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Culture - Spring Festival 2012

Et un café turc, s’il vous plaît !

Dimanche, la scène du théâtre Tournesol a accueilli des airs de Turquie, tout droit venus du pays des contradictions, portant en eux la tradition des sons et même des senteurs. Ils inauguraient ainsi une série de manifestations préparées par Shams et al-Mawred al-Thakafi.

Il y a du génie chez ces musiciens et toute la Turquie au bout des doigts. Photo Sami Ayad

L’escalier qui mène à la salle sent bon le café turc. Des effluves vous remplissent l’âme et vous transportent dans les cuisines où l’on prend encore le temps de travailler pendant plusieurs minutes le breuvage préféré des Libanais (qui n’est donc pas libanais). La dernière marche est bondée de monde qui va envahir la salle. Une tension positive, de rires et de sourires, s’installe face à une scène tamisée et d’un sobre qui se fait de plus en plus rare dans le siècle du « sur-show ». Un violon, un oud, une clarinette, des percussions et un kanun, pour nous transporter loin. Mais pas trop.
Cinq hommes, deux jeunes, deux vieux et un ancien vieux (concept cher aux libanais(es) adeptes de la renaissance physique) qui vont nous faire tourner la tête. Nedim Nalbantoglu, violoniste, virtuose, semble révolté. D’une révolte positive comme elles peuvent toutes l’être. L’archer dans sa main prend une toute autre dimension. Il joue comme si sa vie en dépendait. En transe. Prodigieusement épileptique. Entretenant une relation conflictuelle avec son siège d’où il a failli tomber plusieurs fois, créant un instant de stress général à chaque fois qu’il lève le fessier. Il se couche sur sa chaise puis se plie en deux. Son violon crie sous des doigts de fée. Le public est en extase à chaque bout de solo.


Barbaros Erköse, lui, reste debout toute la soirée. Clarinette en main. Dirigeant le groupe. Distribuant d’un hochement de tête les intermèdes isolés des autres instruments, mettant en valeur chacun de ses hommes. Il y a une complicité entre lui et les autres musiciens qui se lit dans les regards cherchant son aval et son admiration. Quand il ne joue pas au chef d’orchestre, il joue. Et quand il joue, son souffle est magistral. Les notes pleurent. Qui? Quoi? Peu importe. La tristesse de ses gammes est nostalgique d’un autre temps où il faisait bon vivre à s’imaginer un futur dans le fond d’une tasse noircie.


Nuri Karadermili au oud et Ismet Kizil à la percussion créent l’assise de l’ensemble. Les deux se plaisent à accélérer le tempo ou à laisser aux autres le soin de calmer l’esprit du public. Nuri gratte, encore et encore et encore, laissant à chaque spectateur le temps de se remémorer les classiques de Fayrouz ou autre mythes de chez nous. Il y a quelque chose en lui de tellement libanais. Dans l’âme. Dans la musique surtout.
Et puis il y a Volkan Kipri. Le plus jeune. Jeunesse qui lui donne une humilité, une timidité même, incompréhensible au vu d’un talent incommensurable. Kanun posé sur les jambes, il pince, gratte, frotte et caresse les innombrables cordes de son instrument. Le public l’a compris : à chaque fois que Volkan se lance seul, chaque spectateur dans la salle est scotché. À ses mains, ses bras, ses sourires en coin. Il monte dans les aiguës et redescend dans les graves avec une facilité déconcertante. Plus de cent notes visées par minute. Mélodieux comme rares peuvent l’être. Il y a du génie dans ses manches et toute la Turquie au bout des ongles. Mais ça, il semble ne pas s’en rendre compte, esquissant de la tête un merci presque gêné quand le public applaudit à faire trembler les murs à chacune de ses prestations.


Les 5 enchaînent les morceaux sans se faire prier. Au bout du compte, l’émotion est vive et le cœur lourd. Parce que, dans ces airs turcs, le Liban se retrouve beaucoup. Nos racines musicales ont des allures de chez eux. Et, quelque part, en ces temps où le Liban semble perdre son identité, il fait bon de se souvenir qu’on a été. Et qu’on peut encore être. Ce ne serait en tout cas que gratifiant de dire qu’on a tous quelque chose en nous de la Turquie.

L’escalier qui mène à la salle sent bon le café turc. Des effluves vous remplissent l’âme et vous transportent dans les cuisines où l’on prend encore le temps de travailler pendant plusieurs minutes le breuvage préféré des Libanais (qui n’est donc pas libanais). La dernière marche est bondée de monde qui va envahir la salle. Une tension positive, de rires et de sourires,...
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