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Ils y étaient. Ils racontent

"Dans les airs, c'est le chaos..."

Le 11 septembre 2001, la mission de Dan Caine, pilote de F16, était de "protéger" la Maison Blanche ou le Capitole. SETH MCALLISTER/

Une épaisse fumée noire se dégage du Pentagone quand le commandant Dan Caine prend l'air ce matin-là à bord de son F16 pour une mission qu'il n'avait jamais imaginée : abattre tout avion qui menace de se jeter sur la Maison Blanche ou le Capitole.

 

Le 11 septembre 2001 devait être un "jour d'entraînement normal" pour les pilotes de la Garde nationale basés à Andrews, dans la banlieue de Washington. Mais quand le pilote de chasse de 33 ans, alors en pleine réunion, apprend qu'un avion vient de s'écraser sur le World Trade Center, tout bascule. Dan Caine, aujourd'hui colonel, a à peine le temps de se rendre dans la salle des pilotes qu'il voit "un avion apparaître dans le coin droit de l'écran de télé et se précipiter sur la deuxième tour". Que faire, quels sont les ordres? Les coups de fil s'enchaînent, raconte à l'AFP l'officier, dans un débit saccadé, dix ans après les faits. Aux armuriers, il ordonne de préparer des missiles air-air. Dans son local, le préposé aux munitions n'a pas la télévision, "il a dû penser que j'avais perdu la tête".

 

L'appel suivant vient directement de la Maison Blanche : "faites décoller tout ce que vous pouvez maintenant". Le "briefing" d'avant mission, d'habitude long d'une heure et demie, est expédié. Son général relaie l'ordre de "protéger l'autorité nationale de commandement" à Washington contre toute nouvelle attaque.

Le pilote ne souhaite pas s'étendre sur les "règles d'engagement", les circonstances dans lesquelles l'ouverture du feu est autorisée. "Tout ce que je peux dire, c'est qu'elles n'étaient pas strictes". Mais l'officier au visage encore juvénile glisse dans le langage fleuri du pilote de chasse : "j'aurais eu les boules d'appuyer sur le bouton et d'abattre un avion. Mais c'était quelque chose que j'étais prêt à faire". De fait, son unité a été la seule à recevoir l'ordre donné par la Maison Blanche d'abattre tout avion présentant une menace immédiate, selon le rapport de la Commission d'enquête sur le 11-Septembre.

 

Jusque-là, les attentats n'avaient encore de réalité pour Dan Caine qu'à travers le filtre de la télévision. Mais lorsqu'il grimpe dans son F16 et ajuste son casque, il aperçoit "une fumée noire, épaisse, qui s'élève au-dessus des pins" bordant le tarmac. A moins de sept kilomètres, toute une aile du siège du ministère américain de la Défense est la proie des flammes. Les armuriers, des "gamins", accrochent les missiles sous ses ailes, "la peur dans les yeux, mais avec la volonté de faire de faire leur devoir", se souvient-il.

 

A quelle heure a-t-il décollé? Dan Caine dit avoir perdu la notion du temps. Il sait juste qu'il a passé "les six heures suivantes au-dessus de Washington" et qu'il n'était "pas au courant" pour le vol 93 qui s'est écrasé dans un champ de Pennsylvanie, à 20 minutes de vol de la capitale. "Je ne sais pas si on aurait pu faire quelque chose", reconnaît-il.

Il décolle avec trois autres F16, bientôt rejoint par quatre F15 qui patrouillent à haute altitude. Dans les airs, c'est le chaos. Des "dizaines" d'appareils apparaissent sur son radar. Entre les avions qui croisent à haute altitude, ceux qui décollent ou atterrissent dans les aéroports des environs, les hélicoptères de la police, du gouvernement ou de secours médical, "c'était un vrai merdier", lâche-t-il, "une situation extraordinairement complexe".

"Pendant les 20 premières minutes, je n'ai pas dû dépasser 300 mètres" d'altitude, raconte-t-il. "J'ai décollé et mon premier contact radar est apparu au nord du Capitole, à 100 mètres d'altitude et environ 10 kilomètres. Là, on se dit : je tire, je tire pas? J'ai mis ma post-combustion et foncé vers le Capitole, j'ai probablement fichu la peur de leur vie aux gens dans les rues", se remémore le colonel. L'appareil suspect n'est en fait qu'un hélicoptère de secours médical.

 

Avec les pilotes de son escadron, il étend peu à peu la bulle de sécurité au-dessus de la capitale au prix de "plusieurs interceptions" d'hélicoptères ou de jets privés. "C'est très convaincant un F16 qui vous passe devant le nez", dit-il, expliquant l'ultime avertissement avant l'ouverture du feu.

 

En fin de matinée, l'ordre est donné à tous les appareils civils de se poser, à son grand soulagement. La situation se fluidifie, les renforts arrivent : douze appareils, dont deux avions-ravitailleurs, assureront la sécurité de la capitale dans l'après-midi.

 

Dan Caine rentrera chez lui deux jours après. Quelques semaines plus tard, il larguera des "bombes sur Tora Bora", en Afghanistan.

Une épaisse fumée noire se dégage du Pentagone quand le commandant Dan Caine prend l'air ce matin-là à bord de son F16 pour une mission qu'il n'avait jamais imaginée : abattre tout avion qui menace de se jeter sur la Maison Blanche ou le Capitole.
 
Le 11 septembre 2001 devait être un "jour d'entraînement normal" pour les pilotes de la Garde nationale basés à Andrews, dans la banlieue...