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Culture - Spectacle

Il y a du Prévert dans l’air...

Le vert paradis des amours, des souvenirs de l’enfance sur les planches du théâtre Gulbenkian à la LAU. Sous la férule de Lina Abiad, cheveux roux à la Angela Davis et grosses bagues de Pétrone aux doigts, élèves et étudiants ont retrouvé, dans une création collective, sous le titre « Fantasia opus 3 », les mots et la fraîcheur de la prime jeunesse.

Véritable hommage à l’enfance que cette fantaisie ondoyante et virevoltante sur les airs et la nostalgique complainte de l’accordéon d’Amélie Poulain. Photo Sami Ayad

Edgar DAVIDIAN

 

Il y avait ce soir-là, sous les draperies du chapiteau, du Prévert dans l’air...
La salle est rognée de trois rangées de sièges. Les draperies qui pendouillent du plafond comme les auvents pour une fête foraine, avec leurs lampions-lanternes chinois en papier, invitent en toute clarté et joie à un anniversaire à la Grand Meaulnes. Magie des lieux et des personnages où couleurs gaies et points de lumière sont une réplique vivante aux mots reconstitués de l’enfance. Poussez la porte des mots et vous entendrez sonner les cloches du réel.
Humour, rêverie, drôlerie, jeux innocents et puérils, craintes de galopins, tentative de séduction de gamines à peine sorties de l’œuf, voilà la festive farandole de cette amusante et charmante virée du côté des souvenirs. Souvenirs de ceux et celles qui n’ont pas encore quitté les habits des petits et qui s’apprêtent, en toute voracité, à endosser ceux de l’âge adulte.
De l’école aux punitions pour un maintien social « acceptable » en passant par les contes qui font peur, les admonestations des adultes, la tendresse trop couveuse des parents, les tentatives de s’emparer d’une liberté convoitée, le besoin de se tranquilliser et de calmer les angoisses, cette ribambelle de jeunots est, sur l’aire scénique (dessinée en un vaste damier), comme dans une cour de recréation.
Et vogue, entre Beyrouth en guerre et moments de délassement, le flot de la vie avec son impérieux courant de rêves, d’amours, de confidences, de complicité, de lutte pour un bonheur toujours à trouver et à garder.
Avec des mots simples, facétieux, sonores et d’une confondante candeur, cette ronde a des allures de comptine orientale où les enfants se lâchent et s’éclatent, tout à la joie d’un public absolument consentant à cette invitation à revivre le passé et les premières découvertes de la vie.
On salue la beauté des costumes, tels dans un conte de fées, avec le froufrou de leurs étoffes et le tombé de leurs tissus, avec manches bouffantes, tailles fines, gaze vaporeuse ou traînes où trônent des villages perdus avec maisonnettes de lilliputiens. Images finement colorées, parfois fugaces visions « felliniennes », tel ce cortège de femmes en rouge vif avec ombrelles japonisantes et lanières aux poignets comme un constant rappel à garder les pieds sur terre. Sans oublier cette désopilante séquence des parents en tenue de lit très XIXe siècle, téléphone à l’oreille (boîte en carton reliée à un fil, comme on en faisait autrefois !), tentant de ramener leur progéniture au bercail après les tapageuses premières sorties nocturnes.
Si cette fantaisie tissée de douceur et de nostalgie a mis un peu de temps à démarrer, dès qu’elle se met en mouvement, le rythme endiablé imprimé à l’ensemble est délicieusement séduisant. Et le plaisir de voler au-dessus des nuages de l’enfance est sans conteste contagieux.
On se prend au jeu et on rigole avec ces enfants qui font des tours à leurs profs, qui se racontent des histoires à dormir debout, qui se gavent de « ras el-abed » (ces petites boules de chocolat fourrées de « natef » qui tournaient notre tête et palais !), qui se préoccupent déjà de leur taille qui grossit (surtout les petites filles guère modèles), qui obéissent en rouspétant aux homélies des adultes.
Véritable hommage à l’enfance que cette fantaisie ondoyante et virevoltante sur les airs et la nostalgique complainte de l’accordéon d’Amélie Poulain.
Mise en scène et idée originale de Lina Abiad qui a toujours plus d’un tour dans ses manches, surtout lorsqu’il s’agit de diriger les acteurs et d’orchestrer un tableau d’ensemble. Et on fait référence ici, sans besoin d’emphase, de phrases philosophantes ou d’illusion optique, au très bel effet de chute de la fin.
Allez les mioches, tous au lit. Sous les couvertures et les oreillers blancs, le nez en l’air et le pouce dans la bouche, les enfants assistent à un somptueux lever de rideau en coulisses avec projection, en photo souvenir colorée, dans l’avenir de l’adolescence. Sous des cerceaux en lobes de bois travaillé, entre poupées en papier et clowns souriants, des jeunes gens et jeunes filles, feux d’artifice en main, posent comme pour un livre d’images où Peter Pan souhaite doux rêves et bonne nuit à tous les enfants, sages et moins sages, de la planète.

Edgar DAVIDIAN
 
Il y avait ce soir-là, sous les draperies du chapiteau, du Prévert dans l’air...La salle est rognée de trois rangées de sièges. Les draperies qui pendouillent du plafond comme les auvents pour une fête foraine, avec leurs lampions-lanternes chinois en papier, invitent en toute clarté et joie à un anniversaire à la Grand Meaulnes. Magie des lieux et des...

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