Il n’est donc pas étonnant, vu les circonstances régionales, que le patriarche de tout l’Orient multiplie ces derniers temps des plaidoiries préventives à l’adresse des responsables et des chancelleries. Les positions des deux responsables maronites, que l’on croit antinomiques, ne sont que les réactions aux conjonctures politico-sociales de leur époque respective et l’expression des sentiments successifs des chrétiens aux cours des événements qui ont marqué l’histoire. Histoire qui, depuis l’aube du christianisme, a été jalonnée de martyrs et de saints ayant traversé des moments de courage et de peur. La peur qui porte en elle les germes de la trahison. « Avant que le coq ne chante, tu m’auras trahi trois fois », avait dit Jésus à saint Pierre. Quant au courage, il permet d’accomplir de si grandes choses ! Or, ce même saint Pierre a été crucifié, mais la tête en bas, ainsi qu’il l’avait demandé, se sentant indigne de mourir comme Jésus.
Benoît XVI a été comparé à Jean-Paul II, dont le charisme avait attiré la sympathie du monde entier. Ce dernier, célèbre par son message de paix et son esprit de pardon, était un ardent défenseur des droits de l’homme et avait contribué à la chute du communisme en Europe de l’Est. Durant les vingt-six années de son pontificat, il a voulu rapprocher entre elles les Églises chrétiennes et a tendu la main aux autres croyances. L’actuel pape, le cardinal Joseph Ratzinger, a passé son temps à étudier les dogmes et les philosophes de la foi. Docteur et professeur en théologie, plongé dans les concepts liturgiques, il a partagé sa connaissance en enseignant et en professant. Il considère qu’en appliquant les dogmes, il revitalise l’Église, lui insufflant une nouvelle présence. La différence entre les deux papes ne fait qu’accentuer l’universalisme de l’Église que le Christ a voulu pleine d’amour et de pardon, ce qui ne s’oppose en rien à des modifications. Cette discipline que prône Benoît XVI, cette revitalisation, qualifiée
d’« aggiornamento » (terme attribué à Jean XXIII durant le concile œcuménique Vatican II), est une remise à jour, un renouveau de l’Église catholique par rapport à l’évolution des connaissances du monde moderne et une adaptation au mouvement de mondialisation qui tend à être son environnement actuel. C’est donc à cette impulsion d’ouverture et de changement que nous devons l’attitude de notre nouveau patriarche, Mgr Béchara Raï, qui transpose sa mission hors des limites géographiques du pays pour englober toute la région du Moyen-Orient dont il a la charge. Que les chrétiens commencent à s’unir, pour être cette force invincible contre les déviations de l’extrémisme dans la région. Qu’ils remplacent le suivisme actuel par la fermeté autonome de leur unité.
Si les révolutions ébranlent le Proche-Orient à coup de guerres internes, de massacres et d’exodes, les fondements de notre pays sont, eux, grignotés par les querelles, les discours contradictoires, le mépris des institutions. Et si l’on peut lutter devant l’ampleur d’une guerre, on est souvent impuissant devant le travail de sape de la mauvaise foi humaine, tout aussi destructrice. Il est temps pour nous de formater notre vie commune. Que chaque partie de ce pays fasse les concessions nécessaires et tende la main à l’autre pour que notre peuple vive en harmonie. En la modération se trouve le chemin de rencontre, et l’extrémisme existe dans toutes les religions.
Je voudrais pour conclure citer une phrase de Jean-Paul II : « La paix se propose et ne s’impose pas... »