Rechercher
Rechercher

À La Une - Accrochage

Le rêve éveillé de Rania Moudaress Silva

Pour sa troisième expo individuelle, mais la première à Beyrouth, à la galerie Art Circle (Hamra), Rania Moudaress Silva, digne fille d’un des plus grands peintres syriens (Fateh Moudaress), signe une œuvre picturale, d’une douce mais ferme féminité, entre graphisme soyeux et illustration colorée.

Une œuvre qui parle de rêves.

Des yeux noirs pétillants de vie, une silhouette menue avec foulard beige tout en légèreté autour du cou et une voix fluette et chantante aux intonations damascènes. Des rives du Barada à Beyrouth, une femme syrienne, en dehors du fracas des armes, qui a grandi dans l’art, expose «ses rêves»... Pas tout à fait cotonneux! Et qui ne perd jamais le fil de la réalité, tout en gardant un bon brin de romantisme.
Rania Moudaress Silva (un ajout au nom de famille comme pour marquer l’affection qu’elle porte à son fils de onze ans, né d’une alliance avec un mari portugais dont le grand-père avait le nom de Silva) a de toute évidence l’art dans le sang. De son père d’abord. Sous l’illustre férule de Fateh Moudaress, piano, peinture et création constituent son quotidien et le pain béni de son enfance.
À travers le dessin, c’est en toute spontanéité, comme un chemin tout tracé, qu’elle se dirige «vers le design et les costumes de scène», confie-t-elle.
Pour cela, elle fait des études à l’École supérieure des arts et mode de Paris ainsi qu’à l’American Academy of Fashion and Art, toujours dans la Ville Lumière.
Ses mains sont habiles pour faire des croquis, mais le monde de la mode, qu’elle conçoit en dehors de toute commercialisation (elle rêve de Vivienne Westwood à ses débuts, de Jean-Paul Gaultier hors de l’industrie vestimentaire dans des défilés fantaisie et s’exclame devant la géniale extravagance de John Galliano), la pousse non pas vers les ateliers de couture de prêt-à-porter, mais sous les feux de la rampe du théâtre.
Pour une jeune fille qui dépouillait avec passion Vogue, Elle et Le Figaro («Et ces magazines coûtaient cher à l’époque», dit-elle en riant), la mode est certes un moyen d’expression, mais l’étoffe « parle » tous les jours et change... Elle déclare: «Moi, en ce sens, je suis pour la pièce unique, comme pour un musée...»
D’abord à Lisbonne où elle a vécu un bout de temps, ensuite à Damas même, sa ville d’origine, où elle collabore avec plusieurs dramaturges, acteurs et metteurs en scène. Elle évoque son expérience de costumière de théâtre en se référant à Manuel Gigi, Ghassan Massoud, Abdel Halim Meneem ainsi que l’aventure de la pièce de Tennesse Williams Un tramway nommé désir où elle habille aussi bien Blanche Dubois que le rustre de beau-frère d’une sublime toquée
mythomane...
Outre le design pour une pièce unique, le travail d’illustration et de peinture accompagne toutes ses activités. Elle mène de front plusieurs expos collectives et individuelles. Mais pour ces douze toiles accrochées aujourd’hui sur les cimaises de la galerie Art Circle, un vague hommage à Alfons Mucha, portraits de femmes avec visages mis en valeur, Rania Moudaress Silva explique: «J’ai puisé mon inspiration chez la femme. Astarté comme source de beauté et d’une certaine nature...»
Une défense contre la laideur du béton et d’un environnement de plus en plus fermé... Pour cela le besoin et l’exigence de rêver... Comme un oiseau qui va chercher sa liberté dans l’air, dans le ciel, entre les nuages et les
frondaisons...
En effet, ces toiles parlent de rêve. Celui de ces femmes aux regards dilatés, aux mèches rebelles, aux lèvres entrouvertes, offertes à la vie, à ses désirs, à ses gourmandises. Des femmes aériennes, à la fois diaphanes et sensuelles, avec des branchages et des couronnes de feuilles dans les cheveux, des brindilles d’herbes dans les yeux, l’embrun des vagues sur le corps, des étoiles entre les dents...
Désir de voler et de quêter la beauté partout où elle se trouve, tout comme ces oisillons japonisants (à croire échappés à une estampe japonaise ou au calame d’un maître du papier de riz). Des oisillons qui viennent se poser brusquement au milieu d’une brochette de femmes surprises dans un rêve éveillé... Des femmes qui refusent d’être des machines, des robots, des objets d’un insatiable consumérisme. Tout cela est dit dans un lyrisme au parfum un peu suranné et romantique. En toute délicatesse.

L’exposition de Rania Moudaress Silva se poursuit à la galerie Art Circle jusqu’au 11 octobre.
Des yeux noirs pétillants de vie, une silhouette menue avec foulard beige tout en légèreté autour du cou et une voix fluette et chantante aux intonations damascènes. Des rives du Barada à Beyrouth, une femme syrienne, en dehors du fracas des armes, qui a grandi dans l’art, expose «ses rêves»... Pas tout à fait cotonneux! Et qui ne perd jamais le fil de la réalité, tout en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut