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Culture - Spectacle

Une opérette « baladi » dansée, de Caracalla

Un village, deux clans, un mariage arrangé et l’amour qui triomphe. Vaudevillesque canevas sur un vibrant pas de dabké. Sur fond d’images du Liban projetées sur écrans, de débauche de draperie et de mouvement d’ensemble adroitement synchronisés, tel est le spectacle, « L’opéra des villageois », de la troupe Caracalla au Centre Ivoire à Horch Tabet.

Retour au tableau traditionnel du folklore libanais dans ce bel effet d’ensemble.

Des marches du temple de Baalbeck en 2009 aux planches d’un théâtre, ce village de rêve, fanfaron, macho et un peu fou comme l’anarchie libanaise, subit un heureux voyage lifté.


Qu’on ne s’arrête pas sur le livret, signé Talal Haïdar, de cette opérette très légère où abondent un dialogue souvent verbeux et un prêchi-prêcha politique sans consistance si ce n’est la grosse corde de la fibre patriotique utilisée avec usure. Restent les volatiles paroles de quelques chansons d’amour qui amusent ou font sourire de naïveté et de candeur dans un siècle qui croule sous le laxisme.


Deux jeunes gens jouent aux Roméo et Juliette, en «cherwal» et robe gitane, dans cette histoire simple où, après moult péripéties rocambolesques et agitées, tout rentre à l’ordre et les cœurs battent à l’unisson.


Côté personnages, tous sans réelle consistance car ils macèrent dans la caricature, on applaudit la prestation du «Habalon», une sorte de clownesque fou du village interprété avec une délicieuse pitrerie par Rifaat Torbey. De même on s’émeut du chant de Hoda Haddad quand elle ne cille pas beaucoup des paupières. Quant au marquis, père d’un benêt que la jeune fille refuse de prendre pour époux, Gabriel Yammine, bedon sur l’estomac et bigoudis sur la tête, lui donne une épaisseur bien comique pour une classe qui a eu sa décapitation déjà en 1789. C’est ce qui ressort du peloton. Les autres, vieillard trébuchant et comparses à quelques phrases insipides, ne font que de la figuration.


À saluer, le décor d’une scène absolument vide mais habitée en force par ces images, essence du paysage libanais (cèdres, pivoines, grotte de Jeïta, vignobles de la Békaa, champs de fleurettes, façade d’un «dar» en pierre bouchardée et balcon à arcades et mandalouns), projetées sur des écrans mobiles et tapissant l’espace jusqu’aux coulisses. C’est là la belle ouvrage d’un triumvirat qui a pour noms Vinicio Cheli, Guiliano Spinelli et Sergio Metalli.
Un autre trio gagnant dans cette opérette «baladi» prestement enlevée et c’est la tribu Caracalla: Abdelhalim, le père, Alissar, la fille et Yvan, le fils d’une fructueuse complicité.


Dé d’or à la Christian Lacroix ou Vivienne Westwood à Abdel Halim pour ces costumes enivrants de couleurs, d’élégance, de féerie. Costumes chatoyants dans leurs boléros brodés, leur «mandils» à passementerie, leurs «igals» de sultans étincelants de pierreries, leurs étoffes mordorées, leurs soieries fluides, leurs gazes vaporeuses. Finition impeccable d’une couture dont les lignes bien moulantes sont un indéniable atout pour souligner l’aisance du geste et l’éloquence du corps.


Alissar, parfaitement inspirée pour la chorégraphie, a su tirer le meilleur parti de cette notion de fête (surtout bachique pour fouler les grains de raisins!) en donnant aux danseurs la part aérienne, jubilatoire et rythmée des danses en groupe. Bel effet de ces ensembles à la mouvance féline, aquatique, qui ont parfois le tremblement d’un rideau de harpe. Sur des sonorités drues et sensuelles (Mohammad Reza Aligholi) la musique porte littéralement ces flambées éruptives de danseurs à la joie contagieuse.


Pour un espace ici relativement réduit (quand on le compare à l’aire spacieuse du temple du Soleil) la troupe Caracalla, grâce à la poigne de fer d’Yvan, est bien lotie et dirigée.


Retour au tableau traditionnel du folklore libanais de scène: d’un pas leste et agile, tous sous les feux de la rampe. Avec, en alternance, pour fond de décor de cette féria, les colonnes du péristyle de Baalbeck et le drapeau du pays du Cèdre. En «guest star», Omar, qui n’a rien d’un âge vénérable. Il est toujours bondissant, dans des bottes léchées d’or et un passe-temps rouge sang balayant furieusement l’air. Euphorie et applaudissements en trombes.
Pour cette période des fêtes, sans invention nouvelle, Caracalla offre un moment de détente. Invitation aux grands, aux petits et aux vieux. Loin de tout snobisme, pourquoi bouder le plaisir d’un spectacle sans prétention, frais et festif, où tout le monde a son compte.

Des marches du temple de Baalbeck en 2009 aux planches d’un théâtre, ce village de rêve, fanfaron, macho et un peu fou comme l’anarchie libanaise, subit un heureux voyage lifté.
Qu’on ne s’arrête pas sur le livret, signé Talal Haïdar, de cette opérette très légère où abondent un dialogue souvent verbeux et un prêchi-prêcha politique sans consistance si ce n’est...

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