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Culture - liban

Trente chefs-d’œuvre de Khalil Saleeby dévoilés au public

« Je me sens comme un père qui escorte sa fille jusqu’à l’autel. » C’est avec cette phrase chargée de sens et de sensibilité que Samir Saleeby a accompagné sa généreuse donation à l’AUB, une collection d’œuvres d’art inestimable de 60 pièces, la « Rose and Shaheen Saleeby collection », dont une partie, 30 chefs-d’œuvre de Khalil Saleeby (1870-1928), est exposée aujourd’hui à l’AUB Art Gallery, rue Sidani, Hamra.

Le collectionneur et généreux donateur Samir Saleeby devant un autoportrait du peintre Khalil Saleeby.

Ophtalmologue de renom, Samir Saleeby a fait don à l’Université américaine de Beyrouth, en novembre 2011, de la collection familiale, entamée il y a 80 ans par ses parents, Rose et Shaheen, puis entretenue et nourrie par ses propres soins. Cinquante-sept toiles et huit croquis sur papier, par les plus grands noms de l’art libanais comme Omar Ounsi, Saliba Douaihy, Cesar Gemayel et Khalil Saleeby, cet ancêtre peintre pionnier de l’art impressionniste, mais aussi des œuvres plus récentes de Haïdar Hamaoui, Chucrallah Taffouh et Robert Khoury, ont été ainsi remis aux bons soins de l’institution académique qui s’est engagée à « préserver et à promouvoir cette collection, la rendant accessible aux étudiants, aux chercheurs, au grand public, mais aussi au monde arabe et à la communauté internationale », comme l’a noté son président, Peter Dorman.
« Son œuvre est emblématique de la naissance de l’art moderne au Liban, précise Octavian Esanu, récemment désigné comme curateur du musée de l’AUB. L’historien de l’art, qui occupe également une fonction académique au sein du département des beaux-arts et de l’histoire de l’art, bénéficie d’une large expérience internationale acquise aux États-Unis, au Pays-Bas et en Moldavie, d’où il est originaire. Éditeur associé et collaborateur des publications d’art ARTMargins et Umelec, il a été par ailleurs le curateur du Gesellschaft Fur Aktuelle Kunst à Brême, en Allemagne, et à l’Académie Jan Van Eyck, à Maastricht, aux Pays-Bas. Avant d’achever son doctorat à l’Université de Duke, il a été le directeur et fondateur du Centre Soros pour l’art contemporain, à Chisinau, en Moldavie. Esanu ne cache pas son admiration devant les œuvres de « grande qualité » de Saleeby. « Il fait partie de cette première génération de peintres qui ont contribué d’une manière substantielle à l’émergence de l’art en tant que profession à part entière. Appelés le plus souvent “mousawwirin” (faiseurs ou preneurs d’images) ou tout simplement “rassamoun” (dessinateurs ou peintres), les membres de cette génération-là ont été les pionniers d’une profession à une époque où la région subissait de grands chamboulements historiques, mais aussi sociaux, politiques et économiques. Cette exposition dévoile des traces de ces transformations radicales. »
Le curateur décèle et met en exergue trois tendances dans la collection Saleeby. « L’observateur ne manquera pas de constater, à travers les portraits et les corps, la nature tendre et fusionnelle de la relation entre Khalil Saleeby et sa femme Carrie Aude, sa muse absolue. Deuxièmement, il s’agit de souligner, dans cette exposition, le thème du nu que l’artiste a produit à une époque où ce genre était très controversé. Et, finalement, une série de portraits – le genre le plus représenté dans cette collection – illustre des gens ordinaires comme des personnages de la haute société. »
Khalil Saleeby est considéré comme étant l’un des précurseurs de l’art moderne au Liban. Né à Btalloun, Saleeby a fait ses études au Syrian Protestant College (aujourd’hui AUB). En 1890, il part à l’étranger pour perfectionner ses techniques artistiques. Il passera ainsi une dizaine d’années à étudier, travailler et exposer à Édimbourg, Paris, aux États-Unis et à Londres. Il a côtoyé John Singer Sargent, Pierre Cecile Puvis de Chavannes et Pierre Auguste Renoir, qui l’ont tous influencé d’une certaine manière. De retour au Liban, il installe son atelier dans un petit studio rue Bliss et se fait un nom en qualité de portraitiste. Mais son œuvre comprend également un bon nombre de paysages, de nus et de scènes de genre. « Cela indique une transition notoire entre le genre académique du XIXe siècle au modernisme du XXe siècle qui met en valeur la matérialité du médium », précise Esanu.
Saleeby est notamment réputé pour ses portraits et l’intérêt qu’il porte à l’anatomie humaine. Le peintre et son épouse américaine ont connu une mort tragique au Liban, provoquée par une dispute avec leurs voisins concernant l’accès à l’eau.
Restaurés par les bons soins de Lucia Scalsi, experte en conservation et restauration, ancien conservateur adjoint du musée Victoria et Albert de Londres, les chefs-d’œuvre de Saleeby sont à présent à la portée de tout un chacun, après avoir été abrités durant plus de 80 ans dans le cocon familial. Il faut cependant signaler que quatre toiles majeures manquent à l’appel. Les quatre nus de Saleeby, dont vous voyez ici des photocopies en noir et blanc, sont actuellement exposées à l’Institut du monde arabe, à Paris, dans le cadre de la manifestation intitulée « Le corps découvert ». « Elles regagneront le bercail à la mi-juillet », rappelle le curateur.
La galerie d’art de l’AUB accueillera des expositions en provenance de l’ensemble des pays de la région. Les premières concerneront les collections d’éminents artistes libanais du début et de la moitié du vingtième siècle.
« La galerie est un espace provisoire créé dans l’attente de l’édification d’un important musée d’art moderne à l’université qui sera baptisé, une fois les travaux achevés en 2020, le “Musée Rose et Shaheen Saleeby”, en hommage aux parents du donateur, le Dr Samir Saleeby », avait annoncé le président Dorman en ajoutant que l’institution était « extrêmement reconnaissante envers Dr Samir Saleeby pour ce don visionnaire ».


* Jusqu’à fin décembre 2012, à l’AUB Art Gallery (l’immeuble abritant les dortoirs des femmes en dehors du campus), rue Sidani, Hamra, Beyrouth. De mardi à samedi, de 10h à 16h.
Ophtalmologue de renom, Samir Saleeby a fait don à l’Université américaine de Beyrouth, en novembre 2011, de la collection familiale, entamée il y a 80 ans par ses parents, Rose et Shaheen, puis entretenue et nourrie par ses propres soins. Cinquante-sept toiles et huit croquis sur papier, par les plus grands noms de l’art libanais comme Omar Ounsi, Saliba Douaihy, Cesar Gemayel et Khalil...

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