Plutôt qu’une parabole de l’exploitation de l’homme par l’homme, des Noirs par les Blancs et du Sud par le Nord, via le tourisme sexuel sur les plages de Mombasa, ce premier volet d’une trilogie à venir s’intitule justement Amour – car c’est bien de ce manque qu’il s’agit en pointillé derrière le sexe tarifé qui ne dit pas son nom. On ne parle d’ailleurs pas d’argent le premier soir. Chez Seidl, ce sont les femmes quinquagénaires de bon poids qui viennent trousser la chair fraîche des beach boys africains : des « Sugar Mamas » vanille-fraise en bikini sous le soleil brûlant, qui, au prétexte de caresses, cherchent d’abord la douceur et l’affection que leur monde leur refuse à domicile. « Regarde-moi dans les yeux », supplie Teresa face à son jeune amant en lui expliquant comment la toucher : « Ne pince pas. Il faut de la tendresse. »
« J’ai essayé de montrer la réalité la plus honnête possible : des femmes d’un certain âge qui essaient d’échapper à la solitude. Et qui demandent de la tendresse au-delà du rapport sexuel, a justifié Ulrich Seidl en conférence de presse. Alors oui, ici des femmes riches s’offrent un voyage pour aller exploiter de jeunes Africains. Mais la relation homme-femme est toujours problématique dans la vie, qu’elle soit sexuelle ou affective, qui qu’on soit on trouve l’amour et on le perd. »
Le réalisateur viennois, qui les a cherchées pendant plus d’un an, a pu compter sur un volant de comédiennes admirables, castées en maillot de bain et sans fard, déshabillées pour lui face à la caméra.
Margarethe Tiesel, dans le rôle principal de Teresa – chaleureusement applaudie pour sa performance –, a convenu hier que jouer nue, chair blanche contre peau noire devant l’objectif, avait constitué une réelle épreuve. « Ça exige un certain dépassement de soi, de sortir de sa zone de confort », a-t-elle souri.
Pour elle, ces femmes blanches se mettent même en danger en venant chercher chez leurs jeunes amants autre chose que du sexe : « Le risque est fort de repartir déçue. » « Sugar Mama » régulière et enthousiaste dans le film, l’actrice Inge Maux a rencontré « une veuve qui s’est offert un voyage au Kenya pour se consoler » après la mort de son mari, a-t-elle raconté : « J’ai compris que pour elle, ce qui se passait (pendant ces vacances) au Kenya, c’était un cadeau. » Son personnage a offert une moto à son amant régulier. Dans la réalité, assure-t-elle, « certaines offrent une, voire deux maisons à leur beach boy. Elles paient pour l’éducation des enfants... Ensuite, elles repartent et se retrouvent de nouveau seules » chez elles.
Coscénariste du film avec Seidl, Veronika Franz s’est rendue plusieurs fois sur place en Afrique et a entremêlé plusieurs de ces histoires pour construire ses personnages – aux acteurs ensuite d’improviser sur le tournage, sans scénario ni dialogue, selon la « méthode Seidl ».
Seul représentant du casting kényan à Cannes, l’acteur Peter Kazungu – arrivé juste à temps à Cannes, sans avoir vu le film monté – a d’ailleurs jugé que « c’est bien plus dégoûtant quand il s’agit de vieux Blancs qui vont d’une jeune fille kényane à l’autre ».
(Source : AFP)
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Antoine-Serge KARAMAOUN
13 h 45, le 19 mai 2012