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Culture - Lecture d’été

« La désirante » de Malika Mokeddem, ou l’énergie du désespoir

Un roman qui respire la plage, la mer, le sable et l’amour. Désir de femme pour une histoire palpitante et des virées de critiques sociales acidulées avec « La désirante »* de Malika Mokaddem (238 pages, Grasset), médecin et surtout femme de lettres algérienne d’expression française. Avec des mots certes soignés et sains, mais jamais innocents ou inoffensifs, cap sur une aventure sous une torride chaleur d’été.

Malika.

Une romancière qui sort du rang. Avec un parcours atypique. Malika Mokeddem abandonne ses consultations en néphrologie, en 1985, pour embrasser une carrière littéraire. De la médecine à la plume, elle quitte aussi Oran et s’installe à Montpellier. Tout en consacrant son énergie et son inspiration à défendre les droits et la cause de la femme. Elle lutte pour l’émancipation de celles qu’elle voudrait soustraire à l’oppression des hommes. Elle veut des femmes libres et éduquées. Sans doute à son image.
Le dixième roman, La désirante, de Malika Mokeddem est parfaitement dans le sillage de son dessein et du filon de ses romans antérieurs, notamment La transe des insoumis, Je dois tout à ton oubli et Les hommes qui marchent, qui a obtenu le Prix Littré en 1991.
Son dernier opus, lisse en apparence, respire la mer, le sable, le soleil, les voyages, la liberté, une certaine poésie, l’ardeur des amours inassouvies. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Il ne s’agit guère d’un duplicata touristique ou d’une bluette d’été, mais d’un roman âpre, véhément, haletant, dénonciateur, enfiévré et animé d’une sourde énergie du désespoir.
Sous le couvert de la passion d’une femme au nom rayonnant de Shamsa sur son voilier appelé « Vent de sable », en quête éperdument et passionnément de Léo, disparu après une fulgurante rencontre près du port de Montpellier, émerge ce qui fait toute la tessiture des révolutions et révoltes du monde arabe actuel. C’est-à-dire l’image d’une société régie par des bandes mafieuses (trafic d’armes, de kif et de drogues) avec une jeunesse privée de travail, de démocratie et des besoins les plus élémentaires pour une vie digne. On a réquisitionné l’espoir à toute une jeunesse. Et c’est ce droit à l’espoir que revendique la romancière.
Entre le récit psychologique (excellent portrait de Shamsa, abandonnée à sa naissance et élevée par des religieuses), les pérégrinations aventureuses de virées qui vont de la Tunisie à la Grèce, en passant par l’Italie et la Corse, et le suspense d’une histoire à rebondissements multiples, il y a là les relents d’un polar adroitement mené.
Mais avec Malika Mokeddem, l’histoire – même si elle est parfois tirée par les cheveux –, certes toujours intéressante et prenante, n’est qu’un prétexte pour une rébellion ouverte, une critique féroce et une dénonciation crue d’un tiers-monde à refaire, à repenser. Mais l’auteur Des rêves et des assassins n’oublie jamais les vertus stylistiques et littéraires d’une écriture soignée tout en y incorporant des pointes joliment formulées, mais acerbes, pour des travers inadmissibles. Envers les femmes et tout être vivant...
Et ce n’est guère hasard si l’exergue du livre est placé sous l’ombrelle du diplomate et poète français Saint-John Perse, comme pour éclairer la notion et la portée d’une narration qui n’ignore ni le fond ni le style. Mettant ainsi sujet et forme au même point d’importance. On cède volontiers à la tentation de citer cette phrase de l’auteur d’ Anabase et d’Amers en première page :
« C’étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde
De très grands vents en liesse par le monde, qui n’avaient d’aires ni de gîte
Qui n’avaient garde ni mesure, et nous laissaient, hommes de paille
En l’an de paille sur leur erre... »

*Ouvrage en vente à la librairie al-Bourj.
Une romancière qui sort du rang. Avec un parcours atypique. Malika Mokeddem abandonne ses consultations en néphrologie, en 1985, pour embrasser une carrière littéraire. De la médecine à la plume, elle quitte aussi Oran et s’installe à Montpellier. Tout en consacrant son énergie et son inspiration à défendre les droits et la cause de la femme. Elle lutte pour...

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