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À La Une - Un peu plus de...

Fils de...

On ne reprochera jamais à un fils de boucher de devenir boucher. Ni à un avocat de reprendre le cabinet de papa, ni à une pédiatre d’avoir suivi la même formation que sa mère ou à un chef d’entreprise familiale de céder ses parts à ses gosses. Évidemment, il se peut fort probablement que le gosse en question soit un sale morveux incapable d’accomplir autre chose que de dépenser l’argent de la famille, mais là, on compte sur le paternel pour ne pas lui donner certaines prérogatives et/ou le déshériter. Parce que, après tout, l’argent de papa, c’est celui de papa. Et la vie de papa, c’est celle de papa.
Sauf que voilà. Quand on naît, grandit, évolue dans un environnement, il est difficile d’en sortir. À moins que le désir de contredire ou de se rebeller soit plus fort que l’identification. Papa est médecin, on sera acteur, etc. Mais sinon, on aime bien suivre une lignée. On est chirurgien de grand-père en petit-fils. C’est rassurant. Avocat depuis un siècle, c’est rassurant... Chanteur de père/mère en frères et sœurs ou politicien de génération en génération. Oui, mais là, c’est pas pareil. Cette succession-là suscite les commentaires, les moqueries, la jalousie. Pistonnés? Grand capital de départ ? Fils à papa plutôt que fils de papa ? S’il y a talent, la placé est légitime. S’il n’y en a pas, il faut savoir « se retirer à temps ». L’héritage est honoré. Les tentatives ne sont pas souvent fructueuses. Problème d’Œdipe non résolu peut-être. Wen bayyo, wen houwwé ? Mais quand on baigne dans la musique, il est difficile de ne pas vouloir gratter sa guitare ou pianoter à des heures perdues. Idem pour le cinéma. Les premiers balbutiements sont des dialogues, et la vie de famille une belle mise en scène. Silence, on tourne. Une vie d’artiste, ça ne s’oublie pas. Ça chante à la maison, ça porte des costumes. Papa s’appelle Marcello Mastroianni, maman est la Deneuve. Papa, c’est Gainsbarre. Maman, c’est Birkin. Dutronc, Hardy et Thomas, Sinatra et Nancy, Francis Ford et Sophia Coppola, Kirk et Michael, Andrée, Louis et Mathieu Chédid. Ils jouent, imitent, réalisent, chantent, se plantent souvent, réussissent parfois. Ça a marché pour ceux-là. Ils ont réussi à s’imposer petit à petit, mais rarement réussi à dépasser le père/la mère ou les deux. Trouver sa place et la mériter était d’autant plus difficile qu’ils devaient prouver qu’ils ont du talent. N’est pas Vincent Cassel ou Norah Jones (Ravi Shankar) qui veut. On a beau être le fils de Delon et avoir à l’instar de son papa une belle gueule ; à part quelques apparitions furtives au cinéma, on n’aura jamais rien fait de plus glorieux que de se taper Steph de Monac’...
Dans un autre registre de successions controversées, il y a les dynasties. Les grandes familles de musiciens ou d’artistes, et surtout les dynasties légendaires politiques. Une des plus importantes : les Kennedy. On les a idolâtrés, admirés, enviés. Un président, un frère, un sénateur, une belle-sœur, une nièce. Une grande famille politique, genre les Ewing sans le stetson. Il y a aussi la version libanaise : les Gemayel, les Joumblatt, les Frangié et aujourd’hui les Hariri. Plusieurs générations où certains membres avaient définitivement leur place, et d’autres pas du tout. S’imposer face au père, le dépasser, devenir président, ne pas réussir à sortir de derrière l’image. Trop imposante, trop symbolique. Sauf si le père était là, on ne sait pourquoi. Facile quand le père a été incapable de faire ses marques. Mais est-ce légitime ? Le féodalisme a-t-il le droit d’être encore de rigueur ? Si le fils est à la hauteur du père ou gardien de sa pensée, alors oui. Et pourquoi pas ? Pourquoi refuser un destin baigné de discours, de drapeaux et de patriotisme ? Pourquoi ne pas essayer de suivre les pas d’un père, lâchant enfin et au passage son Œdipe, et assumer son devoir moral et spirituel d’héritier en faisant fi de ceux qui jugeront ? C’est exactement la même chose pour un fils d’artiste ou de politicien que pour un fils d’avocat qui chaque matin voyait son père endosser sa grande robe noire. Il y a bien eu Martine Aubry et Jacques Delors, Marine et Jean-Marie (sic). N’aime-t-on pas Felipe et Juan Carlos, Charles et Élisabeth ? Et puis, être un fils de, ça remonte à la nuit des temps. Abraham, fils de Sem, fils de Noé. Jésus... fils de Dieu. « Luke, I’m your father ». Darth Vader.
On ne reprochera jamais à un fils de boucher de devenir boucher. Ni à un avocat de reprendre le cabinet de papa, ni à une pédiatre d’avoir suivi la même formation que sa mère ou à un chef d’entreprise familiale de céder ses parts à ses gosses. Évidemment, il se peut fort probablement que le gosse en question soit un sale morveux incapable d’accomplir autre chose que de...

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