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À La Une - Insolite

Résidence Alia, un paradis pour artistes dans un coin du Chouf

Il a toujours navigué à contre-courant, évitant les vagues de la mode et de l’art facile ou strictement commercial. Le galeriste Fadi Mogabgab, dans cette logique qui l’a toujours animé, de « travailler sur le long terme », a officiellement « inauguré » sa résidence d’artiste cet été, dans son village de Aïn Zhalta. Beau retour aux sources et à l’essentiel.

La résidence Alia, un lieu qui inspire ses hôtes.

Il est arrivé un peu par accident, beaucoup par sensibilité partagée avec les artistes, dans ce monde où les chiffres démesurés et les marchés surévalués ont un peu altéré les talents de certains et fait perdre la tête aux autres. « Plonger dans l’univers des peintres étrangers m’a permis de respirer, de trouver mes repères lors de mon retour au Liban, avoue-t-il. J’ai toujours privilégié des œuvres engagées et un travail en profondeur et dans le temps. Mes toiles ont semblé difficiles, voire choquantes, au début. Aujourd’hui elles trouvent leur place dans un appartement. Si une chose est valable, ou pas, le temps le démontre tôt ou tard. » 

 

Chapeau de paille sur la tête, le regard souvent absent, à la fois serein et torturé, Fadi Mogabgab est mécontent. Trop de pollution, trop de poussière dans cette ville qui perd son âme. « Descendu » ce matin de son Aïn Zhalta natal pour causes professionnelles – sa galerie, ouverte il y a 13 ans, est toujours active à Gemmayzé –, Mogabgab a par moments des airs de Don Quichotte, par d’autres ceux d’un Schtroumf grognon qui n’arrive pas, et on le comprend, à s’adapter à cet environnement hostile. Difficile pour lui de le faire, l’enfer sur terre est à Beyrouth et le paradis à Aïn Zhalta !


Dans ce coin du Chouf méconnu, qui tutoie le ciel et les cèdres, la vie suit un rythme plus lent, au gré d’une fabuleuse lumière qui réveille, délicatement, ses hôtes, explose à midi, puis les caresse, avant de tirer sa révérence en attendant le lendemain. Ici, l’être semble puiser de la terre une formidable énergie, une inspiration et un souffle éthéré. La nature, avenante, converse avec ses visiteurs. Chacun des peintres amis qui s’y promènent y trouve sa propre interprétation. Ayant pris, depuis longtemps, l’option très personnelle de recevoir sur rendez-vous, et d’offrir à la personne intéressée une présentation privilégiée des œuvres qu’il possède, Mogabgab souligne : « Nous vivons dans une société de consommation très rapide. Les gens veulent un produit fini, même dans l’art, sans se soucier de la provenance et de la qualité. Or les choses de qualité requièrent une période de maturité, une durée et des conditions idéales. C’est un peu comme un fruit que l’on a planté ! J’essaie de donner aux artistes libre cours à leur imagination, de les encourager à aller le plus loin possible. Je veux qu’ils osent des formats, des supports, des thèmes, une démarche nouvelle. C’est pourquoi j’ai déplacé toute la dynamique de mon travail à Aïn Zhalta. »


Aïn Zhalta... Près de l’église du village, Fadi Mogabgab et sa femme Alia ont installé leurs étés, il y a une dizaine d’années, dans une première maison libanaise cousue main. Les peintres qui passaient en visite pour quelques jours, enivrés par l’air pur des 1 200 m d’altitude, en voulaient encore. Sahmarani, le regretté Cerredo, Mabunga... « La sensation était tellement belle de les avoir à proximité, de voir l’effet de la lumière sur eux et l’émotion qui se dégageait de leur travail, dans ces conditions idéales », qu’il décide d’acheter une deuxième maison délabrée, juste à côté de la sienne, et de la transformer en résidence d’artiste.

Venez voir
Septembre 2012. Le soleil se couche sur la résidence Alia, ainsi baptisée en hommage à sa douce moitié. La terrasse de cette belle maison aux volets bleus est jonchée de chevalets, de toiles immenses presque achevées, de pots de peinture, de pinceaux. Avant de partir, Michel Pelloille a déposé sa dernière touche à de sublimes œuvres qui explosent de couleurs. Depuis 3 semaines, l’Italien Maoro Bordin et l’Anglais Chris Anthem travaillent et vivent à la résidence. Chacun a trouvé son territoire, séparé de l’autre par un silence respectueux. La journée, ils déposent leurs palettes dans le jardin ou sur la terrasse. Une truite repêchée, l’âne Zaaroura, un oiseau dans une cage deviennent matière à tableaux. À l’heure de l’apéro, entre chien et loup, tout le monde, les Mogabgab inclus, se retrouve pour célébrer la fin de la journée. Et tout le monde est heureux. « Je voudrais, poursuit le galeriste, animer ce lieu. Qu’il devienne une destination pour des gens de qualité. Des plasticiens, des scénaristes, des poètes, des cuisiniers peut-être ! Le plus beau cadeau est cette empreinte, même gustative, qu’ils pourraient laisser derrière eux. Mon but est également d’attirer des gens du monde entier vers une région magnifique. Refaire vivre un endroit, un village trop longtemps ignoré et boudé, et joindre l’utile à l’agréable. Si je peux rendre hommage à notre patrimoine, notre culture, notre pays et notre histoire, pourquoi ne pas le faire de cette façon ? Les tableaux produits portent le “tampon” Aïn Zhalta, souligne-t-il fièrement. Je veux que les Chinois, les Indiens, les Américains parlent de nous ! »


Dans cet « hôtel 5 étoiles » ouvert 7 mois de l’année, « les tricheurs et les frimeurs ne sont pas bienvenus. Venez voir ! » conclut Mogabgab.
À voir aussi, les expositions qui suivront les résidences de ces artistes. La qualité de leur séjour se reflète dans un travail impressionnant de pureté. Aïn Zhalta transposée alors à Beyrouth. Un bonheur différent.

Il est arrivé un peu par accident, beaucoup par sensibilité partagée avec les artistes, dans ce monde où les chiffres démesurés et les marchés surévalués ont un peu altéré les talents de certains et fait perdre la tête aux autres. « Plonger dans l’univers des peintres étrangers m’a permis de respirer, de trouver mes repères lors de mon retour au Liban, avoue-t-il....

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