Majida Bachaché tenant le portrait de son frère, Ahmad, enlevé à Khaldé en 1976.
***
Sur le site de la « tente » dressée dans le jardin Gibran Khalil Gibran au centre-ville de Beyrouth, où les parents des détenus libanais dans les prisons syriennes observent un sit-in depuis plus de sept ans, Majida Bachaché se traîne péniblement.
Âgée de plus de 60 ans, cette femme range ses affaires pour rentrer chez elle. « Avec la “hajjé” (une septuagénaire dont le fils est également détenu en Syrie), nous assurons chacune à son tour la permanence ici, explique-t-elle d’une voix lasse. Je campe ici de jeudi à lundi. Elle assure une présence les autres jours . Depuis la mort d’Odette (fauchée par une voiture en mai 2009, Odette Salem, qu’on surnommait “la gardienne de la tente”, a deux enfants disparus en Syrie), nous nous partageons la tâche. Plusieurs parents ne viennent plus. Certains sont malades, d’autres sont morts. D’aucuns sont las. »
Assise sur un des deux lits qu’abrite la tente d’à peine 12 mètres carrés, et qui sert en même temps de chambre à coucher, de dépôt, de kitchenette et de bureau, Majida Bachaché se lève pour aller chercher la photo de son frère Ahmad, disparu en 1976.
« Ahmad avait un peu plus de 17 ans lorsqu’il a été enlevé à Khaldé par des Syriens, dit-elle. Ce sont les seules informations qui nous sont parvenues sur les circonstances de sa disparition. »
« Au début, c’est ma mère qui suivait l’affaire,
poursuit-elle. Elle s’est rendue à plusieurs reprises à la prison de Mazzé en Syrie pour tenter de le voir. À chaque fois, on lui confirmait sa présence, on lui soutirait de l’argent et on lui donnait des excuses pour l’empêcher de le rencontrer. » Ravalant des larmes, Majida Bachaché ajoute : « Elle ne l’a jamais revu. Elle n’a tenu le coup que quelques années. Sa santé s’est vite détériorée et elle est morte de chagrin, il y a maintenant plus de vingt-cinq ans. » Depuis,malgré son âge avancé et sa fatigue, Majida Bachaché suit le dossier de son frère.
Originaire de Barja, elle a une sœur et quatre frères en vie. « J’ai déjà perdu un frère et nous ignorons le sort d’Ahmad », confie-t-elle. Mais c’est elle qui a pris la relève de sa mère. « Ma sœur a visité la tente une fois, dit-elle. Son mari l’empêche de venir. Ses enfants sont tout petits. Deux de mes frères sont également venus. Mais l’un d’entre eux est malade. D’ailleurs, je ne veux pas qu’ils se mêlent de cette affaire. J’ai peur pour eux. Je me suis engagée à poursuivre la cause au nom de la famille. » Pour ce faire, Majida Bachaché a confié le dossier à Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil). « Je n’ai jamais été en Syrie, note-t-elle. Je n’ose pas m’y rendre. Mais je sais, par un ancien détenu, que mon frère est en Syrie. Il l’a reconnu sur la photo. À part cette information, nous n’avons rien reçu de lui. Ni une lettre ni un message. »
Espère-t-elle un dénouement positif avec la révolte en Syrie ? « S’ils sont en train de tuer leur propre population, il faut être naïfs pour penser que nos détenus sont encore vivants. Toutefois, nous avons droit à la vérité... »
Suite et fin du 1er commentaire ! PS : Dans le numéro 10, du magazine Moyen-Orient. Il y a un très intéressant article, intitulé : Liban : La résistance à la guerre (1975-1990), signé par Emma Soubrier. Cet article concerne surtout la population civile libanaise et sa résistance, et qui s’est retrouvé dans un engrenage de guerre civile qui la dépassait !
18 h 32, le 15 septembre 2011