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Culture - Théâtre

« Ya ma kan » ou quand la mémoire s’effrite et la maison demeure

Le théâtre Tournesol accueille ce soir, et pour la dernière fois, la pièce « Ya ma kan », une coproduction libano-tunisienne où le temps défie le lieu et les souvenirs flirtent avec un futur très incertain. Le spectateur passe, lui, de l’éclat de rire à l’émotion la plus intense.

C’est dans une cohésion millimétrée que les six personnages évoluent, comme s’ils faisaient partie de la mécanique d’une montre.

Il est trois heures du matin dans une vielle maison libanaise, et dans deux heures, les nouveaux propriétaires doivent arriver. Il est trois heures du matin et trois frères, leur petite sœur, leur cousine et leur grand-mère sont plus déterminés que jamais à ne pas abandonner les lieux. Mais plus l’heure avance, et plus cette détermination tangue, vacille et trébuche.
Jouée sur les planches du théâtre Tournesol, Ya ma kan est le fruit de la rencontre improbable entre le metteur en scène tunisien, Wahid Ajmi, et l’actrice libanaise, Yara Haïdar, qui, ensemble, ont eu envie d’explorer de nouveaux sentiers et rythmes théâtraux et ont coécrit la pièce.
Pas de coulisses, pas de rideau, les six personnages occupent en continu la scène une heure et demie durant. Parmi eux, cinq jeunes acteurs débordant de vitalité et une moins jeune actrice – qu’il n’y a plus lieu de présenter –, Hanane Hajj Ali, qui interprète avec brio le rôle de la grand-mère, amnésique à ses heures, mais qui n’a rien perdu de sa finesse d’esprit et qui mène toute la petite troupe au pas.
En duo, en solo ou tous ensemble, c’est dans une cohésion millimétrée que les six personnages se déplacent, comme s’ils faisaient partie de la mécanique d’une montre, où chaque geste est lié aux autres, s’enchaînant dans une sorte de danse des mouvements. Les acteurs s’emparent à la perfection du rôle que leur a dessiné Wahid Ajmi, flirtant entre le personnage de bande dessinée pour les couleurs des costumes, la fraîcheur des répliques, et celui d’un acteur de cinéma pour l’interprétation éloignée de toute dramatisation et visuellement proche des clichés photographiques.
Et pourtant, c’est un retour vers le théâtre dans sa forme la plus « épurée » que revendique Wahid Ajmi. Un théâtre qui n’ait pas recours aux nouvelles technologies, à l’audiovisuel ou à des décors rocambolesques. La scène noire est entièrement vide, à l’exception du fauteuil dans lequel se déplace la vieille grand-mère et de six caisses en bois blanches que les acteurs déplacent à leur guise et qui renferment tantôt un foulard, tantôt des vieilles photos... Des petits objets sans importance à première vue, mais qui portent la mémoire d’une maison et de trois générations.
La mémoire, voilà le cœur de l’histoire. Une mémoire criblée de balles, dans lesquelles tout le monde tombe, comme des trous de mémoire. Mais ces trous deviennent aussi un jeu, qu’on creuse là où ça arrange, comme la mémoire sélective de ce pays où tout le monde manipule tout le monde. Et la grand-mère qui en est le principal syndrome le transmet merveilleusement bien à la troisième génération de ses petits-enfants.
Après plusieurs représentations en mars, Ya ma kan est jouée une dernière fois sur les planches du théâtre Tournesol aujourd’hui et au centre culturel Maarouf Saad à Saïda le 19 mai. « Les profits de ces deux dernières représentations iront aux familles des prisonniers en grève de la faim dont s’occupe l’association Amaa’ al-khawiya (les ventres creux) », dit Hanane Hajj Ali.
Il est trois heures du matin dans une vielle maison libanaise, et dans deux heures, les nouveaux propriétaires doivent arriver. Il est trois heures du matin et trois frères, leur petite sœur, leur cousine et leur grand-mère sont plus déterminés que jamais à ne pas abandonner les lieux. Mais plus l’heure avance, et plus cette détermination tangue, vacille et trébuche. Jouée...

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