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Culture - Festival de Beiteddine

Caracalla revisite fastueusement les contes d’Orient

Comme un livre de contes ouvert, « Kan ya ma kan » (Il était une fois) d’Ivan et Alissar Caracalla reviste l’imagerie et l’imaginaire des contes d’Orient pour inaugurer la vingt-septième édition de ce festival.

«Dabké» endiablée qui enflamme les planches. Press Photo

Remake de trois tableaux aux mouvances entre magnificence costumière et danses, mêlant pas modernes, sensualité et esprit de folklore. Un divertissant cocktail d’une féerie éminemment «caracallienne».
Le palais des Eaux a ouvert ses portes, grandes et petites, livré ses «mandalouns», sa façade, ses escaliers et ses colonnettes pour servir d’écrin au harem de Schéhérazade. Prolongement de la scène dans un cadre levantin princier pour une narration aux abords d’une fantasia orientale. Au-dessus de la fosse où l’Orchestre philharmonique libanais officie sous la houlette de Harout Fazlian, dans un décor cossu, presque tiré des toiles d’un peintre orientaliste (Cogniet, Gérôme, Lewis ou Rosati), évoluent des danseurs ruisselant de tulle, de brocarts, de plumes et de tiares emperlées. Sur la partition de Rimsky-Korsakov, avec l’intrépide incursion de coulées de «kanoun» et des trémolos de «oud», la princesse au verbe d’or offre le luxe, la volupté et le velours d’un univers mythique où battements de cœur et menace de mort ont toujours le beau rôle... Et ceci devant un vieux roi titubant de fatigue qui applaudit les danseurs avant même qu’ils ne finissent leurs savantes circonvolutions.
Dans un tourbillon de mouvements, entre entrechat, pirouettes, culbutes, grand écart, effets d’épaules nues, couleuses de nombrils bras sinueux comme un serpent, mains à l’envol de colombes et déhanchements, le canevas d’une histoire de sérail est tracée et la trame est nouée à travers la trahison d’une sultane, cause d’une hécatombe...
Pour le second tableau, le Bolero de Ravel, lui aussi sous cadence et couleurs orientales pour ses pulsations obsessionnelles, est la voie royale pour un marché persan où, comme marchandise exquise, on expose la beauté des femmes... Pour pimenter l’histoire de ce marchand, un bonimenteur qui joue de l’illusion et des désirs des hommes en exposant une sorcière hideuse. Subterfuge qu’on ne découvre qu’en fin de tableau. Tous ceux qui ont connu la torride sensualité de Béjart dans cette œuvre de Ravel ne trouveront ici qu’un ensemble de trémoussements, certes charmants, mais loin de semer le trouble dans l’âme et mettre le feu à l’esprit.
Pour conclure, d’une fidélité de métronome, Caracalla propose la danse au village. Superbe projection d’abord d’un village pour duplicata touristique, telle une toile de la Renaissance, marquant dans cet amalgame de «dar» libanais aux tuiles rouges l’influence d’une architecture florentino-vénitienne. Et suivent, à travers Hoda, Joseph Azar et Simon Obeid, les «mouwals» et les «of-of», soupir de plaisir et d’appel à la convivialité, avant que la 3ala dalou3ana n’enflamme les planches par des «dabkés» endiablées et levées en mitraille par des talons qui martèlent le sol et dont le chahut résonne jusqu’au fin fond du firmament du Chouf. Et arrive, «masbaha» en main, cavalier noir et bottes dorées, Omar Caracalla pour quelques bonds vivement applaudis.
Ivan et Alissar Caracalla, pour leur première aventure sans la tutelle paternelle, signent un travail bien ficelé, mais encore sans grande indépendance. On salue le regard méticuleux et le sens du détail «zifferélien» d’Ivan dans la mise en scène – parfois surchargée par des projections à la soldatesque inutile ou des fleurettes kitsch scrupuleusement surveillées – et on apprécie les quelques nouveautés de chorégraphie apportées par Alissar pour la netteté de la danse et de la souplesse des pas «lifariens» et «nijinskiens» d’une Schéhérazade dont les protagonistes se meuvent avec la gracile beauté d’un dessin de Beardsley.
La part belle aussi pour l’aspect technique et moderne des projections (scénographie virtuelle de Sergio Metalli et éclairage de Gianfranco Staropoli), sans oublier l’apport des arrangements musicaux de Reza Aligholi. Et, pour terminer, une fois de plus, le dé d’or à Abdel Halim Caracalla dont les costumes, plus beaux que jamais, sont à eux seuls un vrai enchantement et un bijou d’agencement de couleurs et de matériaux respirant les quatre points cardinaux, comme la joyeuse mélodie de toutes les musiques du monde.
Remake de trois tableaux aux mouvances entre magnificence costumière et danses, mêlant pas modernes, sensualité et esprit de folklore. Un divertissant cocktail d’une féerie éminemment «caracallienne».Le palais des Eaux a ouvert ses portes, grandes et petites, livré ses «mandalouns», sa façade, ses escaliers et ses colonnettes pour servir d’écrin au harem de...

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