Quelques applaudissements et des cris de soutien – « Gorgui » (le vieux en wolof, surnom de M. Wade), « l’homme fort est là » – avaient bien accueilli le président, 85 ans dont 12 au pouvoir, à sa descente de voiture. Mais ils ne peuvent rivaliser avec les huées qui enflent comme des vagues sur son passage, alors que la foule attendait jusqu’alors patiemment de voter depuis des heures, sous le soleil, dans le quartier résidentiel du Point E, où le président possède une résidence privée.
« On est des jeunes du quartier, venus dire que tout le monde est fatigué de lui dans le pays. C’est pourquoi on a décidé de venir huer le président. Mais ce n’est pas que nous : partout où il passe, il se fait huer ! » affirme Omar Sow, 30 ans. « Il a fait un coup d’État constitutionnel, il ne peut plus diriger le pays, il n’a plus de popularité », approuve à ses côtés Papa Sehlm.
Sans doute surpris par cet accueil inattendu, Abdoulaye Wade a voté, accompagné de son fils Karim et de sa fille Sindiély, ainsi que du ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom, puis est reparti sans faire de déclaration au milieu de la cohue, bousculant même un de ses propres gardes du corps.
Partisans de l’opposition ou du président Wade, tous ont espéré que la journée se passe sans les violences qui ont émaillé la campagne autour de la question de la légalité de la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat, et qui ont fait de 6 à 15 morts depuis fin janvier. « Je n’ai pas peur, je n’ai peur de rien du tout. Nous, en tant que croyants, en tant que Sénégalais, nous ne connaissons que la paix, c’est la paix seulement qui va s’instaurer », a déclaré Diouma Faye Diop, « bientôt 47 ans », à Khar Yalla, quartier populaire du nord-est de Dakar. Ce qu’elle attend du scrutin, c’est « la paix seulement », insiste-t-elle, refusant de dévoiler le nom de son candidat, en précisant toutefois qu’il est aussi le choix des « dix électeurs » de sa propre famille et avoir été convaincue par « ce qu’il a dit pendant la campagne électorale » et ses appels à l’apaisement. En filigrane, on devine Abdoulaye Wade, qui a fait campagne sous le slogan « Celui qui rassure ».
Les adversaires du président, eux, ne se cachent pas. « Il n’y a pas de problème ce matin, mais c’est en fin de journée qu’il faudra surveiller. Le président va tenter de voler l’élection. Mais il faut que le vieux parte », s’exclame Amadou Ndiaye, 62 ans, en essuyant dans un mouchoir son index maculé d’encre pourpre à la sortie du bureau de l’école Berthe Maubert, dans le quartier du Plateau.
Amadou, qui a voté dès l’ouverture des bureaux à 08h00, a choisi « Idy », un ancien Premier ministre de M. Wade, Idrissa Seck, parce qu’il « présente bien et qu’il va changer les choses ». « Je vais voter contre Wade. Il a construit des routes, c’est bien, mais à quoi elles servent si les gens n’ont pas d’argent pour acheter une voiture ? Il faut d’abord du travail », estime de son côté Aminata, 27 ans.
(Source : AFP)
commentaires (2)
Kamel, je connais peu le Sénégal mais il est vrai qu'il est et reste le pays phare de la démocratie en Afrique noire. Bravo pour ce commentaire enrichissant!
Ali Farhat
17 h 26, le 27 février 2012