Après l’arrestation, lundi, d’un responsable d’une organisation de défense des droits de l’homme, Saadeddine Chatila, accusé de « porter atteinte aux relations avec la Syrie », c’était au tour, hier, du chanteur et compositeur Zeid Hamdan d’être arrêté quelques heures au Palais de justice pour sa chanson « General Suleiman », écrite en 2008 et dont la vidéo se trouve pourtant sur YouTube depuis... au moins un an.
Les autorités se sont ravisées en soirée, libérant le populaire chanteur underground. Mais le mal était fait... Le jeune musicien de 34 ans a été interpellé sous prétexte que les paroles de sa chanson auraient « porté atteinte à la personne du président de la République ».
Les paroles de la chanson s’élèvent contre les milices, le militarisme, les interventions de pays étrangers, les services secrets et la corruption, et se terminent par un « General Suleiman Go Home » (« Rentrez chez vous »). À signaler que le « Go Home » est adressé à tous les autres dans cette même chanson. Est-ce assez pour considérer cela comme de la diffamation ?
Contacté par L’Orient-Le Jour peu après sa libération, Zeid Hamdan a indiqué qu’à son avis il n’y aura pas de suites à cette affaire. « Je ne comprends pas pourquoi cette chanson a pris autant d’ampleur, poursuit-il. Quelqu’un a considéré que j’étais contre le pays ou contre une personne, mais ce n’est pas le cas. Cette chanson a été écrite en 2008, à l’époque de l’accord de Doha et de l’élection présidentielle. Le message était général, j’y remercie le président pour le rôle unificateur qu’il a joué, mais j’appelle à mettre un terme au rôle des militaires. »
Zeid Hamdan se trouvait hier au Palais de justice, convoqué pour la troisième fois par le procureur de la République Saïd Mirza dans le cadre de l’affaire de la chanson, quand il a été arrêté par la police judiciaire durant quelques heures. Selon une source, les autorités auraient eu vent de sa chanson en interceptant un portfolio envoyé par le réalisateur du vidéoclip à une agence de publicité. Zeid avait déjà été convoqué chez le juge à deux reprises la semaine dernière, les 20 et 21 juillet, selon un communiqué de son avocat Nizar Saghieh. Il était accusé d’avoir « porté atteinte à la personne du président » par sa phrase qui l’invitait à rentrer chez lui, et il a été interrogé en vertu des articles 384 et 386 du code pénal, selon le même communiqué.
Les réseaux sociaux en émoi
Aussitôt la nouvelle de l’arrestation de Zeid connue, les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter se sont instantanément enflammés. Une page intitulée « Libérez Zeid Hamdan » a été créée sur Facebook et a rassemblé presque 2 000 signatures en quelques heures. Des commentaires ont été postés en grand nombre sur YouTube, où la vidéo est disponible. Beaucoup trouvaient l’arrestation « absurde » ou « scandaleuse ». Un fan appelait même à une manifestation si le chanteur n’était pas libéré le soir même. Un des intervenants a fait remarquer à juste titre que « cette arrestation lui ferait, ainsi qu’à la chanson, davantage de publicité ».
Parmi les réactions à cette arrestation, celle du député Marwan Hamadé qui a condamné « l’emprisonnement de jeunes pour une chanson, un poème, une formule sur Facebook ». Il s’est cependant félicité du fait que « la présidence de la République se soit ravisée et ait mis un terme à l’activité de certains services nostalgiques d’une époque révolue ».
L’avocat de Hamdan, Nizar Saghieh, a écrit dans son communiqué : « Outre le fait que cette arrestation porte naturellement atteinte aux libertés artistiques et à la liberté d’opinion et d’expression, elle montre également le mépris des autorités envers les libertés individuelles. Ce qui nous désole encore plus, c’est que pareil incident ait lieu au Liban à une époque où plusieurs pays arabes connaissent des révolutions qui ont privé des présidents de leur aura et rendu aux populations leur dignité. »
L’association Journalistes contre la violence a établi de son côté un parallèle entre l’arrestation du militant des droits de l’homme Saadeddine Chatila et celle de Hamdan, tous deux pour quelques heures. Dans son communiqué, elle a dénoncé « cette série d’entorses aux libertés publiques et aux droits de l’homme ces derniers temps ». Elle a mis en garde contre « la restauration du climat du régime sécuritaire passé ».
commentaires (13)
Probablement Alex que les Présidents Frangieh et Sarkis avaient un sens de l'humour plus poussé. Probablement aussi que les piques de Ziad Rahbani et de Chouchou étaient de loin plus subtiles que ce "Go home Suleiman", on ne peut plus direct. N’empêche la liberté d'expression s’arrête aux limites du respect qu'on ne devrait pas dépasser envers un président, un citoyen lambda ou... un simple internaute.
Tina Chamoun
12 h 10, le 29 juillet 2011