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Économie - Éclairage

Face à la crise, Espagnols et Portugais émigrent à nouveau vers la France

En proie à une précarité croissante dans leur pays durement frappés par la crise économique, Portugais et Espagnols ont retrouvé le chemin de l’émigration vers le sud-ouest de la France, emprunté avant eux par plusieurs vagues de migrants de la péninsule ibérique.


Alves Martinho, Portugais de 27 ans, à la tête d’une entreprise de maçonnerie à Bayonne depuis 2003, en témoigne : depuis janvier, pas un jour ne passe sans que des compatriotes ne l’appellent pour lui demander s’il a du travail. « Beaucoup d’appels viennent de Portugais qui travaillaient auparavant en Espagne », raconte-t-il. Face à un taux de chômage espagnol record dans l’OCDE de 24 %, ces migrants portugais se tournent vers la France, car dans leur pays, où le chômage frise 15 % et le salaire minimum plafonne à 432 euros, « ils ne s’en sortent pas ».

 

Silvia Gonçalves, infirmière de 22 ans, se désole de ne « pas avoir eu d’autre choix » que de quitter en mars sa famille à Coimbra (centre du Portugal) pour travailler dans une maison de retraite bordelaise et échapper à un salaire équivalant à 4 euros/heure. Vanessa Leal, 39 ans, muséologue, a saisi l’occasion d’une bourse européenne de formation pour « tenter sa chance » à Bordeaux après avoir enchaîné les contrats précaires à Lisbonne.


« Il y a 40 ans, les Portugais qui migraient n’avaient aucune qualification. Aujourd’hui, tout le monde émigre », analyse Ana-Maria Torres, conseillère municipale de Bordeaux, déléguée aux relations avec la péninsule ibérique. Selon elle, la France – par rapport au Brésil, à l’Angola ou le Royaume-Uni notamment – a l’avantage « d’être plus proche et de coûter moins cher en voyage », en particulier pour les travailleurs du nord du pays, traditionnellement implantés dans le Sud-Ouest où la solidarité familiale et associative fonctionne.


Selon les estimations de l’Observatoire de l’émigration, au Portugal, la France est historiquement le premier pays d’accueil. Sur la décennie 2000-2010, elle a reçu 580 000 Portugais, devant le Brésil (213 000) et les USA (191 800). Depuis 2011, cette tendance est repartie à la hausse. Au consulat du Portugal à Bordeaux, on indique avoir « conscience d’une augmentation des arrivées dans le Sud-Ouest », évoquant une émigration d’abord temporaire. Le consulat a rouvert une permanence à Bayonne pour faciliter les démarches.


À Pau, au consulat d’Espagne, où le solde migratoire est devenu en 2011 négatif, avec 62 611 départs d’Espagnols selon des données officielles, on constate « une augmentation des demandes de renseignements sur les opportunités d’emplois ». « On ne peut pas parler de flux migratoires, c’est encore réduit », mais « les Espagnols, traditionnellement attachés à leur pays, font des allers-retours », profitant de la proximité géographique.


Pedro Luis Marin Babon, boucher de 35 ans, fait depuis l’an dernier de tels allers-retours entre Valladolid (nord de l’Espagne) et Bayonne. « En Espagne, les conditions de travail sont très mauvaises : je gagnais l’an dernier 1 200 euros pour 55 heures par semaine, c’est à pleurer ! Cette année, on m’a proposé 1 000 euros », raconte-t-il. En France, il perçoit environ 1 300 euros pour 35 heures. « Ici on peut gagner un peu pour vivre dignement », dit-il, évoquant le poids de son crédit immobilier. « Nombre de Portugais cherchant à travailler en France se sont endettés avec des crédits immobiliers ou à la consommation », constate aussi Mme Torres. « Ils sont pris à la gorge », confirme l’entrepreneur Martinho.


Au Portugal, au moins 50 000 départs ont été enregistrés en 2011, une estimation qui, si elle s’amplifie, le rapprochera de la vague d’immigration massive des années 1960-1970 où 1,5 million de Portugais avaient quitté le pays.

En proie à une précarité croissante dans leur pays durement frappés par la crise économique, Portugais et Espagnols ont retrouvé le chemin de l’émigration vers le sud-ouest de la France, emprunté avant eux par plusieurs vagues de migrants de la péninsule ibérique.
Alves Martinho, Portugais de 27 ans, à la tête d’une entreprise de maçonnerie à Bayonne depuis 2003, en...

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