de l'autre de "Purs" Collabos pro-"baassyriens"..... Tout le reste n'est que poudre aux yeux.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    19 h 19, le 22 octobre 2012

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