« Au cœur du luxe, les mots » d’Orient et d’Occident

C’est à la Résidence des Pins, à l’invitation du très actif ambassadeur de France, M. Denis Pietton, qu’a eu lieu la présentation d’un livre indispensable imaginé par le Comité Colbert et édité par les éditions an-Nahar. Au cœur du luxe, les mots présente un texte du poète Adonis en arabe et un texte en français d’Alain Rey, linguiste et conseiller éditorial des éditions Le Robert. Celui-ci est préfacé par Régis Debray. Les auteurs y illustrent la manière dont la sémantique du luxe s’inscrit dans la langue et la culture de leur civilisation.
Entité unique au monde, le Comité Colbert regroupe 75 maisons françaises du luxe et 12 institutions culturelles qui œuvrent ensemble au rayonnement international de l’art de vivre français. Pour ce faire, le Comité Colbert met en avant la dimension culturelle du luxe français. Après la Chine, la Russie et l’Inde, depuis 2010, il se tourne vers le Moyen-Orient. Autant donc commencer par le commencement, qui souvent est un mot, et tenter de cerner les acceptions du luxe selon le public arabe tout en comparant celles-ci aux définitions françaises de ce concept complexe.
Ainsi est né ce beau livre de 180 pages où l’on apprend, sous la plume d’Adonis, que le luxe en arabe s’appuie sur les trois lettres de la racine RHF. Au début, ce vocable servait à définir la finesse d’une lame. Il a ensuite envahi les domaines du sensible pour s’étendre jusqu’à la vision du sublime. RHF se composent, décomposent et se déclinent entre autres en rafah (aisance, douceur de vivre), rafahiyya (prospérité) ou rahaf (aiguiser, affiner) et rahufa (finesse de l’ouïe). Selon le poète, « le luxe transcende toute relation à la matérialité de la consommation au profit de la puissance créatrice de l’homme ».
De son côté, Alain Rey apporte ses réflexions sur 375 mots parmi lesquels : élégance, émotion, excellence, exception et exclusivité, paradoxes, raffinement, rareté, temps...toutes ces choses qui, mises ensemble, contribuent à cerner la notion de luxe. « L’histoire de l’élégance, nous apprend-il, témoigne du besoin de distinction, d’exception, qu’apporte aujourd’hui comme hier le luxe vestimentaire. L’élégance est plus largement l’une des dimensions du plaisir de raffinement, ce qui nous rappelle que tout luxe est un choix. »
Dans sa préface, Régis Debray, pour sa part, interroge les paradoxes du luxe et analyse la place qu’y occupe le sacré.
Au cœur du luxe, les mots est également illustré par des calligraphies de Ghani Alani, héritier de l’École de Bagdad et dont le style est considéré comme emblématique de la calligraphie arabe moderne. Intercalées entre les tracés d’Alani, les photographies de Quetin Bertoux, dont l’objectif traque la lumière dans la danse, l’architecture, la cuisine, la mode, les êtres, les objets et partout où elle apporte du sens, et dont l’œil, dit-on, sait « écouter ».
Entre autres qualités, le luxe est jugé paradoxal, relatif et subjectif. Par cette initiative unique, le Comité Colbert réussit un éclairage passionnant sur une notion aussi universelle que floue, et ouvre la voie à une compréhension mutuelle basée sur le désir et une certaine quête de l’absolu.