Le parcours du combattant
Au volant de sa Mercedes des années 60, il est le seul maître à bord.
Il sillonne les rues à la recherche d’un client potentiel. Il décide de réduire la vitesse de son véhicule, s’arrête, klaxonne un petit coup sec et interpelle les piétons.
Il double de façon malvenue. Il change fréquemment de file. Il n’a jamais recours au clignotant lorsqu’il passe d’une voie à l’autre. Il n’utilise pas le signal d’arrêt provisoire. Il fait des percées, dispute le passage aux autres automobilistes dont la patience est mise à rude épreuve. Il s’engage, un peu pressé, dans une ruelle en sens interdit. Une conduite impeccable ! Un plaisir de route incontestable ! La priorité est à la sécurité !
Lui, il s’est fait chauffeur de taxi-service pour gagner correctement sa vie. Il n’avait pas d’autre choix. Son métier est dur et fatigant. Concurrence, stress, embouteillages, clients, prix des carburants élevés, instabilité politique et économique du pays...
Quant à nous, nous ne pouvons qu’attendre, le cœur battant, qu’une catastrophe ne se produise. Et espérer que les autorités concernées porteraient un jour quelque attention à son salut et au nôtre.
Yendi SFEIR
Le parler libanais
S’il est normal que toutes les langues s’approprient des mots appartenant aux autres civilisations et que chaque peuple modifie, adapte, récupère un mot, une expression, que pouvons-nous dire à l’aube de ce XXIe siècle, près de cent ans après la fin de l’occupation ottomane et deux tiers de siècle après celle du mandat français, de la vague actuelle de notre parler libanais – qui sans doute choquera Baudelaire et Shakespeare? Les mots beik, khanoum ont presque disparu ; on conjugue désormais dans notre petite bourgeoisie le mot bonjour en bonjourak et, donnant dans la surenchère, l’autre personne rétorquera : bonjourein. Nul besoin de relever aussi tous ces mots français devenus des mots libanais à part entière, déclinés en verbes, en substantifs ou en adjectifs, comme mhastra pour hystérique, daprass pour une personne qui a fait une dépression et le comble tmaqyajit, bien incertain dérivé du verbe se maquiller. Dans certains salons, il est choquant d’entendre aussi une femme de député déclarer que son mari descendra aux élections de 2013 au lieu de se présenter.
Pour enrichir davantage le nouveau vocabulaire, il nous manquait l’usage de Twitter ou Facebook ou toute nouvelle sphère digitale publique pour que deux ou trois langues se confondent, comme je te delete de ma vie, ya hayété. Alors, pour la rentrée scolaire, ne vous étonnez plus, chers parents, si votre enfant sera faible en langue ou en conjugaison. Pour les adultes, un retour aux sources est nécessaire, qui leur permettra de relire des ouvrages littéraires appropriés à chaque langue et cesser enfin de dire, en parlant de à quelqu’un, foulane, ou encore de parler de monter et descendre ou à la montagne ou en classe. Gardons les pieds sur terre pour mieux nous géolocaliser dans ce grand globe qui est devenu un petit village.
Nazira A. SABBAGHA
Épater la galerie
Comment ne pas être indignée devant la futilité, l’irresponsabilité et la stupidité de certains Libanais vivant a l’étranger qui, pour jeter de la poudre aux yeux de leurs concitoyens, importent par avion des valises de nourriture de notre terroir pour garnir leur table, quand certains se débattent pour pouvoir survivre...
Oui, je m’indigne en voyant que le pouvoir n’est confié qu’à l’argent, remplaçant la solidarité par la compétition effrénée et les liens humains par la consommation de masse.
Je m’indigne de l’étalage de richesse devant la pauvreté du plus grand nombre.
Je m’indigne face a ces têtes vides qui pensent (Oups ! Lapsus...Comment peuvent-elles penser ? ), que leurs billets de banque font d’eux des êtres suprêmes ?
Je m’indigne que ces gens-là ne puissent pas voir ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, le désarroi face à un système qui crée la compétition et l’atomisation de l’individu.
Je m’indigne de voir flattée la réussite associée à la cupidité, de voir l’homme présenté comme un loup pour l’homme, de voir que l’on cultive le mythe de l’homme qui en veut toujours plus. Et bien non, un homme normal n’a pas envie de voler son voisin, non une société n’est pas la jungle, non la prédation n’est pas inscrite dans les gènes humains.
Et si, à la place de la concurrence, on parlait de coopération ? Et si, à la place de la réussite, on parlait épanouissement humain ? Et si, à la place d’étalage, on inventait autre chose ?
De grâce, un peu de décence!
Ralda KARAM
En colère...
Inextricable destin, avenir incertain pour les chrétiens de ce pays, après les propos de leur chef spirituel, Mgr Raï. Désemparée, désabusée, discréditée et abandonnée. C’est l’impression que j’ai en tant que citoyenne chrétienne, sans aucune tendance politique. Quel avenir nous réserve-t-on? Il serait véritablement illusoire de croire encore au lendemain, vu le milieu ambiant et la situation. Je suis en colère, j’ai peur pour l’avenir de mes petits-enfants. Je voudrais tellement qu’ils prennent racine dans ce merveilleux pays. Nous allons vers une chute inéluctable de toute stabilité et dignité. Il nous faut survivre, oui, mais quel programme à venir ? Je suis en colère comme tant d’autres. Basta ! Kafa ! Je le dis, je l’écris, c’est ma thérapie
Marguerite TYAN
Taper des mains
Magistral votre coup de poing, Monsieur le Premier ministre. Nous l’avons tous fortement applaudi. Mais nous ne pouvons nous empêcher de demander à quand celui que vous taperez bien fort et qui menace de « couper des mains », autrement dit d’utiliser la manière forte. Démontrez que c’est au seul gouvernement de décider ce qui est, ou n’est pas, matière à trahison.
Monsieur Mikati, remplir votre tâche est assurément très ardu, mais aussi très attendu.
Dolly TALHAMÉ
Au volant de sa Mercedes des années 60, il est le seul maître à bord.Il sillonne les rues à la recherche d’un client potentiel. Il décide de réduire la vitesse de son véhicule, s’arrête, klaxonne un petit coup sec et interpelle les piétons.Il double de façon malvenue. Il change fréquemment de file. Il n’a jamais recours au clignotant lorsqu’il passe d’une voie à l’autre. Il n’utilise pas le signal d’arrêt provisoire. Il fait des percées, dispute le passage aux autres automobilistes dont la patience est mise à rude épreuve. Il s’engage, un peu pressé, dans une ruelle en sens interdit. Une conduite impeccable ! Un plaisir de route incontestable ! La priorité est à la sécurité ! Lui, il s’est fait chauffeur de taxi-service pour gagner correctement sa vie. Il n’avait pas...