Ghassan Tuéni est décédé aujourd'hui vendredi à l’âge de 86 ans. Avec sa mort, le Liban perd un grand journaliste, un diplomate et un homme politique dont le parcours a traversé l'histoire du pays du cèdre.
Né en 1926 et doté d’une personnalité exceptionnelle, Ghassan Tuéni fut député à 25 ans. Il a également occupé plusieurs fonctions ministérielles et diplomatiques : il fut notamment ambassadeur du Liban en Grèce puis à l'ONU où il côtoya les grands de ce monde.
Il est considéré comme le principal artisan de la résolution 425 du Conseil de sécurité en 1978 qui a appelé Israël à retirer ses troupes après son invasion du sud du Liban, et qui ne se matérialisera qu'en 2000.
Propriétaire et ancien patron du journal à grand tirage an-Nahar, Ghassan Tuéni fut également PDG de L'Orient-Le Jour.
Surnommé le "doyen des journalistes libanais", Ghassan Tuéni est l'auteur de plusieurs ouvrages en arabe et en français, dont "Une guerre pour les autres" (1985) sur la guerre civile au Liban.
Si sa vie fut passionnante et parsemée de défis, elle fut également jonchée de drames. Ghassan Tuéni a perdu son fils aîné et député Gebran dans un attentat près de Beyrouth en décembre 2005 après le retrait des troupes syriennes du Liban.
Lors des funérailles de Gebran, anti-syrien notoire, suivies par des milliers de Libanais, il avait appelé au pardon, dans un Liban en proie alors aux divisions sectaires et secoué par de nombreux assassinats d’hommes politiques et de journalistes hostiles au régime de Damas. Ghassan Tuéni occupera par la suite la place de son fils assassiné dans l’hémicycle.
La mort de Gebran venait s'ajouter à celle de sa première fille Nayla, décédée en bas âge, de son autre fils, Makram, tué dans un accident de la route alors qu’il poursuivait ses études à Paris, et de celle de Nadia Hamadé, sa première épouse issue d’une grande famille druze et décédée des suites d'une longue maladie.
Ghassan avait pris en secondes noces Chadia el-Khazen.
Aujourd'hui, la petite fille de Ghassan Tuéni, la députée Nayla Tuéni, a déclaré à la MTV : "Ghassan Tuéni nous a appris comment être forts et comment être une famille. An-Nahar continuera son chemin".
Diplômé en philosophie de l'université américaine de Beyrouth (AUB) en 1945 et détenteur d’une maîtrise en sciences politiques de l'université de Harvard en 1946, il a enseigné les sciences politiques en tant que maître de conférences à l'AUB entre 1947 et 1948.
Il a été salué par le journal Le Monde comme étant un "modèle d'indépendance dans une presse arabe souvent inféodée aux Etats ou aux partis politiques".
Plusieurs responsables politiques ont exprimé leurs regrets après l'annonce de la disparition de M. Tuéni.
Le Premier ministre Nagib Mikati a déclaré que le Liban a perdu un "véritable symbole national qui a défendu le pays sur la scène internationale". Le président de la Chambre a lui aussi présenté ses condoléances.
Pour sa part, le ministre de l'Information Walid Daouk a rendu hommage, sur son compte Twitter, au "battant" et à "l'un des grand hommes qui a fait parvenir la voix du Liban à l'ONU et aux tribunes auxquelles il a eu accès".
Le président des Kataëb, Amine Gemayel, a de son côté déclaré à la Voix du Liban (100.5) que la région arabe ainsi que le monde entier ont perdu "un homme très important."
"Paix à ton âme, Ghassan Tuéni. Aujourd'hui nous avons perdu une grande personnalité. Il était le dernier d'une génération qui a beaucoup donné à ce pays", a twitté pour sa part le député Samy Gemayel.
"C'est un des derniers grands champions de la liberté de presse au Liban et dans le monde arabe qui disparaît", a affirmé à l'AFP Marwan Hamadé, député et beau-frère du défunt. "Il a fait d'an-Nahar le plus grand journal indépendant du monde arabe à l'heure où personne n'osait en dehors du Liban écrire deux lignes qui ne soient à la gloire des dirigeants et des autocrates", a-t-il ajouté.
"La liberté ne mourra pas et an-Nahar ne mourra pas", a déclaré l'ancien Premier ministre Saad Hariri.
Dans l'après-midi, François Hollande a également salué la mémoire de M. Tuéni. "Je tiens à saluer la mémoire de ce très grand journaliste et diplomate libanais, dont l'exigence intellectuelle et le professionnalisme étaient reconnus et appréciés de tous bien au-delà du Liban, comme en témoigne le succès du quotidien An-Nahar, dont il aura contribué à faire l'une des plus belles réussites de la presse quotidienne arabe de ces dernières décennies", écrit le président français dans un communiqué de l'Elysée.
"Malgré les épreuves qui ont tragiquement marqué sa famille, Ghassan Tuéni était resté un homme libre faisant en sorte que son rôle reste celui d'un citoyen engagé au service d'un Liban réconcilié avec lui-même et démocratique", poursuit-il.
Le chef de la diplomatie française, Laurent Faibus, a lui aussi fait part de son "émotion" et de sa "tristesse" après avoir appris la disparition du grand journaliste.
Les funérailles de Ghassan Tueni auront lieu samedi à 12h en la cathédrale Saint-Georges des Grecs-orthodoxes dans le centre-ville de Beyrouth. Les condoléances seront reçues dès aujourd'hui à l'église Saint-Nicolas, à Achrafieh.
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commentaires (21)
C'était un grand homme. Il le restera. il a participé à l'histoire du Liban.
Pierre KHABOUT
12 h 22, le 08 juin 2012