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Liban - Un été à Beyrouth

Les méduses, mes radeaux

Partir. Revenir. Voici le destin des hirondelles, comme le dit le tag sur le mur mitoyen de Bourj el-Ghazal. « Ma le vacanze non durano tutta la vita ! » Alors revenir, sous les applaudissements de plus en plus timides à l’atterrissage, fumer une cigarette dans l’aérogare, appeler la famille qui attend derrière les barrières et qui vous accueille comme si vous reveniez d’un long exil. Apprécier le tee-shirt du copain qui affiche tout simplement son adhésion : « BEIRUTADDICT. » Revenir pour remettre ses pas dans le quotidien. Courir comme pour rattraper un train en marche. Feuilleter les journaux parus durant l’absence pour se familiariser avec les nouvelles et leur cortège de chiffres et d’images.
Moubarak au tribunal, tel un pharaon, allongé, déjà ceint de bandelettes blanches, attendant la momification et le passage vers l’autre rive. Celle de la déchéance, d’abord. Standard and Poor’s jouant aux chiffres et aux lettres, ou quand AAA devenant AA+ entraîne des chutes de 10 % dans les Bourses. L’économie mondiale joue à se faire peur, mais y en a marre des pays qui vivent au-dessus de leurs moyens et qui s’agrippent aux besogneux au moment de leur naufrage. La Fontaine peut rhabiller sa fourmi !
Une bonne nouvelle cependant : les manifestants de Tel-Aviv reprennent à leur compte le slogan du printemps arabe : le peuple désire. Ach-cha3b yourid. En hébreu évidemment. Et nous, à Beyrouth, qu’est-ce qu’on désire ?
Chacun, replié sur son aire de montagne, passera le week-end du 15 août sur son mar2ad 3anzé.
Là, de kermesses en feux d’artifice et autres feux de camp, chaque village fêtera l’assomption de la Vierge d’une manière archaïque, primitive, païenne. Beaucoup de bruits collectifs pour conjurer des peurs individuelles. Il est loin le temps où, pour la procession de Knisset el-Tallé, des ailes de gaze arrimées aux épaules donnaient aux enfants l’assurance que l’innocence durerait toujours. Festoyer en ayant une pensée empathique pour les concitoyens qui risquent la déshydratation diurne en attendant les amareddine et fattouche quotidiens. Les remercier pour les délicieux kelleges crus de ramadan. Ceux qui donnent bonne conscience.
Mais surtout, surtout, louer le courage des frères syriens, qui subissent aujourd’hui ceux-là mêmes qui nous ont infligé tant de misères depuis des décennies, et mépriser les Occidentaux timorés et leur realpolitik. Bondir en entendant les menaces de retour des Syriens, brandies par Michel Aoun. Le rassurer en lui disant que depuis la mort de tante Najla, nous n’avons plus peur d’Abou Kisse. Que ceux qui nous menacent feraient bien de balayer devant leur porte ! Penser que la léthargie des Damascènes les rend coupables de la mort de leurs compatriotes, plus courageux qu’eux. Mais tant que la capitale ne bougera pas, les villes périphériques continueront d’être livrées aux chabbiha. Leur livrer cette phrase lue quelque part : « Plus assourdissant que le bruit des bottes, le silence des pantoufles. »
L’essentiel reste cependant de savoir si les méduses ont déserté ma plage...
Partir. Revenir. Voici le destin des hirondelles, comme le dit le tag sur le mur mitoyen de Bourj el-Ghazal. « Ma le vacanze non durano tutta la vita ! » Alors revenir, sous les applaudissements de plus en plus timides à l’atterrissage, fumer une cigarette dans l’aérogare, appeler la famille qui attend derrière les barrières et qui vous accueille comme si vous reveniez...

commentaires (9)

Du grand Carla,tu nous surprendras toujours.Du beau life tous azimut.Encore une fois bravo pour tant de nouveautés et de trouvailles.Avec du style.Euph

Ephrasia Chémali

09 h 24, le 12 août 2011

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Du grand Carla,tu nous surprendras toujours.Du beau life tous azimut.Encore une fois bravo pour tant de nouveautés et de trouvailles.Avec du style.Euph

    Ephrasia Chémali

    09 h 24, le 12 août 2011

  • Carlouche,c'est un domaine où tu excelles et tu sais que moi Marie jo je l'ai toujours dit.Pour le reste ,y a la plage,mais sans les méchantes méduses sûrement,empêcheuses de bains tranquilles.

    Marie Jo Akl

    09 h 03, le 12 août 2011

  • Super papier Carla.Sus aux méduses,ca occupe le temps qui passe ,al baher.Christiane

    Christiane Baddoura

    08 h 36, le 12 août 2011

  • Du pur délire auquel on est associé malgré nous;une leçon de vie à laquelle on doit vraiment prêter attention pour ne pas y être emporté involontairement.Bravo de nous titiller dans ce que nous avons de plus cher.

    Christine Al Karawane

    06 h 03, le 12 août 2011

  • Très intelligent de la part de Carla Yared .Bien reçu 7 sur 7.De pérégrination en pérégrination à la recherche de ce qui n'existe pas ou pas encore.Cherchez bien chère Carla Yared je vous souhaite de trouver.Bonne chance il vous en faut pour trouver la terre promise,car beaucoup cherchent toujours un peu comme vous une transparence introuvable!!!

    Zida Akroum

    05 h 53, le 12 août 2011

  • Style bariolé et vivant de Carla Yared qui livre son agenda et donne ses rendez vous via sa rubrique.Interressant.

    Ziad Akad

    05 h 06, le 12 août 2011

  • BRAVO CARLA YARED excellent article. Marie Jose Malha.

    Marie Jose Malha

    03 h 45, le 12 août 2011

  • C'est beau comme du Verlaine,,,, merci Carla de ce joli résumé de l’été.

    Christine KHALIL

    03 h 08, le 12 août 2011

  • Génial !

    Joun Hélène

    20 h 58, le 11 août 2011

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