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Culture - Disparition

Les dernières notes de musique de maître Boghos Gelalian

À 84 ans, après plus d’un long mois de souffrances dues à la maladie, appelé « ousta » (maître) avec déférence et chaleureuse amitié par ses proches et élèves, Boghos Gelalian, intransigeant pédagogue et fin compositeur de musique, s’est éteint. Un homme d’une discrétion et d’une modestie absolues, qui a servi avec un zèle incomparable la vie culturelle et musicale au Liban.


Né à Alexandrette en 1927, Boghos Gelalian, de la Syrie au Liban, a connu les errements et les affres des survivants du génocide arménien. Mais il a vite compris que sa vie était placée sous le signe des sons, des partitions et des instruments de musique. La flûte, le piccolo, la mandoline, l’harmonica et la clarinette étaient ses premiers compagnons avant de donner plus avantageuse préférence à l’orgue et au piano.
Des chants religieux, de ses études sous la férule de Bertrand Robillard et de ses heures passées aux claviers des orgues de la cathédrale Saint-Louis des capucins à Beyrouth dans les années d’avant-guerre, il acquiert graduellement la maturité pour se lancer dans l’harmonie, le contrepoint et l’art de la fugue avec padre Gerardo, supérieur de l’École des carmélites italiens à Tripoli. Autre expérience marquante, même si elle est sporadique: celle du travail avec baron Erhart Belling, autrefois chef d’orchestre à la cour impériale russe.
Compositeur, arrangeur, pianiste et professeur – il a enseigné de longues années au Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth et à l’école Tekeyan – Boghos Gelalian est une figure de proue pour la qualité de la musique aux festivals de Baalbeck qui venaient juste de prendre leur envol international. Sa part de contribution est léonine pour les succès des opus des frères Rahbani (dont il fut un conseiller, instructeur et collaborateur avisé et très écouté), de même que pour certains spectacles de Roméo Lahoud.
Sa collaboration avec des cantatrices notoires, telles Fayrouz ou Arpiné Pehlevanian, aussi bien pour le chant arabe, arménien ou classique, reste légendaire. Et du meilleur aloi.
Voix gutturale, silhouette filiforme, visage austère avec un regard perçant, accent arménien marquant tout aussi bien dans ses phrases en français qu’en arabe, homme de l’ombre avec un talent tranchant et parfois un caractère bien trempé, Boghos Gelalian portait en lui non seulement le souci de la carrière et du talent de ses élèves, mais aussi de ses œuvres propres. Il travaillait dans la solitude, de préférence la nuit, jusqu’aux premières lueurs.
Sans être prolifique, cette œuvre dense, d’une écriture raffinée et élégante, teintée d’une certaine spiritualité, concilie mélodies arméno-orientales et rigueurs classiques qui n’ont rien à envier à l’avant-garde moderne. Un style «orientalisant», à la fois nerveux et fluide, qui pique la curiosité des mélomanes et accroche tout auditeur en quête d’innovation.
De nombreux prix ont couronné sa longue carrière: Saïd Akl (1969), catholicossat arménien (1973, 1977), chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres du ministère de la Culture français (1985) et une décoration papale en 1986. Mais brillant absent sur le pupitre du musicien, l’État libanais. Un État qui a toujours tout ignoré de la valeur de ses citoyens. Surtout intellectuels ou artistes. Une reconnaissance ou récompense posthume n’est pas à dédaigner, ne serait-ce que pour réparer un oubli impensable.
Pour violoncelle, piano, violon, hautbois, flûte, orchestre et chœurs, l’inspiration de Boghos Gelalian a jeté de multiples et sinueux embranchements. Une toccata, une sonate, et les souvenirs du musicien vibrent dans l’air comme une présence vivace.
Ses élèves, toutes générations confondues, s’échelonnant sur plus d’un demi -siècle de fervent enseignement, lui ont toujours rendu hommage à travers le monde (France, Allemagne, Canada) en programmant dans leurs concerts ses œuvres. Œuvres interprétées avec sentiment et dévotion. En se rappelant toujours les précieuses et furibardes indications du «maître» concernant tempo, respiration, rythme, cadence, nuance.
Dans son enseignement comme dans ses compositions, loin de toute facilité ou vulgarité, Boghos Gelalian tendait à la plus haute précision et transparence.
Né à Alexandrette en 1927, Boghos Gelalian, de la Syrie au Liban, a connu les errements et les affres des survivants du génocide arménien. Mais il a vite compris que sa vie était placée sous le signe des sons, des partitions et des instruments de musique. La flûte, le piccolo, la mandoline, l’harmonica et la clarinette étaient ses premiers compagnons avant de donner plus...

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