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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Pertes et profits

Qui gagne, qui perd à ce stade de l’épreuve de force engagée il y a treize mois en Syrie ? Match nul, serait-on tenté de répondre, en attendant la reprise quasi certaine de la sanglante partie. Or ce n’est pas tout à fait le cas. Dans tout compromis, même boiteux, même bourré d’intentions inavouables qu’il serait amené à accepter (ou feindre d’accepter), c’est invariablement le pouvoir étatique qui a le plus à perdre, ne serait-ce qu’en termes d’autorité.

Ainsi, pour précaire que soit le cessez-le-feu institué jeudi, il est tout de même lourd d’implications. En adhérant au plan de sortie de crise en six points de l’émissaire spécial de l’ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan, le régime de Damas aura été amené à conclure une trêve sur le terrain avec cette masse de contestataires qu’il s’obstinait à qualifier de bandes terroristes. Mieux, c’est avec ces mêmes terroristes qu’il consent désormais à négocier une transition politique, alors qu’il n’avait cessé de privilégier la solution sécuritaire, c’est-à-dire la répression la plus impitoyable. Qui a menti mentira encore, et puis encore. Il y a peu de chances, dès lors, que ces engagements soient fidèlement tenus, de même d’ailleurs que ceux ayant trait au retrait de l’armée des centres urbains ; à l’entrée des convois d’aide humanitaire; ou encore au libre mouvement – et à la protection – des observateurs onusiens appelés à se déployer sur le territoire syrien et dont la mission doit faire l’objet incessamment d’une résolution du Conseil de sécurité.

Il n’en demeure pas moins qu’au plan de la légalité internationale, sinon sur le terrain, le président Assad risque fort de s’apercevoir que son oui à Kofi Annan, pour équivoque qu’il ait été, risque fort de s’avérer pratiquement irréversible. Enfoncé l’effroyable seuil des 10 000 morts, c’est sans la moindre ambiguïté que les protecteurs russe et chinois du régime ont apporté leur plein soutien au plan Annan, ne laissant d’autre choix à Damas que d’y souscrire à son tour, bien qu’avec les réserves et arrière-pensées que l’on sait. Du coup, ce n’est pas une mais six cordes que le régime syrien, bon gré mal gré, vient peut-être de se passer autour du cou : la plus redoutable de celles-ci étant le droit de manifestation pacifique acquis de haute lutte par la contestation populaire et qui lui est, désormais, universellement reconnu. Que la dictature baassiste s’y résigne, et c’est la quasi-certitude de rassemblements humains d’une ampleur inégalée dans les villes de Syrie ; qu’elle persiste à faire tirer sur ces foules apparemment indomptables, comme cela s’est produit hier encore, et c’est alors la porte largement ouverte à la guerre civile, à des débordements frontaliers, à des pressions internationales accrues.

Pour tenter de se soustraire à ce dilemme, c’est à l’humour noir qu’aura recouru la dictature en décrétant que toute personne désireuse de manifester devrait se munir... d’une autorisation officielle préalable. Inutile de préciser que nul ne s’est présenté devant les guichets.

Issa Goraieb

igor@lorient-lejour.com.lb

Qui gagne, qui perd à ce stade de l’épreuve de force engagée il y a treize mois en Syrie ? Match nul, serait-on tenté de répondre, en attendant la reprise quasi certaine de la sanglante partie. Or ce n’est pas tout à fait le cas. Dans tout compromis, même boiteux, même bourré d’intentions inavouables qu’il serait amené à accepter (ou feindre d’accepter), c’est...

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