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Économie - Liban

FFA Private Bank : quand les grandes fortunes rencontrent la finance

À cheval sur la gestion de fortune privée et l’investissement d’actifs, les banques spécialisées font vivre l’activité financière au Liban. Tributaires d’un modèle forgé par une culture d’entreprises familiales encore frileuses face au marché financier, ces banques ont trouvé l’équilibre presque parfait. La FFA Private Bank est une des figures de proue de ce cortège d’établissements prospères qui marient ingénieusement finance et capital privé. À quand l’émergence de pures banques d’investissement au Liban ? Selon Jean Riachi, directeur de la FFA, les facteurs ne sont pas encore réunis pour faire de Beyrouth une place boursière à part entière.
« L’Orient-Le Jour » : Quel est le poids et la place des banques d’affaires au Liban ?
Jean Riachi : « Au niveau de la législation, le Liban est un des rares pays à avoir séparé les banques commerciales et/ou de détail et les banques d’affaires et à avoir ainsi légitimé l’activité des banques d’affaires sous l’appellation de banques spécialisées. Celles-ci bénéficient du statut de banques dans le sens où elles ont la capacité d’accepter les dépôts. Mais ces activités de dépôt ou de crédit sont soumises à des conditions particulières. Il y a une volonté très nette de la part de la Banque du Liban de faire cette distinction, en particulier via les circulaires contraignantes imposées aux banques spécialisées, qui sont priées de couper tout lien financier et/ou de gouvernance avec leur maison-mère, quand elles sont détenues par des banques commerciales (dans notre cas, un groupe d’investisseurs). »

Cette politique est-elle réellement appliquée sur le terrain ?
« Si la BDL tente d’empêcher le développement de coquilles vides, dans les faits les banques commerciales et spécialisées se confondent souvent. Les maisons-mères pouvant ainsi bénéficier des avantages fiscaux réservés aux banques spécialisées – 7 ans d’exemption fiscale et exonérations des charges obligatoires. Sur les huit banques spécialisées au Liban, seules trois disposent réellement d’un board indépendant. Néanmoins, la tendance est de plus en plus à la création de banques spécialisées totalement indépendantes. Une quatrième a déjà obtenu sa licence mais n’a pas encore démarré ses activités. »

Comment expliquez-vous la rareté, voire l’inexistence, de banques d’investissement au Liban ?
« Au Liban, les activités de banques d’affaires sont intimement liées à celles de banques privées. Ces deux entités se complètent. Si vous ne disposez pas d’une base de clientèle, vous aurez par exemple du mal à trouver des placements pour augmenter le capital de vos clients. Ce qui fait notre force à la FFA, c’est notre bonne capacité de placement grâce à notre importante assise de clients qui nous font confiance. Mais c’est aussi le manque d’activité dans ce secteur qui explique l’absence de banques d’investissement en tant que telles au Liban. Le faible nombre d’opérations ne permet pas de justifier le coût car les chiffres d’affaires ne vous permettent pas de survivre. Cela est lié à la culture du pays. Les sociétés familiales ont longtemps refusé d’entrer dans ce genre de considérations. C’est en train de changer parce que l’on arrive à la troisième, quatrième générations. Les gens se rendent compte qu’ils ont besoin de changer la gouvernance d’entreprise car ils n’arrivent plus à se mettre d’accord. Pour trouver des solutions et des financements, ils se tournent vers les banques d’affaires. Les mentalités évoluent et les sociétés libanaises sont de plus en plus prospères et conquérantes à l’étranger. Ces entreprises ont besoin d’argent frais pour se développer car elles ne peuvent plus compter uniquement sur le crédit. On constate donc que de plus en plus de clients en quête de financement arrivent sur le marché ; l’économie libanaise s’est beaucoup modernisée ces dix dernières années et le pays compte aujourd’hui un nombre non négligeable d’entreprises de taille très respectables dont les systèmes de gouvernance se rapprochent des standards internationaux. »

Dans quelle mesure la crise financière internationale et les bouleversements dans la région ont-ils affecté votre croissance ?
« Les portefeuilles des clients de la FFA Private Bank n’ont souffert que modérément durant les périodes de baisse et ont pu retrouver des profits dès la reprise au début 2012. La FFA a enregistré une croissance de 10,15 % cette année. Mais de façon générale, la crise financière et les troubles régionaux affectent beaucoup nos établissements car notre rythme de développement est freiné. Comme nous avons une gestion prudente de la banque, nous vivons et nous nous développons correctement. Trop de choses se passent autour de nous pour que nous puissions avoir des chiffres de croissance exponentiels. »

La loi adoptée en août dernier par le gouvernement peut-elle dynamiser le secteur financier au Liban ?
 « C’est un minimum, mais ce n’est pas cela qui fera démarrer les marchés financiers. Ce qui est important dans cette loi c’est que l’on puisse faire au niveau des marchés financiers ce qu’on a fait au niveau du système bancaire. Dans des pays qui ne fonctionnent pas, comme le Liban, on ne peut pas compter sur le gouvernement ou le Parlement pour faire évoluer la législation. Au Liban, le système bancaire a pu évoluer car la loi qui a créé la BDL lui a donné autorité pour émettre les réglementations. La Banque du Liban est pleinement autonome, et l’on a voulu appliquer ce même concept aux marchés financiers en créant le Conseil national pour les marchés financiers au Liban. »

Fallait-il mettre ce Conseil sous l’égide de la BDL ?
« Cette question a fait l’objet d’un grand débat entre les ministres des Finances successifs qui ne voulaient pas donner un trop grand rôle au gouverneur de la BDL. En ce qui me concerne, je suis neutre. Il y a un risque de conflit d’intérêt entre les épargnants et les institutions, concernant notamment les émissions d’actions préférentielles par les banques. Celles-ci sont émises sans informations suffisantes des épargnants qui, en majorité, n’ont pas compris le risque réel. En outre, une augmentation du pouvoir de la BDL devrait permettre de renforcer les fonds propres des banques. En même temps, la BDL a prouvé qu’elle avait les moyens techniques et humains de mener à bien ce genre de mission. Dans un petit pays comme le Liban, il ne faut pas multiplier les organismes de tutelle. »
« L’Orient-Le Jour » : Quel est le poids et la place des banques d’affaires au Liban ? Jean Riachi : « Au niveau de la législation, le Liban est un des rares pays à avoir séparé les banques commerciales et/ou de détail et les banques d’affaires et à avoir ainsi légitimé l’activité des banques d’affaires sous l’appellation de banques spécialisées....
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