Dessine-moi Salwa Raouda Choucair

Kassida. Salwa Raouda Choucair est un nouveau titre qui vient de faire son entrée dans le rayon des livres arabes pour enfants. Le titre est inscrit sur la couverture dans un grand cercle jaune, une forme que l’on retrouve à la première page et se détachant sur un fond de tout petits cercles. Puis, il est expliqué qu’en reliant ces points par des traits on obtient des dessins (jeu auquel les enfants sont habitués). On demande alors aux jeunes lecteurs de tracer ainsi cinq configurations, de les décoller et de les placer de la manière qu’ils désirent. La page qui suit est illustrée de ces mêmes formes, mais telles qu’ordonnancées dans l’une des sculptures de Salwa Raouda Choucair.
« Ainsi, par le biais de ce jeu interactif, les enfants entrent de plain-pied dans le concept de la créativité de la célèbre artiste dont ils pourront mieux comprendre et admirer les œuvres », explique l’auteure de cet ouvrage, Reem Sayegh Najjar, rencontrée à Washington, où elle vit avec son mari (le cardiologue Samer Najjar) et leurs trois enfants. Après des études d’architecture à l’ESA à Paris en 1993 et à Beyrouth, et surtout après des rencontres avec des grands de l’art libanais (notamment Chafic Abboud, Salwa Raouda Choucair et Etel Adnan), elle a pensé introduire les jeunes au cœur même de cet univers. « Car, dit-elle, lorsque l’on n’est pas réellement exposé au processus de la créativité, on risque de considérer l’art uniquement comme un objet décoratif, certes de valeur, qui est fait pour être juste acquis. Alors qu’il faut le vivre. »

Le musée via le jeu interactif
Un projet qui lui a longtemps tenu à cœur et qui a pu se réaliser grâce à sa collaboration avec le peintre Bassam Kahwagi, auteur des dessins et de la conceptualité de l’ouvrage. Et son premier livre d’art pour enfants a donc porté sur l’œuvre de Salwa Raouda Choucair, plus précisément sur l’une des sculptures de la série intitulée « Poèmes ». Il est coédité par « Naufal » et « Alarm ». Reem Sayegh Najjar l’a voulu concis (34 pages), avec une mise en page épurée, mais de couleurs attrayantes, pour faire passer l’enfant en douceur de la phase du jeu interactif à celle de la connaissance de l’artiste, de ses matériaux, de son atelier et des différentes étapes de son travail. On y voit notamment Salwa Raouda Choucair ciselant son bois, coopérant avec des artisans (pour mettre en valeur leur apport aux sculptures en pierre), de même qu’est présenté le large éventail de sa production, témoin de sa maîtrise d’une grande diversité de matières : métal, plastique, bijoux, tissages, projets de fontaines, etc. In fine, on voit la photo de la sculpture, telle qu’érigée dans un lieu public (un square faisant face à l’immeuble de l’Escwa), où tout un chacun peut aller l’admirer, en particulier les enfants une fois ce livre refermé. C’est pour cette raison que l’auteure l’a choisie afin d’amener son petit monde à s’imprégner de visu et même par le toucher de ce qu’il a lu noir sur blanc. Sans compter que cela le poussera également à visiter la rétrospective Salwa Raouda Choucair, actuellement au Beirut Exhibition Center. Ou le musée via le divertissement.
Pour Reem Sayegh Najjar, le chapitre n’est pas clos. Elle s’apprête à répéter cet exercice ludique et esthétique, à la manière de Dessine-moi un mouton, du côté d’autres artistes libanais modernes. Toujours donc immortel ce conseil de Platon : « Garde-toi de donner par la force aux enfants l’aliment des études, mais que ce soit en le mêlant à leurs jeux. »