Rechercher
Rechercher

À La Une - Témoignage

Procès Breivik : "la justice et rien d'autre", réclament les rescapés d'Utoeya

La majorité des survivants rejettent l'idée d'une justice d'exception et souhaitent que Breivik "réintègre la société".

Des survivants à l'attaque d'Utoeya lors du procès de Breivik au tribunal d'Oslo le 16 avril 2012. Photo

Ayant perdu frères, sœurs et amis, parfois eux-mêmes meurtris dans leur chair, les survivants de la tuerie d'Utoeya souhaitent que leur bourreau bénéficie d'un procès équitable, écartant l'idée d'une justice d'exception.

 

Le vendredi 22 juillet 2011, piégés sur une petite île baignée par des eaux glaciales, des centaines de membres de la Jeunesse travailliste réunis en camp d'été avaient dû braver pendant 75 interminables minutes les balles d'un Anders

Behring Breivik déterminé à abattre le plus grand nombre d'entre eux.

 

Malgré la mort de 69 de leurs camarades, c'est sans haine que les rescapés d'Utoeya, la plupart à peine sortis de l'adolescence, abordent aujourd'hui le procès de l'extrémiste de droite qui s'ouvre lundi à Oslo.

 

"Il est important de ne pas donner au terroriste la possibilité de changer les valeurs qu'on avait avant les attaques", confie à l'AFP Bjoern Ihler.

 

Il y a un peu moins de neuf mois, ce rescapé d'Utoeya, aujourd'hui âgé de 20 ans, avait réussi à sauver sa peau et

celle de deux garçonnets en jouant une macabre partie de cache-cache avec l'extrémiste de droite.

 

"J'ai parcouru l'île dans tous les sens pour éviter de tomber sur Breivik. Et à la fin, j'avais avec moi ces deux garçons de huit et neuf ans", se souvient-il.

 

"Alors qu'on était sur la pointe sud de l'île, Breivik est arrivé derrière nous et nous a dit qu'il était policier, qu'on était en sécurité. Puis il a ouvert le feu sur notre groupe. On s'est jeté à l'eau et on a nagé pour sortir de sa ligne de mire", ajoute-t-il.

 

Bjoern et ses deux protégés seront retrouvés plus tard par la police, cachés dans une sorte de buisson sur le rivage d'une île parsemée de corps sans vie.

 

La Norvège a alors découvert avec effroi que son code pénal ne prévoyait qu'un maximum de 21 ans de prison pour les "actes de terrorisme", poussant certains à réclamer un durcissement de la loi.

Mais pas Bjoern.

 

"Breivik a essayé de s'en prendre à l'Etat de droit et pour moi, il est plus important de préserver le système qu'il voulait détruire que de changer ledit système pour pouvoir le maintenir en prison", explique-t-il.

 

Il en est quasi certain: Breivik, qui a aussi tué huit personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement au nom d'une croisade contre "l'invasion musulmane" et le multiculturalisme, redeviendra un jour un homme libre.

 

"Nous avons un principe judiciaire qui consiste, dans la mesure du possible, à réintégrer dans la société les personnes condamnées. Ce sera très difficile dans ce cas et émotionnellement très dur pour moi et pour les autres survivants. Mais il faut s'en tenir à nos valeurs", dit-il.

 

Remarquablement, comme lui, l'immense majorité des survivants d'Utoeya à avoir pris publiquement la parole refusent de transiger avec les principes existants et rejettent l'idée d'une justice d'exception.

 

Mais très rares sont ceux qui partagent sa conviction que Breivik reverra un jour la liberté.

Car si le tueur est reconnu pénalement irresponsable, il sera condamné à un internement psychiatrique, potentiellement à vie.

 

Et s'il est déclaré responsable, un mécanisme de rétention de sûreté permet de le garder derrière les barreaux au-delà des 21 ans prévus par la loi et aussi longtemps qu'il y a un risque de récidive.

 

"Le plus important pour moi, c'est que cette personne ne redevienne jamais un danger pour les personnes autour de lui ou la société et j'ai confiance dans le système norvégien pour que cela soit possible", affirme Eskil Pedersen, le président de la Jeunesse travailliste.

 

Lui-même présent sur Utoeya le jour du massacre, il avait pu fuir l'île à bord du petit ferry assurant la liaison avec le continent.

"Je suis convaincu que ceux qui décideront s'il demeure ou non un danger pour son entourage trouveront très difficile de conclure qu'il ne l'est pas", ajoute-t-il.

 

Pour Magnus Haakonsen, un autre survivant d'Utoeya, "il faut un verdict équitable dont on n'ait pas à rougir à l'avenir".

 

Le 22 juillet, ce gaillard jovial de 18 ans a vu les balles siffler près de lui. D'abord caché dans le renfoncement d'une falaise, il a fui l'île à la nage, parcourant près de 2 km avant d'être recueilli par un bateau à un jet de pierre du rivage.

"Peu m'importe à moi que Breivik finisse en prison ou dans un établissement psychiatrique. L'important, c'est que l'on trouve la bonne réponse à sa situation", dit-il à l'AFP.

 

"S'il s'agit d'un homme malade, il doit avoir droit à un traitement psychiatrique. S'il ne l'est pas, il doit aller en prison", ajoute-t-il.

 

La santé mentale de Breivik et donc son aptitude à purger une peine de prison promettent d'être la question centrale du procès.

 

Une première évaluation psychiatrique a conclu à son irresponsabilité pénale mais cette conclusion vient d'être infirmée par une contre-expertise qui n'a décelé aucun signe de psychose. In fine, ce sera aux juges de trancher.

Sa "vengeance", Magnus la tient de toute façon déjà. "Moi, je vois mes amis, je prépare mon bac et je vais faire des études supérieures. Lui, il est assis tout seul dans sa cellule".

Ayant perdu frères, sœurs et amis, parfois eux-mêmes meurtris dans leur chair, les survivants de la tuerie d'Utoeya souhaitent que leur bourreau bénéficie d'un procès équitable, écartant l'idée d'une justice d'exception.
 
Le vendredi 22 juillet 2011, piégés sur une petite île baignée par des eaux glaciales, des centaines de membres de la Jeunesse travailliste réunis en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut