Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Rencontre

Raymond Audi, l’élégance du geste

Côté cour, Raymond Audi le banquier a réussi à transformer une entreprise familiale en une banque de renommée internationale. Côté jardin, Raymond Audi le mécène, l’esthète jamais rassasié, a contribué, à sa façon, à embellir le visage du Liban, tant dans la forme que dans le fond. Portrait d’un homme (trop) réservé.

Raymond Audi, mécène et visionnaire. Photo Michel Sayegh

Il a beau vouloir se faire discret, résister à de nombreuses tentatives d’interviews, Raymond Audi est éloquent malgré lui. Il suffit pour cela de faire un tour dans Beyrouth, du centre Sofil, en passant par la Villa Blanche, au centre-ville, pour visualiser et apprécier les nombreuses constructions qu’il a érigées ou rénovées. Pareil pour Faqra Club, sa maison à Beiteddine ou la savonnerie de Saïda... Tout ce que cet homme touche se transforme en un lieu exceptionnel, que les guides du monde signalent dans leurs pages avec la mention « à ne pas rater ». « Pour ne pas oublier ses racines », se plaît à rappeler Raymond Audi...


Le siège central de la Bank Audi, à Bab Edriss, véritable œuvre d’art de Kevin Dash, est la parfaite illustration de l’exigence et de la vision de cet architecte par procuration ravi, et qui ne cesse de répéter, comme une prière quotidienne : « Je dois reconnaître que si je n’ai pas un chantier à visiter par jour, je ne suis pas content ! »


Dans cette magnifique bâtisse qui a certainement marqué le paysage urbain, le PDG de la banque collectionne et partage son amour pour la peinture avec ses employés privilégiés et les visiteurs fascinés, et continue d’encourager les jeunes artistes locaux. Sa collection de plus de 700 toiles comprend aussi bien des peintres flamands, italiens et hollandais des XVIe et XVIIe siècles, des grands maîtres français, Édouard Vuillard, Raoul Dufy, Bernard Buffet, Gaston Chaissac, Bernar Venet, Pincemin ou Dubuffet, que des artistes libanais dont Bacha, Abboud, el-Rawas, Chamoun, Wakim, Honein, Nahas, Raouda, Srouji, Ounsi, Cyr, Kanaan, Aoun, Tyan et Karam. « J’ai la chance d’avoir ce qu’on appelle un bon caractère. Optimiste, entreprenant et sensible à l’art. Je le dois à ma mère Noélie, qui fut peintre et qui m’encourageait énormément », confie-t-il.


Cette démarche, à ses yeux naturelle, l’avait poussé à racheter la Villa Blanche, également baptisée villa Audi, pour la sauver d’une destruction annoncée. Un superbe écrin remis à neuf et qu’il a transformé en musée informel dévoilant une magnifique collection de mosaïques. « C’est un petit musée, précise-t-il. J’y ai accroché des pièces colletées avec le temps d’une façon intelligente et intéressante. Il s’adresse à des personnes qui veulent apprendre didactiquement comment la mosaïque a évolué. » Ce lieu magique prend aussi le visage d’un centre d’art destiné à promouvoir l’art contemporain, à travers des expositions itinérantes, des concerts et des rencontres culturelles.

Le fils de Saïda
Pour, en effet, ne jamais oublier ses racines et rendre à la ville de son enfance les bonheurs qu’elle lui a donnée, Raymond Audi, non satisfait de juste rénover la grande maison familiale, s’est attaqué au quartier tout entier. De plus, il a fondé le Musée du savon, officiellement reconnu par l’ICOM, le conseil international des musées. Membre du conseil exécutif et trésorier de la « Fondation nationale du patrimoine » et membre actif de la « Fondation de l’héritage de Saïda », il a de même créé en 2000 la Fondation Audi, chargée de revaloriser le patrimoine socioculturel de Saïda en initiant des activités culturelles et artistiques, en préservant son patrimoine architectural et en réhabilitant certaines vieilles bâtisses. Attaché aux valeurs du passé mais avec une vision tournée vers le futur, ce mécène n’hésite pas à accompagner l’ascension de l’Everest et des six sommets par un Maxime Chaaya qui n’était pas encore célèbre. Une manière, sans doute, de toucher le toit du monde et d’y planter le drapeau de la Bank Audi.


Ministre des Déplacés en 2008-2009, alors qu’il pourrait être un ministre de la Culture idéal, cet homme qui déteste la politique préfère plutôt miser sur son pays. « Bien que le Liban soit une nécessité, dans le contexte international, j’ai compris qu’on ne peut rien faire à partir des ministères, dans l’état actuel des choses. » Optimiste permanent, détenteur de l’ordre national du Cèdre – grade d’officier en 1998, de la légion d’honneur – grade de chevalier en 2003, et des insignes de commandeur de l’ordre d’Isabelle La Catholique qui lui ont été remis en janvier dernier par l’ambassadeur d’Espagne, Juan Carlos Gafo, il rajoute, toujours très modeste : « Je n’ai pas cherché à avoir des médailles. Elles m’ont été données pour me remercier pour certains travaux que j’ai faits et qui ont semblé exceptionnels. »


Capitaine d’un bateau, comme il se qualifie, dont le rôle est de surveiller l’institution et veiller à ce qu’elle fonctionne normalement, il y a, dit-il, « des lieutenants qui font marcher ce bateau. Je ne suis pas partisan du one man show, je crois au travail d’équipe et à l’importance des collaborateurs. C’est cette volonté collective qui nous a permis de grandir. Une main seule ne peut pas applaudir... ».


Père de Shérine, directrice de la Banque Audi Paris, de Pierre, producteur de théâtre, fondateur du théâtre Almeida à Londres et directeur artistique du Nederlandse Opera d’Amsterdam, et de Paul, célèbre philosophe, auteur de dizaines d’essais et de plusieurs ouvrages, dont Rousseau une philosophie de l’âme, Je me suis toujours été un autre, Michel Henry, Fin de l’impossible ou encore L’empire de la compassion, Raymond Audi souligne : « Ils se sont épanouis, chacun dans son domaine, et réussissent d’une manière brillante. Ils ont été mes conseillers et mes mentors. Ils m’ont enseigné l’amour de l’art et de la peinture contemporaine. »


« Je remercie Dieu, conclut-il avec une grande humilité, de m’avoir fait participer à des choses qui paraissent difficiles et importantes aux yeux de beaucoup. Mon université a été le monde où j’ai vécu. J’apprécie tout ce qui me reste à apprendre... »

Il a beau vouloir se faire discret, résister à de nombreuses tentatives d’interviews, Raymond Audi est éloquent malgré lui. Il suffit pour cela de faire un tour dans Beyrouth, du centre Sofil, en passant par la Villa Blanche, au centre-ville, pour visualiser et apprécier les nombreuses constructions qu’il a érigées ou rénovées. Pareil pour Faqra Club, sa maison à Beiteddine ou la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut