Cette opération, qui se déroulait dans la nuit de samedi à dimanche en présence d’un groupe de journalistes invité à monter à bord de l’Awacs, visait à montrer au public la gestion des mouvements des avions de l’OTAN et le processus de décision derrière chacune des plus de 2 500 frappes aériennes réalisées depuis près de quatre mois contre les forces de Mouammar Kadhafi. Toutes ces précautions n’ont pas empêché les bavures, la hantise de l’OTAN, car elles sont à chaque fois susceptibles de saper la légitimité de l’intervention, de fragiliser la coalition qui la mène et d’être utilisées à plein par le régime libyen. Le mois dernier, l’Alliance a dû en reconnaître deux en l’espace de vingt-quatre heures, avec un bombardement qui a tué plusieurs civils à Tripoli et un autre contre des forces rebelles.
La flotte d’Awacs de l’OTAN – des Boeing 707 équipés sur le toit de leurs radars bien reconnaissables en forme de disque – joue un rôle charnière pour orchestrer le ballet des quelque 150 sorties quotidiennes programmées en moyenne dans le ciel libyen et de la Méditerranée. Cette nuit-là, l’appareil de surveillance a tourné pendant huit heures au-dessus du golfe de Syrte pour coordonner quelque 40 appareils, chasseurs-bombardiers, avions de ravitaillement, hélicoptères et drones. À 30 000 pieds au-dessus de la mer, les lumières de la ville côtière de Misrata, enclave tenue par les rebelles, sont visibles du cockpit. De temps à autre, l’obscurité est déchirée par des lumières traçantes, sans doute des échanges de tirs entre rebelles et forces pro-Kadhafi entre Misrata et Zlitan. À l’arrière de l’appareil, des contrôleurs en combinaison verte sont vissés à leurs écrans d’ordinateur. Ils montrent une carte de la Libye et de la Méditerranée où évoluent de petits points bleus et jaunes représentant les avions de l’OTAN en action. « On a ce qu’on appelle une vue céleste, on regarde la terre d’en haut et on peut voir tout ce qui bouge sous forme de petits points », raconte un des contrôleurs, un capitaine danois répondant au prénom de Rune, qui ne peut donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.
Ce soir-là, quatre F-16 et deux drones Predator ont survolé Tripoli où ils ont frappé deux sites en l’espace de trois heures. Ailleurs, deux Mirage 2000 se sont aventurés au-dessus des hauts plateaux du sud de la capitale, tandis que des F-18 ont surveillé Misrata. « La nuit s’est bien passée. Nous avons trouvé de nombreuses cibles au sol que nous avons pu attaquer : deux chars de combat, des radars, des missiles », explique le lieutenant-colonel néerlandais responsable technique de l’équipe de 18 personnes à bord de l’Awacs, avant que l’appareil ne revienne sur sa base de Trapani, en Sicile.
Éviter les bavures au sol ne constitue pas leur seule mission. Il faut aussi éviter des collisions accidentelles en vol entre les avions de l’OTAN, transmettre les messages entre les chasseurs et le centre de commandement et guider les avions vers les ravitailleurs. Privée de troupes au sol, l’Alliance atlantique est très dépendante des « yeux » des Awacs et des images qu’ils transmettent. La décision finale de bombarder se prend toutefois ailleurs, au Combined Air Operations Centre (CAOC) de Poggio Renato, en Italie, à moins que le pilote soit certain qu’il n’y ait pas de civils à proximité de sa cible. Dans l’une des salles du CAOC, un large écran diffuse des images vidéo en direct d’un site en Libye. Elles sont si précises « que l’on peut voir un homme, un chat, un chien se promener », assure un responsable de l’OTAN. Ce qui n’empêche pas le risque d’erreur.
©AFP
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