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Nos Lecteurs ont la Parole

II.- Électricité et relations publiques

Par George SABAT
Les auteurs de certains articles qui paraissent dans la rubrique Opinion de ce journal ont souvent, dans le passé, dénoncé les défauts du système au Liban, en en attribuant la cause à différents facteurs tels que le confessionnalisme, la corruption, l’indifférence et l’indiscipline du citoyen, la carence de l’État, l’influence pernicieuse des régimes voisins ou celle des grandes puissances anxieuses de s’imposer au Liban.
Toutes ces raisons sont évidemment valables, mais il en est une autre que l’on ignore trop souvent. La tendance des autorités de ce pays à marginaliser le citoyen et à le garder à l’écart de la conduite des affaires publiques constitue à mon avis le danger le plus pernicieux pour l’unité politique et le développement économique et social du Liban. Ceux qui ont eu l’occasion de lire mon article précédent (voir L’Orient-Le Jour du vendredi 9 septembre 2011) ont dû relever mon insistance à réclamer que le citoyen soit invité à devenir partie prenante dans l’exécution du projet de réforme de l’électricité proposé par le ministre Bassil, qui vient d’être approuvé par le gouvernement après certaines modifications de la dernière heure.
En réfléchissant plus profondément à la question, on est amené à réaliser que tous les maux que les Libanais attribuent au système mentionnés plus haut pourraient trouver remède si les citoyens parvenaient enfin à réaliser que le Liban leur appartient en exclusivité, qu’ils en sont responsables et qu’en définitive, ils sont les seuls en mesure de faire pencher la balance du bon côté. Il suffirait pour cela que les autorités admettent cette vérité essentielle et leur reconnaissent explicitement le droit de participer à égalité avec elles à la reconstruction de l’État.
Dans les lignes suivantes je tâcherai de démontrer que la coopération et la participation du citoyen sont essentielles pour assurer le succès du projet de réforme de l’électricité au Liban. Ce projet, s’il ne bénéficie pas d’un appui sans réserve de la population, risque fort de demeurer à l’état de concept creux et finira, à l’instar de tous ceux qui l’ont précédé, dans les archives poussiéreuses de l’administration.
La réforme de l’électricité a, en effet, de nombreux ennemis cachés et puissants qui n’ont absolument aucun intérêt personnel à la voir se réaliser et agiraient de toutes leurs forces pour la combattre. Ces individus ont, dans le passé, trop souvent profité de l’état de fait actuel pour lâcher prise si facilement. Seule l’union solide des citoyens et de l’État serait à même de faire échec à une telle entreprise.
Mais afin d’enrôler le citoyen et de l’amener à profondément s’engager, il faudrait au préalable commencer par l’informer raisonnablement. Les commentaires au sujet de ce projet qui ont émané de toutes parts durant le mois qui a précédé la décision du gouvernement ont démontré une ignorance quasi totale de la population, aussi bien en ce qui concerne les objectifs fondamentaux que les détails d’exécution d’un projet aussi complexe qu’ambitieux.
Dans le but d’éclairer au mieux le citoyen, je suggérerais que le ministère de l’Électricité appuie le principe du lancement d’une gazette hebdomadaire dont les éditeurs collaboreraient avec le personnel du ministère pour fournir aux lecteurs toutes les explications dont ils pourraient avoir besoin tout en leur procurant une plate-forme appropriée pour recevoir leurs doléances et formuler leurs suggestions.
Le premier numéro de cette future gazette devrait être consacré à la publication intégrale du document de politique énergétique 2010-2015 sur lequel le gouvernement s’est basé pour faire approuver le projet, avec toutes les explications que l’on jugerait nécessaire d’y ajouter afin de le mettre à la portée du grand public.
Les éditeurs de la gazette publieraient par la suite, à la fin de chaque semaine, un compte-rendu des résultats du travail accompli par le ministère et le compareraient au programme initial,en expliquant brièvement les causes de toute déviation qui aurait surgi. Les lecteurs seraient aussi encouragés à offrir leurs commentaires et leurs suggestion à propos de ces résultats.
Une autre recommandation serait de conduire fréquemment, par l’intermédiaire de sociétés spécialisées dans ce domaine, des enquêtes minutieuses auprès du public afin de s’assurer qu’il comprend le problème, réalise son envergure et est d’accord ou pas avec les solutions préconisées et les résultats atteints. Les conclusions de ces enquêtes devraient être, elles aussi, publiées dans la gazette pour plus de transparence.
Et pour en terminer avec les suggestions, je demeure convaincu de la nécessité de créer un poste de responsable des relations publiques au sein du ministère, qui aurait pour tâche de recevoir les doléances ou les suggestions des contribuables, les transmettre aux départements concernés pour qu’ils leur donnent suite et retransmettre les réponses à qui de droit. Ce fonctionnaire serait en outre chargé d’assurer la coordination indispensable durant toute la durée du projet entre le ministère de l’Énergie et les autres départements concernés, tels que ceux de l’Environnement, de la Santé, des Travaux publics, de l’Économie, des Affaires sociales, etc.
En conclusion, j’estime qu’une telle initiative, si elle venait à être agréée et adoptée par tous, serait une réalisation majeure pour le pays. L’État serait ainsi à même de suivre de près l’avancement des travaux. Plus important : le citoyen serait aussi en mesure d’acquérir un droit de regard sur la performance de ses gouvernants. Cela sans mentionner les avantages collatéraux qui pourraient découler d’une telle entreprise, tels qu’une réduction du taux de la corruption résultant d’une transparence accrue, l’amorce d’un dialogue véritable entre l’État et les citoyens, ainsi qu’une meilleure prise de conscience par ces derniers de leurs droits et de leurs responsabilités civiques.
Certains pays de la région pourraient même nous envier de nous être engagés les premiers sur la voie d’une démocratie authentique.
Les auteurs de certains articles qui paraissent dans la rubrique Opinion de ce journal ont souvent, dans le passé, dénoncé les défauts du système au Liban, en en attribuant la cause à différents facteurs tels que le confessionnalisme, la corruption, l’indifférence et l’indiscipline du citoyen, la carence de l’État, l’influence pernicieuse des régimes voisins ou celle des grandes puissances anxieuses de s’imposer au Liban.Toutes ces raisons sont évidemment valables, mais il en est une autre que l’on ignore trop souvent. La tendance des autorités de ce pays à marginaliser le citoyen et à le garder à l’écart de la conduite des affaires publiques constitue à mon avis le danger le plus pernicieux pour l’unité politique et le développement économique et social du Liban. Ceux qui ont eu l’occasion de lire...
commentaires (1)

Merci pour cet excellent article qui montre, encore une fois, qu'on ne peut rien construire de sérieux sans la participation et l'information du citoyen. L'administration libanaise ne s'est pas encore totalement débarrassée de la vision hautaine et dominatrice qu’elle a sur le citoyen, héritée de la longue et douloureuse colonisation ottomane. Elle doit se souvenir en permanence que l’occupation d’une fonction administrative doit être considérée exclusivement comme un service à rendre à la collectivité.

Fernand Zoghbi

04 h 48, le 14 septembre 2011

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Commentaires (1)

  • Merci pour cet excellent article qui montre, encore une fois, qu'on ne peut rien construire de sérieux sans la participation et l'information du citoyen. L'administration libanaise ne s'est pas encore totalement débarrassée de la vision hautaine et dominatrice qu’elle a sur le citoyen, héritée de la longue et douloureuse colonisation ottomane. Elle doit se souvenir en permanence que l’occupation d’une fonction administrative doit être considérée exclusivement comme un service à rendre à la collectivité.

    Fernand Zoghbi

    04 h 48, le 14 septembre 2011

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