Rechercher
Rechercher

Culture - Portrait

Reem al-Faisal brise un cliché en douceur

Photographe et mécène, la Saoudienne Reem el-Faisal tourbillonne le monde, tel un derviche tourneur, à la recherche de l’absolu. Rencontre à l’occasion de sa visite à Menasart Fair.

Un paysage en Chine.

Briseuse d’un grand tabou, Reem al-Faisal. Même si elle le fait en douceur et avec l’air de ne pas y toucher. Car photographie et Arabie ne riment pas toujours au pays des al-Saoud. C’est sans doute pour cette raison qu’elle refuse d’être photographiée. «Je préfère être de l’autre côté de l’objectif. Et puis je préfère laisser la parole à mon travail», dit celle qui veut, à travers ses œuvres, toucher à l’universel. C’est par cette voie (royale) que la princesse réussit (non sans difficultés) à défier le cliché éculé interdisant la prise de photographie en public dans la société ultraconservatrice d’Arabie saoudite.
Petite fille du roi Fayçal, elle apparaît comme une princesse énergique, moderne, parlant couramment plusieurs
langues.
Autour d’un espresso, en robe, foulard et bijoux ethniques, elle est prête à défendre, des heures durant, la cause de Cube Arts, cette «cellule artistique» qu’elle forme avec sa compatriote l’artiste Lulwah al-Homoud et qui vise à promouvoir et faire connaître les artistes d’Arabie saoudite comme ceux du monde arabe, à long terme. Elle raconte le succès de la première exposition Nabatt, à Shanghai, qui a réuni 130 œuvres d’artistes saoudiens. Elle explique le travail, en art visuel, littérature et des quatorze artistes exposés à Nabatt-Beyrouth dans le cadre de Menasart Fair. Et affirme que le critère de sélection le plus important était «la force morale de l’œuvre, la profondeur de sa pensée, de son message». «Je crois que l’art est sacré, dit-elle. Je ne crois pas à l’art pour l’art. Ce n’est pas, de mon point de vue, l’objet qui compte. Je m’oppose en cela à toutes les conceptions qui se sont développées en Occident depuis la Renaissance. Ce qui vaut, pour moi, c’est de voir comment son travail transforme l’artiste.»
Reem al-Faisal est plus qu’une figure montante de la scène artistique contemporaine saoudienne, elle en est devenue une constante majeure. Née en 1968 à New York (son père y suivait ses études), elle vit et travaille à Jeddah. Mais elle voyage aussi beaucoup. En témoignent ses photographies, prises aux quatre coins du globe. Depuis 1994, elle expose tant à l’étranger qu’en Arabie – Biennale des arts médiatiques de Séoul, Festival des trois continents de Nantes, Institut du monde arabe, Égypte, Chine, Bahreïn, Allemagne, Paris, Avignon. Mais aussi Dubaï, où elle a ouvert un espace dédié à l’art, The Empty Quarter Gallery.
À l’occasion de Menasart Fair, elle a effectué (étonnement) sa première visite à Beyrouth. Et dit y avoir rencontré beaucoup de tristesse. «Cela m’a beaucoup touchée, dit-elle. C’est une ville qui a beaucoup souffert. Sous des dehors frivoles, elle cache une profonde blessure.»
La jeune femme se dit très proche de la philosophie soufie. Et tel un derviche tourneur, elle tourbillonne le monde à la recherche du Créateur, de Son image.
Elle se définit comme une artiste musulmane. À ce titre, l’art qu’elle pratique, la photographie, est un art islamique, car issu de la culture et de l’histoire de son Arabie natale. «Dans mon art, je cherche à montrer les signes du Divin dans la nature et dans l’homme. Pour moi, la lumière est l’une des nombreuses manifestations de Dieu.» Passionnée de noir et blanc, al-Faisal utilise le procédé argentique et traditionnel.
L’une des rares personnes à avoir pu photographier les pèlerins du Hajj à La Mecque et sans doute la seule femme à avoir pu accomplir cet exploit (vu les nombreuses difficultés entourant cette entreprise, le projet lui a demandé trois ans de travail!), al-Faisal dit que son intérêt principal était ethnologique. «Le Hajj est un rassemblement de trois millions d’hommes et de femmes qui parlent plus de deux cents langues et beaucoup de dialectes. Ils viennent de tous les continents et de toutes les classes sociales, effectuent les mêmes rituels, pour un événement qui a lieu chaque année au même endroit, pour quatre jours seulement. C’est un laboratoire humain et je pouvais y étudier le comportement des humains quand ils sont confrontés les uns aux autres sur une terre étrangère et qu’ils doivent apprendre à vivre ensemble sur un temps aussi court.»
Et de poursuivre: «Le Hajj est une expérience exigeante, physiquement et mentalement, et ce n’était pas moins exigeant pour moi, comme observatrice, parce que je devais faire face à plusieurs défis: essayer de capter ce moment intense en si peu de temps et aussi être une femme photographe, perçue comme importune dans un moment de méditation si privé. Ce que je peux dire, c’est qu’être une femme exigeait davantage d’efforts et m’a fait découvrir mes propres limites, mes forces et comment me débrouiller avec l’incompréhension et quelquefois la violence.»
«Mais cela a surtout été un moment enrichissant», conclut Reem al-Faisal en espérant avoir l’occasion de capter la beauté des paysages libanais. En noir et blanc. Évidemment.
Briseuse d’un grand tabou, Reem al-Faisal. Même si elle le fait en douceur et avec l’air de ne pas y toucher. Car photographie et Arabie ne riment pas toujours au pays des al-Saoud. C’est sans doute pour cette raison qu’elle refuse d’être photographiée. «Je préfère être de l’autre côté de l’objectif. Et puis je préfère laisser la parole à mon travail», dit...

commentaires (1)

Aller au-delà du voile ! Merci Mayouche de nous faire découvrir cette ''intense'' artiste-femme libre d'Arabie Saoudite... Nayla abi Karam

nayla abi karam

07 h 32, le 20 juillet 2011

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Aller au-delà du voile ! Merci Mayouche de nous faire découvrir cette ''intense'' artiste-femme libre d'Arabie Saoudite... Nayla abi Karam

    nayla abi karam

    07 h 32, le 20 juillet 2011

Retour en haut