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Diaspora - Portrait

Jack Shaheen, une voix au service des minorités

Depuis 35 ans, Jack Shaheen mène une lutte sans merci visant à dénoncer les stéréotypes et les représentations diabolisant les Arabes dans les médias américains.

Jack Shaheen lutte inlassablement pour améliorer l’image des Arabo-Américains dans les médias US.

Pauline M. KARROUM,
ILLINOIS, ÉTATS-UNIS

Dans le monde des médias et des critiques du cinéma, le nom de Jack Shaheen a fait le tour des États-Unis et du monde. Le parcours de ce Libanais d’origine qui a grandi à Pittsburgh est atypique, pour ne pas dire quasi unique, au sein de la communauté arabo-américaine.
Actuellement professeur émérite de communication à la Southern Illinois University, l’intrépide Jack Shaheen a été consultant pour la chaîne CBS News pour les affaires du Moyen-Orient. Il a participé à plus d’une centaine de conférences et a été invité à intervenir dans des universités telles qu’Oxford, Harvard, University of Southern California, West Point. Il a également participé à des débats à Londres, Berlin, Paris, Prague, New Delhi. Il est consulté dans des émissions célèbres comme Good Morning America, 48 Hours et The Today Show. Shaheen a également collaboré à des séries télévisées telles que The Lucy Show. C’est dire s’il connaît bien le monde des médias!
Ce professeur a reçu par ailleurs plusieurs récompenses, dont le prix Janet Lee Stevens de l’Université de Pennsylvanie, pour sa contribution à une meilleure compréhension des communautés, et le prix du Comité américano-arabe pour son engagement continuel pour la paix.
En bref, son parcours pourrait faire rêver plus d’un, et pourtant les choses n’ont pas du tout été faciles pour lui. Tout commence lorsqu’il publie, au début de sa carrière, des études portant sur l’image des Arabes telle qu’elle est véhiculée par les médias américains. Ses collègues ne comprennent pas, à cette époque, pour quelles raisons un chrétien orthodoxe tient à défendre autant les Arabes et les musulmans. À voir la réaction de nombreux de ses détracteurs, on se dirait que sa cause était presque perdue d’avance...
Le premier article qu’il a écrit sur ce sujet n’a d’ailleurs pas été publié durant trois ans. Des dizaines de lettres de refus fusaient de partout lorsqu’il proposait aux maisons d’édition son livre sur La télévision arabe.

Image négative véhiculée par Hollywood
Mais loin d’être découragé, Jack Shaheen se rappelait cette citation de Martin Luther King Junior: «Le plus grand péché de tous, c’est le silence.» Avant lui, la plupart des membres de la communauté arabo-américaine se contentaient de déplorer l’image négative que renvoit d’eux le cinéma américain. Lui s’est battu pour que son livre La télévision arabe soit publié en 1984. Grâce à cette étude, où plus de 100 différents programmes de divertissement, de dessins animés et de documentaires ont été analysés, on découvre quels sont les clichés les plus répandus contre les individus moyen-orientaux.
Quelques années plus tard, dans un ouvrage intitulé Les stéréotypes arabes et musulmans dans la culture populaire américaine, Shaheen lève le voile sur la manière dont les médias américains décrivent les pays arabes et la religion musulmane. Les Arabes sont des «violeurs», des «fanatiques religieux riches en pétrole» et des «agresseurs». Quant aux femmes, elles sont souvent des «danseuses du ventre». Les études de ce critique de cinéma permettent par ailleurs de savoir quelles sont les sociétés de production américaines qui mènent campagne contre les Arabes. Dans ses divers films, Golan-Globus Productions semble s’accorder un malin plaisir à faire passer des blagues antiarabes, des références et des images contre eux. À titre d’exemple, le film Delta Force qui montre comment un 707 en route pour New York est piraté par des terroristes palestiniens et détourné vers Beyrouth.
Shaheen a par ailleurs le mérite d’avoir étudié des centaines de films produits après le 11 septembre 2001. Dans le livre Coupable: le verdict d’Hollywood sur les Arabes après le 11-Septembre, il montre que les personnages arabes sont généralement les «méchants cheikhs», les «terroristes». Selon lui, la guerre menée contre le terrorisme depuis que les attentats ont été perpétrés contre les États-Unis ne peut être gagnée si ces stéréotypes contre les Arabes ne sont pas combattus. Il invite aussi l’industrie du cinéma à accorder une plus grande place aux Arabo-Américains.
Pour Shaheen, la priorité est aussi à l’amélioration de l’image de la femme arabe au sein du cinéma américain. Or, constate-t-il, «plus ces dernières sont en train d’évoluer, plus Hollywood s’efforce de les garder dans le passé».
Malheureusement, les propositions du critique de cinéma n’aboutissent à aucun résultat. C’est sans doute l’une des raisons qui l’ont poussé à réaliser,en 2006, son documentaire Ces vrais méchants arabes: comment Hollywood avilit un peuple. Tiré de l’un de ses livres, ce documentaire rassemble de nombreux clips qui décortiquent les représentations des Arabes à l’écran. L’un des exemples qu’il donne porte sur des «pirates», tués par dizaines dans le film et souvent décrits comme non seulement dangereux, mais incompétents.
En gros, constate Shaheen, «on ne peut dénombrer que douze films qui reflètent une image positive de notre communauté». Parmi ces films, les plus récents sont Three Kings, Paradise Now et Kingdom of Heaven.
Malgré ce bilan, Shaheen se veut optimiste. La communauté arabo-américaine, dit-il, en particulier les jeunes et les universitaires sont conscients de ces problèmes et travaillent à briser les mythes de la culture pop. Ils veulent aussi stopper le barrage sans fin de cette haine.
Pas de doute, leur combat s’annonce plus que rude...
Pauline M. KARROUM,ILLINOIS, ÉTATS-UNIS Dans le monde des médias et des critiques du cinéma, le nom de Jack Shaheen a fait le tour des États-Unis et du monde. Le parcours de ce Libanais d’origine qui a grandi à Pittsburgh est atypique, pour ne pas dire quasi unique, au sein de la communauté arabo-américaine. Actuellement professeur émérite de communication à la Southern Illinois...